Par les chemins de la soie – Naomi Novik

Par les chemins de la soie de Naomi Novik

Téméraire tome 3

 

Nous avions quitté Téméraire, Lawrence et l’équipage en Chine, après des tentatives d’assassinats ratées contre l’Empereur chinois et l’officier britannique et qui ont vu triompher l’amitié entre l’homme des Aerial Corps et le Dragon de sa Majesté. Nos héros n’ont pas le temps de se reposer sur leurs lauriers et de profiter du repos du guerrier.

Effectivement, une mission de première importance impose un retour rapide à notre compagnie hétéroclite. Il leur faut récupérer 3 œufs de reptile et les convoyer en toute sécurité dans les bras accueillant de la Mère patrie. Le retour par voie maritime tombe à l’eau… Leur porte-dragon a pris feu et de graves avaries exigent de longues réparations. Seule alternative : La Route de la Soie.

Mes craintes de voir une redite du tome précédent, avec un récit de voyage se sont avérées plutôt fondées. Mais que partiellement…

C’est donc la fameuse route de la soie que Lawrence choisit d’emprunter avec un guide étrange, Tharkay pour tout renfort. Les risques sont assez sérieux, et les chances de réussite ne sont pas si élevées.  Mais voilà toute notre troupe en chemin vers l’Angleterre avec un petit détour par Constantinople.

La construction du roman présente de fortes similitudes avec le précédent, tout au moins dans une première partie : un trajet à tire d’ailes à travers des contrées exotiques, saupoudré d’un ou deux obstacles pour pimenter l’ambiance et le suspens.

Nous y retrouvons les points très positifs soulignés auparavant : le lecteur voyage dans des pays éloignés. Naomi Novik propose un récit empreint de beauté, de dépaysement, d’imagination et d’ingéniosité. L’adaptation des mœurs, de la flore et de la faune rencontrés en chemin aux reptiles volants est toujours aussi impressionnante de trouvailles et de créativité. Les interactions avec les dragons indigènes engendrent des scènes drôles et mouvementées. Dans Par les chemins de la Soie, ce sont essentiellement des dragons sauvages dirigés par Arkady.

Mais, le trajet jusqu’à Constantinople n’occupe finalement qu’une part restreinte du roman.  Notre équipage parvient sur les rives du Bosphore afin de récupérer les 3 œufs auprès de l’ambassadeur… qui est mort. L’argent du paiement a disparu ainsi que tout le personnel plénipotentiaire. La nature du récit change, fini les paysages et les petits tracas, place aux intrigues de palais et  tractations politiques.

Ici aussi, la ressemblance avec le tome précédent s’impose à l’esprit : Téméraire, Lawrence et les autres membres de l’équipe sont les « invités » du sultan. La prison dorée est à l’ordre du jour et la perspective de revoir les Iles britanniques s’éloigne au fil des jours. Toute cette partie s’achève plutôt rapidement. L’audace paie et nos aventuriers s’empressent de reprendre les airs pour ramener le précieux chargement, un seul hic : traverser l’Europe à la fin de l’été 1806… à la veille de la bataille de Iéna (octobre 1806). Bien entendu, ils ne peuvent échapper au conflit et s’engagent aux côtés de la puissante Prusse pour combattre l’ennemi de l’Angleterre : Napoléon.

Certes, la sensation de déjà lu existe cependant, le rythme est plutôt enlevé pour notre dragon céleste, alors, celle-ci s’estompe relativement vite avec l’arrivée à Constantinople. Les combats qui occupent l’autre moitié du roman sont prenants et intenses. Le lecteur vibre à l’unisson de Téméraire.

J’avais déjà apprécié le travail de Naomi Novik sur tout ce qui est combat lors du tome d’ouverture, Les dragons de sa Majesté. Je suis assez impressionnée par la qualité de retranscription de la bataille de Iéna et de la prise des places fortes après le raz de marée de la Grande Armée. Je rassure les lecteurs, il ne s’agit en rien d’un compte-rendu militaire.  Les chapitres sont beaucoup plus vivants, et l’apport des escadrilles de dragons y a été réfléchi avec beaucoup de créativité et de logique.  J’avais presque l »impression de voir évoluer des hélicoptères de combats en soutien aérien, que ce soit dans l’offensive ou dans les actions défensives,  le tout sans anachronisme visible. Chaque fois, l’auteur a songé à intégrer une touche liée à la mentalité des troupes en présence. Du très beau travail.

