Le Facteur – David Brin

Le facteur de David Brin

Milady (Bragelonne)

Prix Locus, Prix John Campbell

Le Facteur n’est pas qu’un film de Kevin Costner, c’est avant tout un roman de David Brin. Si l’œuvre cinématographie est plutôt quelconque, le récit de l’auteur américain propose du lourd et du coup l’adaptation ne tient pas la comparaison. Le cadre est pourtant identique pour les deux : les civilisations humaines se sont effondrées (encore!) suite à une guerre nucléaire. Un homme tente de faire face à la l’adversité et à tous les obstacles, tel un joueur de football US tentant de franchir la ligne d’avantage.

Rien de bien original jusqu’à présent car de tels romans foisonnent de nos jours. Sur ce blog, j’ai d’ailleurs déjà chroniqué plusieurs livres ayant une thématique similaire. Ceci dit, le roman a été publié en 1985, le post-apocalyptique n’était pas aussi répandu qu’aujourd’hui et seul Mad Max avait réellement frappé les esprits à cette époque. La violence dépeinte dans le film reflète parfaitement celle qui règne dans les pages du Facteur.

Une autre divergence qui le distingue des œuvres les plus courantes, sont les causes de l’effondrement. Certes les bombes H ont fait des ravages, expulsant des particules dans l’atmosphère et provoquant de grosses explosions volcaniques qui à leurs tour saturèrent l’air de tonnes de poussière. Il s’en est suivi l’Hiver de 3 ans. Mais, le fléau principal fût l’homme, dans sa plus vile expression : le survivaliste (ou holloniste). Il tue, pille, et viole, le tout en bandes ou plutôt hordes sauvages. J’ai récemment lu Les étoilent s’en balancent qui partage de nombreux points communs et joue sur les mêmes registres (angoisse, sentiment d’urgence,…).

Au lieu de Paris, c’est l’Oregon que notre héros va parcourir dans ses grandes largeurs. Avec le recul, il semble que E.E. Knight a suivi l’influence de Brin dans La Voie du Loup, tant il y a de points communs. Ainsi, Gordon Krantz tente-t-il de survivre dans cet Oregon hostile et dévasté depuis plus de 15 ans. Après s’être fait détroussé par une petite bande de survivalistes, il tombe sur le véhicule délabré d’un facteur d’avant guerre. La veste en cuir de la « momie » est beaucoup plus utile à un homme vivant qu’à un facteur tout desséché…. L’accoutrement et les vieux plis lui procurent l’opportunité de mettre fin à cette « vie » sur sur le fil du rasoir. Gordon se présente aux petites communautés survivantes comme un vrai facteur et le messager des États-Unis restaurés en échange du gîte et du couvert (et même d’un lit garni éventuellement).

Le personnage accablé se prend dans les filets d’un mensonge de plus en plus élaboré, entraînant des étincelles d’espoir au fil de ses pérégrinations. Il est un des points forts du récit de Brin. Cet opportuniste, porté par le désespoir et la lassitude, se transforme en leader, et oui même en héros. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est qu’il n’est pas un « héros malgré lui » comme le pitch pourrait le laisser penser. Il est mu par un besoin autre que la simple survie. C’est la raison pour laquelle il persiste dans l’affabulation des États-Unis restaurés et dans son rôle de composition, s’opposant même aux bandes hollonistes. La théorie de Maslow (et sa fameuse pyramide) trouve une parfaite résonance ici, sous la plume toute en maîtrise de David Brin.

Le Facteur possède d’autres atouts, qui le distinguent là encore de mes précédentes lectures,  du film homonyme ou même des Mad Max dont l’ambiance est décidément bien plus proche de celle du roman que son avatar cinématographique. Les thèmes abordés ciblent la structure d’une société : la place de la femme, la gouvernance, notre rapport à la technologie, la responsabilité et le devoir. Pour ces derniers, nous avons un clin d’oeil au Magicien d’Oz avec une sorte de mantra qui rythme le dernier tiers du roman : « Qui prendra la responsabilité des enfants ? »

Notre bon vieux facteur a été primé et nommé aux Locus et Nébula, et ce n’est pas un hasard.

Alors est-ce une pioche exceptionnelle ?…. suspens…

Ben, non pas forcément. J’ai trouvé le rythme surprenant, un peu en déséquilibre avec trois phases marquées. J’avoue que Le facteur a bien failli sonner deux fois en milieu de roman. En préparant cette critique ( Oui, je revendique ce terme!!!) j’ai compris cette sensation. Le roman regroupe deux nouvelles (primées en 1982 et 1984) largement rallongées pour former une trame cohérente. En sus du rythme, c’est la densité du dernier tiers qui participe à cette sensation de déséquilibre. Quasiment l’essentiel des thématiques y sont alors abordées alors que l’auteur nous plonge dans un maelstrom d’événements, de prises de conscience et de révélations. Bref à peine le temps de reprendre son souffle!

Donc ce n’est pas une pioche exceptionnelle, mais la main est bonne, voire très bonne! Ainsi si vous avez une envie de post-apocalyptique de qualité, je vous conseille vivement d’ouvrir votre porte à ce facteur.

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20 réflexions sur “Le Facteur – David Brin

  1. Excellente critique, merci de l’avoir partagée. Je ne suis pas spécialement fan de post-apo, donc je vais m’abstenir sur ce coup là par contre.

    Il me semble que je ne suis apparemment pas le seul à avoir tiqué devant l’article de Roznarho. Article qui ne semble d’ailleurs pas avoir d’autre but que de créer du buzz (certes négatif, mais du buzz quand-même) autour de son bouquin, qui sort dans quelques jours.

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    • je me doutais que je n’étais la seule à avoir lu son article… Il y a de quoi tiquer quand même. Je ne suis guère surprise que tu aies capté l’allusion.
      Merci autrement pour le compliment concernant cette critique.

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    • IL est court le livre et finalement se lit rapidement, après il faut apprécier le genre post-apocalyptique. J’en ai lu 3 en peu de temps, je crois que je vais faire une pause pour ce genre!

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  2. Coucou,
    C’est marrant ce « Les civilisations humaines s’effondrent Encore » ça me fait penser au téléfilm du samedi où c’est un américain qui sauve le monde Encore 😛😛
    Je suis en train de lire aussi un bouquin type Mad Max bien sympa

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    • Bon, il faut quand même prendre en compte que le roman :
      – ne débute pas de la même manière
      – l’ambiance y est très différente
      – la trame n’a rien à voir

      Bref, le film « emprunte » au bouquin le personnage d’un facteur, l’univers post apocalyptique et une idée qui dépasse le personnage.

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    • Je n’ai pas détesté le film. Je l’ai trouvé trop explosif à la fin et trop centré sur Costner. L’esprit du début et du facteur se sont fracturés en cours de route, et la facture n’a pas été à la hauteur à la fin. (sorry pour les jeux de mots pourris)
      Pas des plus mémorables, et il y avait matière à faire mieux avec l’idée de départ, car j’aimais bien aussi seul contre vents et marées…

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