Dilvish le Damné – Roger Zelazny

Dilvish le Damné de Roger Zelazny

Denoël – Lunes d’encre

Dilvish le Damné est un recueil de nouvelles associées à un roman, centrés sur ce personnage flamboyant s’il en est. Notre homme est un héros emblématique du sword&sorcery, engagé dans une lutte sans merci contre Jélérak, un puissant sorcier.  Le contentieux entre les deux hommes est profond et ancien, c’est également un des secrets de Dilvish que vous dévoileront les textes de Roger Zelazny.

Il y a peu à dire sans gâcher le plaisir de la lecture et de la découverte de ce protagoniste dont la profondeur d’âme et la complexité de caractère apparaissent au fur et à mesure. Sachez qu’il monte un cheval de métal qui lui vole presque la vedette tant l’animal est charismatique (oui, il cause aussi).

Question héroïc fantasy, nous sommes servis, et si j’avais quelques réticences initiales, cette compilation les a effacées.

Le recueil propose donc 11 nouvelles plus ou moins longues et un roman se déroulant dans le même univers avec les mêmes protagonistes. Les textes ont été écrit sur plusieurs années; cet étalement dans le temps exerce une influence sur le style et l’ambiance des récits. Initialement nous sommes bien dans une veine épique avec une atmosphère vintage, le ton me faisait penser à Lord Dunsany et Le Roi des Elfes. Roger Zelazny a débuté par la poésie, et son style est loin d’être lourd et ampoulé malgré l’emphase de sa prose. Les mots sont justes, les phrases précises et malgré l’aspect épique du propos, le tout reste efficace et prenant.

Puis, l’écriture évolue subtilement pour s’apparenter à une résonnance plus proche de Fritz Lieber et son Cycle des Épées, dans la lignée des Conan et autres romans d’HF. Le roman Terre Mouvante, en fin de volume, est quasiment dans ce ton. Je dois avouer une préférence pour la partie initiale dont le lyrisme et la poésie plus légère m’ont davantage séduite – ou était-ce la découverte de Dilvish et de l’étendue de sa tâche ?…

Nous avons un personnage qui semble coller parfaitement au cadre du héros type : chevaleresque, courageux, noble, humble et qui défend la veuve et l’orphelin. Puis, nous découvrons qu’il n’est pas un parangon de vertu, Dilvish est obsédé par la vengeance. Tout son être, toute son énergie, toutes ses ressources sont tournés vers ce but unique et ultime. En cela, il s’écarte du paladin voué aux forces du bien et de la lumière pour pénétrer dans un territoire plus obscur. Pensez-vous à un célèbre héros (ou anti-héros) du cinéma ?

Pour achever de brosser un portrait de ce chevalier hors du commun, Zelazny aurait eu l’inspiration avec un tableau d’un peintre suisse, Arnold Bocklin :

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Il est intitulé : La Chevauchée de la Mort – ou l’Automne et la Mort.

Voilà qui cadre un personnage…

Évoquer Dilvish sans son compagnon équin tout de métal ne rendrait pas justice au recueil. Ténèbres qui porte merveilleusement bien son nom, parle et peut même cracher du feu, même s’il n’est pas le produit d’un croisement avec un dragon. Le duo forme une paire épique, qui semble invincible. Par ailleurs, ce cheval d’acier est source de sagesse et semble parfois doté d’un sixième sens, il est un élément essentiel dans leur quête de vengeance. Leurs interactions franches et amicales sont agréables et empreintes d’humour. Ténèbres n’a pas son pareil railler son compagnon, et souligner ses contradictions. Oubliez Lucky Luke et Jolly Jumper ou Zorro et Tornado, la relation de Dilvish et Ténèbres est sans pareille, proche d’un hôte et son symbiote.

Quant à la trame – qui finalement n’est pas l’essentiel de ce recueil, le voyage comptant plus que la destination – elle demeure très classique. Notre protagoniste est engagé dans sa mission, rencontrant sur son chemin des obstacles, volant au secours de la veuve ou de l’orphelin, cédant  à la séduction d’une superbe femme toute en ambiguïté, affrontant des dangers et des épreuves…

Si vous souhaitez en apprendre davantage voici le résumé de l’éditeur (attention spoiler) :

« Il s’appelle Dilvish de Sélar, mais les vieilles chansons parlent plutôt de lui comme de Dilvish le Libérateur. Vaincu par Jélérak, il a été exilé plusieurs siècles durant aux enfers. Un séjour qu’il a mis à profit pour apprendre les douze Abominables Formules de la magie noire. Chevauchant un sombre cheval d’acier capable de cracher du feu, chaussé de bottes d’elfe qui ne laissent aucune empreinte derrière elles, armé de l’Épée Invisible, Dilvish est de retour. Et la route qui le mène de la résurrection à la vengeance lui fera traverser un monde magique où derrière chaque rencontre se cache un danger mortel ou un faux-semblant.« 

La question du rythme est hors sujet puisque chaque nouvelle est l’objet d’une facette et d’un aventure de notre duo. Le roman Terre Mouvante (250 pages) ne m’a pas emballée tandis que j’ai vraiment apprécié les nouvelles.

