Le problème à 3 corps – Liu Cixin

Le problème à 3 corps de Liu Cixin

Acte Sud

Prix Hugo 2015

« La raison ne peut rien contre la folie »

Outre le titre du roman du chinois Liu Cixin, le problème à 3 corps est une équation  de mathématique fondamentale pour l’astrophysique. Il consiste en la résolution des équations de Newton avec 3 corps gravitationnels en interaction. Dans l’espace, et dans le cadre de la relativité restreinte, le problème devient plus délicat à résoudre.

Grâce au titre, le lecteur se doute donc du sujet général du livre : il sera confronté à l’astrophysique, aux systèmes solaires et aux exoplanètes. Entre autre. De plus, je confirme : NE LISEZ PAS LE 4° DE COUVERTURE qui dévoile l’intégralité de l’intrigue et qui porte un traître coup au mystère savamment distillé par l’auteur. Il n’y aura aucun spoiler quant à l’intrigue dans ma critique.

Le problème à 3 corps est également un jeu vidéo dans le quel se plonge Miao, un des protagonistes principaux du roman, chercheur en nanomatériaux.

Malgré ces prémices alléchants,  je me suis ennuyée une bonne partie du roman.

Wang Miao, notre chercheur en nanotechnologie est le témoin de phénomènes étranges qu’il ne s’explique pas. Très déstabilisé, il trouve refuge dans un jeu vidéo en ligne : le problème à 3 corps. Ce dernier met en scène une civilisation qui ne cesse d’être détruite par les éléments (époque glaciaire, chaleur intense, nuit interminable,…). Il y croise aussi bien des figures historiques de la Chine ancestrale que des grands génies des sciences de Galilée à Einstein en passant par Newton – les anachronismes sont d’ailleurs totalement assumés. Miao est essentiellement passif dans cette réalité virtuelle qui consiste à déambuler pendant des jours avant d’assister à des échanges théoriques sur le pourquoi de ces cataclysmes et la méthode de prévisions des périodes chaotiques entre les différents savants toutes époques (et civilisations) confondues. Ce sont aussi des prétextes pour débattre des différentes méthodes au sujet de la recherche (empirisme, théorie,….)

Je ne vois pas l’intérêt d’un tel jeu, j’ai trouvé cela répétitif et vraiment longuet surtout que Wang Miao y est essentiellement spectateur.

IRL, la situation empire, les phénomènes étranges s’amplifient laissant notre bonhomme au bord du gouffre et le lecteur que je suis, perplexe ainsi que lassée par une histoire qui gagne en imbroglio mais qui perd en rythme.

En effet, si dans les premiers chapitres l’ambiance s’avère explosive et captivante, le tempo s’alanguit notablement durant les phases contemporaines. Initialement, l’auteur nous plongeait en pleine révolution culturelle chinoise à la fin des années soixante. Les images étaient marquantes, les scènes puissantes et violentes au diapason des événements d’alors. Les intellectuels étaient livrés « en direct » à la vindicte d’une masse prête à laver la société de toute suspicion de « réactionnisme » et de conservatisme. Nous y suivions Ye Wenjie, jeune étudiante en astrophysique qui subira de plein fouet cette folie.

Le récit alternera de temps à autre sur la vie de cette scientifique ballottée méchamment durant ses premières années. Ces « flashbacks » n’alourdissent en rien la trame, bien au contraire. Ils sont un des points qui relance le rythme et le récit à point nommé. Cependant, il  n’est pas l’unique coupable dans l’ennui que j’ai ressenti lors des deux tiers du livre. Les personnages sont lisses, lisses, lisses….

Impossible de s’attacher ou d’avoir de l’empathie pour Ye W. Femme, froide et détachée, son âme n’est qu’un champ de cendre. Rien ni personne n’est en capacité de rallumer la moindre braise dans ce désert d’amertume. Pourtant la vie qu’elle a subie contient les germes nécessaires à la compassion. Que nenni, son recul ainsi que son absence d’émotion consécutive à la perte de sa fille en font une machine de chair et de sang. Le néant pour une experte du vide spatial.

Ce n’est pas le cas de Miao, totalement perdu, à la limite de l’implosion psychologique. Il subit 95% du temps les événements avec son rôle passif. Je n’ai senti dans ce personnage qu’un simple outil de l’auteur : le réceptacle des informations, le catalyseur du mystère, traduisant les informations techniques à destination du lecteur. Pour le reste,…

Heureusement que dans le lot, nous découvrons l’inspecteur Shi, insolent et irrévérencieux, il donne du peps à ce récit et sauve une bonne partie des meubles pendant les 2/3 du roman.

Entre les personnages, le tempo lent et l’aridité des expositions scientifiques propres à la hard-sf, difficile de se passionner pour un tel récit. Malgré tout, je me suis accrochée car j’avais lu des critiques de blogopotes plutôt très enthousiastes.  Il est vrai que Cixin est très créatif dans le mystère exposé et dans les explications scientifiques de sa trame (mais pas de spoiler). Bien m’en a pris.

Les dernières dizaines de pages sont elles séduisantes et captivantes. Le rythme rattrape son indolence première avec des révélations qui s’avèrent de vraies révélations. La lumière se fait sur l’affaire, l’action est au rendez-vous, et notre inspecteur vole la vedette aux protagonistes principaux. Les enjeux finaux sont à la hauteur du mystère développé au long du récit, et les trouvailles de l’auteur chinois sont étonnantes.

