Eschatôn – Alex Nikolavitch

Eschatôn d’Alex Nikolavitch

Les moutons électriques

Foi et SF, ou plus exactement Foi et space-opera, est une association surprenante, aussi ma curiosité m’a harcelée jusqu’à ce que je craque pour Eschatôn d’Alex Nikolavitch. Ce n’est pas que le thème soit rarement pris en compte dans les littératures de l’imaginaire, mais que la spiritualité en soit l’axe central a quelque chose d’un peu incongru.

J’avais lu Abzalon de Pierre Bordage qui focalise une trame de son récit sur une religion futuriste, en dehors de celui-ci, je n’ai guère eu l’occasion d’approcher beaucoup de SF de ce genre. Je comprends à la lecture du roman un des raisons de cette rareté : la difficulté de mêler l’intangible à une approche scientifique forte dans un récit captivant et novateur.

D’ailleurs, j’ai quelques difficultés à cerner le genre auquel appartient Eschatôn qui s’apparente avec cette combinaison à de la science-fantasy à la Star Wars.

Pourquoi ce rapprochement ?

Nous avons une institution ecclésiastique (au sens grec d’ecclesia) très hiérarchisée avec ses ordres et ses grades qui ne sont pas sans rappeler les Warhammer 40k et ses space-marines. Cette église régit une grande partie de la galaxie, celle sous sa domination par la crainte qu’elle inspire, et aussi par le respect. Elle tire sa puissance de la Foi… une foi spectaculaire. En effet, certains corps – composés d’hommes et de femmes – ont un contact avec le Mental suffisamment étroit pour que ceux-ci y puisent de l’énergie permettant le fonctionnement d’un armement « divin ». Il leur est également possible de décrypter les cerveaux, de manipuler un nombre conséquent de personne, d’influencer les pensées,… La Force vous connaissez ?

Cette église est en guerre contre les Puissances, des êtres globuleux qui agissent également dans le Mental, dévoyant des hommes, esclaves de leurs désirs et de leurs bien-être. L’éditeur fait référence à Lovecraft pour ces entités de cauchemars, informes et repoussantes. Je ne  me prononcerais pas sur ce parallèle, je les ai trouvées bien moins terrifiantes que ce à quoi je m’attendais et insuffisamment présentes pour réellement peser dans mon imaginaire, et accessoirement sur le roman. Cet adversaire de la Foi manque de percussion, un peu comme le sénat dans l’épisode 3 de Star Wars. Une menace pas si terrible finalement.

Heureusement que pour relever le défi, la Foi combat des hérétiques. Ces derniers luttent contre l’hégémonie de l’église et le pouvoir des chantres, diacres, licteurs,… Cette faction rebelle ose s’imprégner de Sapience, faire commerce avec les Puissances, construire des machines dans un monde où les engrenages sont tabous et les chiffres bannis. Seule la Foi « compte » 😉 !

Comment en sont-ils arriver là ?

Le récit alternant les points de vue; nous apprenons donc au fil des chapitres, les motivations des uns et des autres,  leur petite histoire et leur mode de vie. L’auteur invite le lecteur à participer à une enquête. D’ailleurs un inquisiteur a été désigné pour faire la lumière sur la perte de deux légions de diacres sur une planète aux tentacules d’une Puissance. Ses recherches vont l’entraîner sur un chemin tortueux et dangereux, qui dévoilera les pans de la vraie Histoire.

Des événements se sont déroulés il y a 3 millénaires qui ont précipité l’humanité dans le chaos. Il ne serait pas judicieux d’en révéler davantage car les causes sont une des clés du livre de Nikolavitch. Le titre Eschatôn suggère l’ampleur des événements d’alors avec cette référence à l’eschatologie, ou la fin des temps…

Certes, ce mélange Foi/Force et space-opera ainsi que que les ingrédients cités plus haut font penser à la fois à Star Wars et WH40k, mais ce serait réducteur de considérer Eschatôn comme un ersatz de ces 2 franchises. Le roman s’en détache sur le fond. L’auteur s’appuie sur le triptyque : Foi- Sapience-Puissance, tout en les isolant l’une de l’autre pour en souligner les excès et quelque part dénoncer l’absurdité d’en brandir une, tel un totem omnipotent. L’invitation à faire un parallèle avec notre monde actuel est limpide, tout comme la suggestion d’une harmonie possible au sein de ce triptyque. J’ai trouvé cette partie plutôt réussie même si une fois encore, l’aspect Puissance manque de corps (chose difficile pour ces entité informes, patatoïdes et globuleuses).

Les blobs n’atteignent pas leur potentiel. En revanche, nous avons 2 à 3 personnages qui sont marquants et qui combleront le lecteur : l’inquisiteur Lothe aux prises avec des savoirs interdits, Githree l’hérétique qui a tout du sioux habile et manipulateur et enfin Alania, une lictrice déchue qui a du caractère et des doutes. Nous avons aussi la tête à claque de service, aveuglée par la Foi qui nous rappelle que « la raison de peut rien contre la folie« . C’est d’actualité.