En introduction je précisais que le genre Héroïc Fantasy n’était pas forcément ma tasse de thé, avec des héros surdimensionnés, affrontant les périls et les armées à l’aide d’une batte et d’un couteau, seul contre tous (mais ce point est commun à la plupart des romans de sfff), séduisant tout ce qui bouge sur son passage. Par exemple, je n’ai guère aimé le Cycle de l’Épée de Lieber. En revanche, la plume de Roger Zelazny et le personnage de Dilvish un peu à l’écart de ce stéréotype m’ont séduite.

Autres critiques :

Lorhkan

Challenges :

Pour un petit combo!

Challenge Lunes d’encre et de 1 !

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Challenge Littérature de l’Imaginaire – 5° édition

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Défi Lecture 2017 : #8 une histoire de vengeance

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le Livre :

denoel-lunes26102-2011Traduction de Michelle CHARRIER
Illustration de Jean-Sébastien ROSSBACH

512 pages

Parution : 10-03-2011

31 réflexions sur “Dilvish le Damné – Roger Zelazny

  1. Celui là, ça fait un gros moment que je me dis qu’il faut que je l’intègre au programme 2017 : Zelazny + Heroic Fantasy, c’est une trop belle combinaison pour laisser passer ce livre ou remettre sa lecture aux calendes grecques. Merci pour ton excellente critique !

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  2. Je suis souvent mitigée face aux recueils de nouvelles, en général elles ne sont pas toutes au même niveau et il faut chaque fois se sortir d’une histoire pour entrer dans une autre… Par contre, là vu que le personnage est récurrent, ça m’intéresse ! Et j’ai envie d’en savoir plus sur ce cheval haha (j’ai jeté un oeil à la bibliographie de Zelazny au passage, mazette ! Il est productif !)

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    • Oui, effectivement, les recueils de nouvelles sont parfois assez décevants, pas assez homogènes. J’aime également apprécier un univers, un cadre et les nouvelles ne sont pas le format le plus facile pour donner tout cela.
      Ici, c’est clairement Dilvish le sujet, sans être comparable à des chapitres. Ténèbres est un sacré animal!
      Oui, Zelazny est un auteur majeur.

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  3. Je l’avais repéré à sa sortie (fans des Princes d’Ambre je suis) mais pas acheté. Ta chronique donne très envie de le lire ! Félicitations pour cette première participation au challenge LdE !

    (en revanche, j’ai une toute petite question : pourquoi tu écris « héros » sans « s » ? (tu n’es pas la prmière personne que je croise à le faire…))

    A.C.

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    • Alors en fan que tu es, je suppose que tu finira par le lire.
      Je suis contente de ce challenge, et je vais essayer de tenir un bon rythme, surtout que j’ai pas mal de RC Wilson dans la PAL (et le dernier Jo Walton avec Masse Critique).
      C’est une faute de frappe mon héros, sans son « s ».

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  4. Oui oui, il faut lire Zelazny ! J’adore !

    Comme toi pour ce recueil, j’ai préféré les nouvelles, plus percutantes, le roman manque un peu de rythme par moment.
    Dilvish est en tout cas un personnage marquant, tout autant que son acolyte équin, Ténèbres, qu’on n’oublie pas de sitôt. ^^

    En tout cas, ce recueil donne à lire de la belle et bonne fantasy (je l’aurais plutôt classé en sword & sorcery, mais je me fiche un peu des étiquettes donc bon…).

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    • Dilvish et Ténébres forment une sacré paire. Difficile à oublier. Le roman manque de rythme et je l’ai trouvé plus « brouillon ». C’est une excellente fantasy, HF et S&S, je ne maîtrise pas entièrement.

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  5. J’apprécie énormément la plume de Zelazny !
    J’ai remarqué que la peinture l’inspire régulièrement,,et le fait de visualiser l’oeuvre en cause éclaire le lecteur, je m’en étais rendue compte en lisant L’Ile des Morts,
    Pour être honnête, quand je termine l’un de ses romans, j’ai souvent la sensation d’être passée à côté de quelque chose sans vraiment l’atteindre, du coup j’en ressors un peu frustrée ^^
    Il faudrait que je tente celui-ci pour voir si l’impression persiste 😉

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    • OUi, je viens de lire une préface de l’Ile des morts qui confirme que la peinture l’inspirait sensiblement pour ces écrits.

      C’est que le monsieur y met une dimension un poil ésotérique et si nous ne sommes pas réceptif à cette veine, il manque un petit quelque chose. Je pense.

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      • La Fantasy j’ai essayé occasionnellement, mais en général je suis plus romans « terre à terre », qui se passent dans notre univers.^^ Là pour te donner un exemple, j’ai entamé Orgueil et Préjugés. 🙂 Mon homme adore Pratchett aussi, mais je n’ai jamais essayé.

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