Les thématiques abordées sont non seulement ambitieuses mais également assez poussées pour satisfaire les fan absolus de hard-sf. L’auteur n’hésite pas à se confronter à l’astrophysique XXL, la nanotechnologie, les mathématiques, la relativité restreinte,… et expose parfaitement les grandes différences entre recherche fondamentale et appliquée. Le plongeons dans la Chine de la révolution culturelle est douloureux et effrayant, et propose une touche immersive ancrant le texte dans notre réalité. Le boucle est bouclée à l’issue de ce premier tour, place à une suite prometteuse.

Très ambitieux, Le problème à 3 corps n’aurait pas fait partie de ma sélection 2016 car je l’ai trouvé trop cartésien, manquant résolument d’émotion.  Les deux tiers du roman sont trop lents, les personnages guère intéressants et les longueurs épuisantes. En gros, les 100 dernières pages justifient la lecture et donnent réellement envie de lire la suite. Les trouvailles et les révélations récompensent le lecteur persistant avec des enjeux planétaires. A suivre.

Chapeau au traducteur car la tâche a du être particulièrement ardue.

Pour conclure :

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Autres critiques :

Le culte d’Apophis –  LorhkanRSF BlogGromovarYogoLuneXapurOrion

Challenges :

Challenge Littérature de l’Imaginaire – 5° édition

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Défi Lecture 2017: #58 un auteur asiatique

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Le livre :

Numérique

traduit du chinois par : Gwennaël GAFFRIC

432 pages

 

37 réflexions sur “Le problème à 3 corps – Liu Cixin

  1. Tu refroidis mon enthousiasme, tout relatif car j’attendais la fin de la publication de la trilogie pour me lancer.
    Et ton avis « contraire » permet de se faire une idée plus précise.
    Je vais donc patienter tranquillement deux ans pour voir si ça vaut le coup de se farcir 300 pages bof.

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    • Pour le « jeu » je crains d’avoir trop fait le parallèle avec notre réalité. Et un « jeu » ou tu ne participes quasiment pas, qui est très abstrait et théorique cible une catégorie de personnes assez restreinte (même très restreinte) comme il est plutôt élitiste. Bref, j’ai eu du mal à trouver cet élément crédible.
      Oui, c’est un tome introductif, et il y a un tas de lecteurs qui ont aimé d’ailleurs cela a sans doute joué sur mes attentes et contribué à ma déception relative.

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  2. Je suis d’accord les phases du jeu ne sont pas des plus enthousiasmantes mais dans le même temps cela confère à l’ensemble une certaine atmosphère très agréable.

    Et ce livre restera longtemps marqué dans ma mémoire par le chapitre 17.

    Aimé par 3 personnes

  3. Il y a quelque temps de cela, je m’étais fixée de lire tous les prix Hugo ! Alors si je tiens mes engagements (à très long terme ^^) celui-ci ne devrait pas faire exception. Quand son tour viendra, je me souviendrai d’un judicieux conseil ; toujours faire confiance aux blogpotes avant d’abandonner, ne serait-ce que pour ces fameuses 100 dernières pages, merci 🙂

    Aimé par 2 personnes

    • Oui, surtout quand tu sais que tu partages des affinités littéraires avec les blogopotes en question. Ma confiance était bien placée. Honnêtement, sans eux, j’aurais abandonné au bout de 100/150 pages car je trouvais le roman longuet, mais surtout lassant. Mais, finalement, j’ai été récompensé par un bon final.

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    • Je ne pense pas que tu passes à côté d’un monument. Il y en a tant à lire qu’il faut savoir faire le tri et se faire confiance. Il ne t’inspire pas, passe à autre chose.
      Cela me le fait aussi pour des romans qui ont une belle réputation.

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    • Je pense que c’est le meilleur compromis : attendre que la trilogie soit publiée et lire -ou pas- en fonction des avis sur les deux autres volumes. Car, au final, je pense pas que sa non-lecture soit un « crime » ou une opportunité ratée.

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  4. J’avais beaucoup aimé, sans en faire un coup de coeur ultime tout de même. Je me demande où la suite va nous emmener.
    Ceci dit, il y a en effet quelques défauts, j’ai trouvé les parties sur le jeu virtuel un brin redondantes par exemple.
    Mais globalement, j’ai été pris dans le roman.

    Excellente ton image de fin ! 😀

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    • Merci Lorhkan!
      Je me demande aussi ce que la suite nous réserve. Ce sont surtout les scènes du jeu virtuel qui m’ont déplue. Ensuite, c’est un peu détaché à mon goût. Mais, il a de grandes qualités et du potentiel.

      Merci de remarquer mon clin d’oeil! 🙂

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  5. Je viens de finir Le Problème à 3 corps après la lecture du roman Spin de Wilson…

    Je partage l’avis de cette critique, les deux cents premières pages sont rudes, très rudes à lire et étouffent tout enthousiasme. A partir du milieu de la deuxième centaine, l’intérêt pour le roman commence à croître jusqu’à la dernière centaine, l’intrigue se développant davantage.

    Le jeu au départ est d’un terrible ennui car je n’en voyait aucun intérêt…

    Mais accrochez-vous, la fin du roman en vaut la peine.

    Petite réserve sur la fin cependant, les dernières dizaines de pages apportent beaucoup d’informations sur le début de l’intrigue et clôturent trop bien ce premier volet… sans pour autant susciter une énorme impatience pour la suite… un peu tout de même, mais pas irrésistible ^^

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    • Merci!
      Je me suis également beaucoup accroché sur au moins la moitié car les avis des blogopotes étaient vraiment bons. Seules les dernières centaines de pages l’ont sauver du déplaisir pour ma part. Même si je ne regrette pas de l’avoir lu, au final je ne suis guère enthousiaste de lire la suite. Je verrai les avis avant de me lancer.

      Merci pour ce retour! 🙂

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