L’Artefact – Jamie Sawyer

L’Artefact de Jamie Sawyer

Lazarre en guerre, tome 1

L’Atalante

Voici un roman dont le premier chapitre se clos avec brutalité. Notre héros Conrad Harris décède en mission lors d’un affrontement contre les Krells, et tout son équipe avec.  Inutile de dire que cela fait un choc.

Dans un futur assez lointain, l’humanité a colonisé la Voie Lactée mais s’est cassée les dents sur une espèce d’aliens particulièrement agressive et vindicative.  Cette rencontre du troisième type a dégénéré en une guerre presque totale bien que le berceau de l’homme ne soit pas (encore) menacé. A la régulière, les Krells sont imbattables, ils représentent la machine de guerre biomécanique parfaite. Aussi, les scientifiques ont-ils réussi à développer un programme de simulants,  des clones dont l’ADN a été modifié pour en faire de super soldat. La doublure peut être sacrifié lors d’une mission tandis que son « pilote » survit. La référence à Lazarre paraît donc toute indiquée. Une référence qui montre la volonté de proposer une sf plus réfléchie qu’une simple baston galactique.

L’artefact explore une sf militaire largement différente des grandes sagas du genre. Nous sommes plus proche de Scalzi, Heinlein et Poul Anderson que de David Weber ou Jack Campbell dont les empires stellaires luttent entre camps humains.

Le nom de Poul Anderson peut effectivement surprendre car  rarement l’auteur est associé à de la sf militaire. Pourtant le programme simulant – qui voit des hôtes génétiquement modifiés et dont les traits n’ont plus grand chose d’humain – ressemble fort à celui de Jupiter et les Centaures (ou alors le film Avatar). Conrad et sa troupe combattent à distance, leur corps reposant dans des cuves tout en étant reliés à leur doublure guerrière.  Lors de leur décès, ils retrouvent leurs esprits loin du combat, leur enveloppe à l’abri dans un liquide amniotique de synthèse. Une pratique propice à sauver des vies mais qui « dédramatise » et aseptise la guerre. La mort s’éloigne par l’intermédiaire de ces interfaces simulantes, la réalité du combat aussi, et réduit le tout à un jeux vidéo ?….Une thématique fort captivante qui est proposée par l’auteur, alors que ses protagonistes deviennent des virtuoses dans cette confrontation virtuelle.

Physiquement, ils sont sains. Psychologiquement, c’est une autre affaire.

En effet, Jamie Sawyer propose un roman qui va au-delà d’un simple récit plein de bastons, de testostérone et du claquements sourds de munitions en tout genre. En cela, il se rapproche de John Scalzi et du Vieil Homme et la guerre, en s’interrogeant sur la place de l’homme face à la guerre, au combat et à la mort. Il dépeint des personnages rongés par le combat, à la fois traumatisé par ces morts répétitives, ce jeu de dupe avec la faucheuse mais aussi sous l’influence grandissante de cette sensation d’immortalité, cette addiction au bourre-pifs, à la boucherie et au danger.

Tous les protagonistes sont touchés à divers niveaux et vivent cette addiction de manière différente, de Blake, jeune homme souhaitant mettre un terme à l’aventure au Capitaine Conrad Harris, en cas typique du junkie soufrant de stress post traumatique. Un personnage, finalement assez proche de Rambo dans son rapport à la guerre (dans le premier film pas les autres machins). D’ailleurs, l’officier ne peut plus se passer de ces incursions, et il ne vit plus que pour le prochain affrontement, son enveloppe charnelle réelle devient finalement plus qu’une contrainte.

Mais, ce personnage est bien trop stéréotypé, tout en angles et sans nuance, pour vraiment me séduire, même si l’utilisation à contre-emploi le rend plus intéressant. Jamie Sawyer lui brosse un basckground sombre avec une enfance malheureuse, une adolescence délinquante et un une rédemption à travers l’institution militaire. Personnellement, je n’ai pas accroché; cela ne le rend pas plus sympathique et je doute qu’avec un tel parcours il puisse être inclus dans un programme qui exige une équanimité à toute épreuve et une âme en paix. C’est loin d’être son cas.

C’est par l’intermédiaire de nombreux flashback sur son enfance et les prémices du programme simulant que le lecteur se familiarise avec son passé et sa personnalité. L’auteur en profite pour nous dépeindre son histoire du futur, les événements qui ont amené cette guerre et la tournure prise par le conflit interstellaire.