L’univers ainsi brossé possède une ambiance et même une aura séduisante, un peu dans la veine de Un mot pour les païens de Peter Watts. La trame, les révélations et le rythme sont bien maîtrisés. En revanche, je suis restée sur ma faim et une légère frustration dans le domaine de la Puissance qui manque de relief (d’un autre côté ils sont tout mous …). C’est un regret car Eschatôn avait le potentiel d’un excellent roman.

PS : je précise que l’objet est la foi sans discernement, quelque soit la forme qu’elle puisse revêtir. Même si le texte se pare des termes de l’Église chrétienne, il n’y a aucune attaque contre l’Église catholique, orthodoxe ou réformée.

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Le livre :

eschatonNumérique : 250 pages…

30 réflexions sur “Eschatôn – Alex Nikolavitch

    • C’est l’aspect Foi surtout qui me fait penser à la Force. Cette Foi permet de faire pas mal de chose magique un peu comme la Force. Et il y a des rebelles, un empire,…. Mais le penchant Space marine est ce qui est apparu spontanément dans mon imaginaire au sujet des personnages, des combats, des nefs.
      Oui, ça fight de manière satisfaisante. ce n’est pas qu’un roman d’action non plus.

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  1. Merci pour ta critique. Je ne suis pourtant pas plus convaincu qu’après les lectures de celles de Dionysos, de Xapur ou de Blackwolf. Vous n’êtes pas en cause, c’est juste que vos recensions m’ont démontré que je n’y trouverai pas ce que j’y cherche.

    Sinon, religion et SF, je trouve que ce n’est pas un mélange si incongru que ça, l’exemple de Dune est là pour le prouver. Ce qui est vraiment rare, c’est celui entre Foi et Hard SF. A ce titre, le texte de Peter Watts que tu cites est particulièrement pertinent, je trouve.

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    • Apophis, je ne cherche à convaincre qu’uniquement dans le cas ou le roman m’a botté. Autrement, je donne mon sentiment et ce que l’on y trouve. Et pour tout dire, je ne pense pas que tu y trouverais totalement ton compte.
      Dune, je n’y avait pas pensé! Le nouvelle de Watts est ce qui se rapproche le plus du roman, mais des pistes ne sont pas assez exploré et cela donne un goût d’inachevé.

      Je savais à l’avance que tu me dirais qu’il n’est pas pour toi. 😉

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  2. Ton article me rappelle que j’espère désespérément trouver un jour un roman qui montre la construction d’une religion, avec un traitement anthropologique (et athée) de la question. J’avais espéré trouver cela dans le cycle en trois tomes de la « Route de Corlay » de Cowper, où l’auteur nous projette quelques siècles dans l’avenir, dans une Angleterre où une nouvelle religion apparaît, au début combattue avec force par le christianisme, mais qui réussit finalement à prendre de l’ampleur. Mais à mon grand dam, la religion que Cowper imagine s’appuie sur des faits surnaturels qui se produisent réellement (comme la « Force » que tu évoques) avec de vrais miracles. Or j’aimerais au contraire trouver un texte où l’on voit une religions naître sans miracle, où l’on voit comment le récit mythologique s’invente au fur et à mesure, et comment les gens en viennent à croire qu’il y a eu des miracles. Je ne sais pas si je suis très clair ^^. Mais je profite en tout cas de ton article pour poser la question ! Si quelqu’un a des références de romans en tête, je suis preneur !

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  3. « L’auteur s’appuie sur le triptyque : Foi- Sapience-Puissance, tout en les isolant l’une de l’autre pour en souligner les excès et quelque part dénoncer l’absurdité d’en brandir une, tel un totem omnipotent. »
    Voilà ce qui me donne envie.

    « Même si le texte se pare des termes de l’Église chrétienne, il n’y a aucune attaque contre l’Église catholique, »
    Le roman n’est donc pas parfait !

    Et une petite piqure de rappel sur le Watts. J’attends le bon moment pour m’y atteler.

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  4. Simplement par curiosité, notamment pour le mélange Foi et space-opera, je ne dis pas non, si l’occasion de le croiser se présente à moi !
    Disons plus simplement, que je ne lui ferme pas la porte, mais que je ne lui courrai pas après ^^
    Merci pour la découverte 🙂

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    • Je te comprends. c’est ce mélange, Foi et Space Op qui m’intriguait. Après lecture, je ne suis pas mécontente de l’avoir lu, j’en attendais un peu, mais, je ne considère pas avoir perdu mon temps (et mon argent).

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    • Ah!AH!
      C’est donc que ma critique est plutôt réussie, puisqu’elle te donne une idée de ce qu’il y a dedans et te permet de l’écarter.
      C’est donc un plaisir, et comme le livre a un côté spécial, au moins tu ne te trompes pas sur la marchandise. 😉

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