Quant à notre duo de héros, ils restent fidèles aux premiers tomes, leur complicité se renforçant avec cette amitié chaleureuse. Téméraire évolue surtout au niveau de sa prise de conscience de la situation des dragons. C’est un des points les moins convaincants du récit, par son côté trop Young Adult, même si l’auteur a le grand mérite de proposer cette réflexion.

De nouveaux dragons font leur apparition pour notre plus grand bonheur, et une jeune femelle promet d’ors et déjà de mettre le feu dans les prochains tomes. L’autre point très positif est le personnage de Tarkhay loin des clichés habituels et des différents stéréotypes. Toute son ambivalence rehausse le roman et apporte paradoxalement une bonne touche de fraîcheur.

Lien, la Céleste albinos, est également de la partie et pèsera de tout son poids sur la suite des opérations. C’est un adversaire implacable qui garde la tête froide, toute tournée vers la vengeance.  Deux bénéfices immédiats se dégagent de sa présence : les enjeux deviennent plus personnels, et donc le suspens n’en est que plus tendu. Ensuite, les français intègrent mieux les dragons dans leur quotidien que les autres nations européennes. Nous ne nous retrouvons pas avec deux blocs manichéens opposés dans une lutte du bien contre le mal.

Un petit mot sur Napoléon qui occupe une place cruciale dans ce roman. Certes, il y est considéré comme un tyran, mais l’auteur a pris le soin de ne pas en faire une caricature trop appuyée. Ainsi, découvrons-nous un général remarquable par son génie stratégique, adulé par ses troupes et ses généraux. Le parti de la guerre prussien menée par la Reine Louise qui a embarqué son Roi et son pays dans ce conflit reproche surtout au général corse de ne pas être de sang royal pour occuper la tête du pays… Un parti-pris qui va jeter toute l’Europe dans la guerre.

Au rang des bémols, outre cette impression de déjà lu dans le premier tiers, la sensation de lire deux livres différents accolés peut perturber le lecteur. En effet, la trame se découpe en deux grosses parties. D’un côté le trajet de Chine à Constantinople nous offre une enquête à l’ambiance savament épicée. Puis, une seconde partie  dévoile une toute autre facette, avec une construction, une atmosphère et un rythme différents. Ce n’est pas déplaisant, c’est juste un peu étrange.

Bataille rangées, escarmouches, audace, exotisme, mystère et enquête, amitié, trahison, retournements de situation, rythme enlevé, ce sont les nombreux atouts de Par les chemins de la Soie. Téméraire vous invite à suivre et survivre à ce voyage épique : plongez-y!

Je remercie une fois encore Le Culte d’Apophis pour la découverte de cette série.

Tome 1 : Les Dragons de Sa Majesté

Tome 2 : Le Trône de Jade

Autres critiques :

Bouddica (le Bibliocosme)

Challenges :
Challenge Littérature de l’Imaginaire – 5° édition

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Défi Lecture 2017 : #12 livre Young Adult

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Le livre :

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400 pages

Le Pré aux Clercs

 

 

17 réflexions sur “Par les chemins de la soie – Naomi Novik

  1. Merci pour le lien 🙂

    Je vois que nous sommes totalement d’accord. J’étais certain que tu allais apprécier la partie Prussienne et l’utilisation très Guerre d’Algérie / du Vietnam des dragons par les Français, je ne m’étais pas trompé ! Effectivement, impossible de ne pas penser à du transport de troupes, de logistique ou d’artillerie par des hélicoptères.

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    • Je t’en prie! 😉
      J’ai découvert la série grâce à toi, le signaler est un juste retour.

      Oui, j’ai ADORE la partie Prussienne, J’ai beaucoup apprécié l’ingeniosité de Novik sur l’apport des Dragons dans un conflit. C’est moderne ET sans anachronisme. Elle a su utiliser les mouvements des troupes et l’appui des reptiles de belle manière. J’ai effectivement pensé à la Guerre du Viet-nam, mais également aux exercices interalliés auxquels j’ai participé (sur un Porte-avion généralement, et avec des hélicos) – fallait un officier météo.

      J’ai relu du coup ta critique, et nous sommes vraiment totalement d’accord sur le roman. Me tarde la suite.

      Aimé par 1 personne

    • Oui, c’est la mois de dragon. Je me fais un petit mois thématique de temps à autre. C’est un petit jeu… Je lis aussi Dragon déchu. Donc il me faut des dragons soit dans le titre, soit l’animal.
      C’est bête mais cela me fait rire.

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