Le premier contact a eu lieu par hasard, mais tout de suite la hache de guerre fut de sortie. Les Krells sont des aliens coriaces, adaptables et taillés pour le combat. La description de quelques spécimens fait inévitablement penser aux Aliens du 8° Passager, avec leur carapace en chitine, l’aspect gluant, les éperons et les dents. Leurs organisation fait davantage penser aux extra-terrestres de la Startégie Ender dOrson S. Card avec des formes primaires dirigeant les autres, telle une reine sa colonie d’abeilles. Mais, ce sont surtout les arachnéides de Starship Troopers qui me sont venus à l’esprit.  A leur image, les Krells ont la capacité à se projeter dans l’espace, des formes diverses et variés adaptées aux besoins, (même des vaisseaux spatiaux biomécanique), ainsi qu’un bio-plasma comme munition/arme. Même la situation désespérée de l’équipe est similaire au roman de Heinlein.

Et l’artefact dans tout cela ? C’est un mystère et l’objet de la mission de Conrad Harris. Ils sont envoyé dans le Maelstrom en territoire Krell pour secourir une expédition scientifique. Impossible dans dévoiler de trop, car il s’agit là du cœur du récit et d’ailleurs de son intérêt. Jusque là je n’avais rien trouvé de révolutionnaire ou de transcendant au roman du britannique. En revanche, ensuite, le mystère concernant l’artefact s’épaissit et amène une densité à l’univers. Les jeux d’influence, un poker menteur et les trahisons se succèdent à un rythme enlevé. Les combats sont violents, nombreux et soignés.

Ainsi, le roman en soi m’a-t-il bien plue; sans atteindre totalement mes attentes. L’univers est prometteur, la rivalité entre deux espèces alléchante, et l’auteur nous propose une réflexion intéressante sur l’addiction à la violence, la guerre et la mort. Cependant, son protagoniste principal est un peu trop stéréotypé (militaire SSPT) sans assez de nuances, en sus j’ai trouvé ce premier tome trop proche de Starship Troopers pour qu’il me convainque totalement. Ceci dit, je suivrais la suite des aventures de Lazare en Guerre.

PS: je ne comprends toujours pas que les traducteurs se plantent sur l’expression « The Old Man », toujours traduite par « Le Vieux » ou même le Vieil Homme (!!!!) alors que l’expression consacrée est « Le Pacha », titre traditionnel et officieux attribué au commandant d’une unité dans la notre bonne vielle Marine.

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Le livre :
  • Traduit par : Florence Bury
  • Illustrateur : Pierre Bourgerie
  • Nombre de pages : 432
  • Prix : 23,00 €

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42 réflexions sur “L’Artefact – Jamie Sawyer

  1. Je suis content que tu aies globalement aimé. Ceci étant dit, je trouve ton analyse de la psychologie de Conrad (un prénom sûrement pas choisi au hasard, tant la parenté avec Au cœur des ténèbres est nette) Harris très sévère : les névroses, la folie, le mysticisme, les traumatismes, sont au centre des thématiques, de l’intrigue et de la narration, donc le fait d’avoir un protagoniste qui en a bavé dans le passé est pour moi, au contraire, logique. De plus, s i l’auteur en avait fait un type heureux, équilibré, cela aurait été en totale contradiction avec le ton globalement très noir, désabusé, du roman. Mais bon, chacun son ressenti ou sa grille d’analyse.

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    • Mais, je trouve tout cela logique. Conrad est un personnage parfait sur le plan de la construction. Justement, un peu trop, c’est l’aspect background qui m’a vraiment ennuyé car il est névrosé d’entrée de jeu, dès l’enfance. Du coup, je trouve que l’impact de cette guerre manque presque sa cible. Cela ne fait que renforcer sa folie. J’aurais trouvé bien plus « juste » et percutant d’avoir un personnage qui est peu à peu abîmé par tout cela. Je ne m’attendais pas à un jeune officier plein d’envie et bien sous tout rapport. 🙂
      J’ai juste trouvé le coup de l’enfance et de l’adolescence too much.
      En effet, pour le reste : les névroses, la folie, le mysticisme, les traumatismes cadrent parfaitement.
      J ne sais pas je suis claire dans mon ressenti 😉

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      • A vrai dire, non. Les traumatismes psychologiques de l’âge adulte prennent le plus souvent racine dans l’enfance, où ils commencent à se développer avant de s’amplifier au fil des années suivant l’événement déclencheur. Donc c’est « normal » qu’il soit névrosé d’entrée de jeu. Alors certes, il y a des troubles comme le SPT par exemple qui peuvent se développer purement chez un adulte, mais personnellement, je ne vois pas ce que le background du personnage a d’incongru. Stéréotypé, si tu veux (ce qui n’empêche ni la solidité, ni la complexité), mais incongru, non.

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        • Ah Apo, je n’ai pas dit incongru. C’est même très logique et cousu de fil blanc. Simplement, j’ai déjà lu nombres de ces personnages, rien de nouveau du coup sur ce registre. Je reconnais être exigeante et sévère. C’est le point qui m’a un peu freinée sur le roman.
          Voilà ce que j’aurais trouvé plus « novateur », un perso qui a perdu ses parents élevé à droite et à gauche. LA Ok. déjà quelques traumatismes. Ensuite, il combat avec le danger avant le programme et construire justement ce paradoxe face à la mort en jouant sur la névrose et le SPT entre avant et après l’interface simulante. J’aurais trouvé cela fort et en parfaite résonnace avec le reste du roman.

          Stéréotypé ne signifie pas manque de solidité et de complexité, et jamais je ne sous entend incongru. Je suis simplement resté sur ma faim sur cette partie car, il ne me manque poas grand chose pour qu’il soit génial.
          Je reconnais que je suis sévère. 🙂

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  2. Il est dans ma PAL celui ci, ce qui fait que je n’ai lu que l’introduction et la conclusion de la chronique pour l’instant (histoire d’en découvrir un maximum uniquement dans le livre lui même)
    Je reviendrais lire le reste après surement ^^ (si j’y pense :p)

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      • Normalement c’est une trilogie, si j’en crois les avis qui disent que le troisième est une bonne conclusion à la trilogie xD
        J’espère aussi que la traduction continuera, c’est jamais cool de n’en avoir qu’une partie 😦

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        • Merci de l’info. Je ne voyais pas comment le cycle pouvais être très long avec ce héros abîmé et sa quête personnelle.
          Heureuse d’apprendre que le 3° est plutôt bon. J’espère que cela continuera, et j’ai bon espoir L’Atalante ne semble pas être du genre à laisser tomber facilement.

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  3. Intéressant, comme quoi des ressorts pas très originaux peuvent plaire. Dans le sens ou ce type d’extra-terrestres est déjà bien traité et retraité. Et les multiples enveloppes charnelles aussi.

    Personnellement, la psychologie du personnage principal ne me dérange pas. J’aime bien les perso bien déchiré, à vif. Le reste, l’artefact et les complots m’intéressent plus que ce que j’ai cité plus haut.

    A voir, à l’occasion. Mais la SF militaire n’est pas ce que je préfère (pas taper).

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    • Plus je lis, moins je trouve les ressorts narratifs originaux, tous comme les thématiques abordées. Cela n’empêche pas leur efficacité, et leur pouvoir de séduction ^^
      Il y a même des histoires qui me susurrent de manière envoûtante, tel le Téméraire 4 que je viens d’achever!

      Pour en revenir à l’artefact, c’est une sf militaire qui a les capacité d’élargir le public de ce genre là, l’artefact reste bien mystérieux et attise fortement la curiosité, il y a des promesses forts sympathiques, les complots sont pas mal.

      A l’occasion, tu peux le tenter. Te taper ? non…. tu n’es pas à portée de frappe…. pour l’instant! 😉

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  4. Des militaires névrosés, c’est la norme, non ! C’est pas un roman, c’est un documentaire.
    Je passe mon tour donc.

    Petite anecdote véridique : j’ai voulu ouvrir Autour d’Honor sur ma liseuse, et ça l’a planté ! Soit j’ai une liseuse anti-militariste, soit elle a une IA qui choisit mes lectures. MdR

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    • Oui, tous les militaires ont un petit pet, c’est connu! 😉
      Je ne pense pas que tu apprécierais certains aspects, en revanche, d’autres sont franchement susceptible de te séduire. Globalement, il t’agacerait quand même.

      En fait, ta liseuse est parfaite, tu vois elle cherche même à te protéger de lectures potentiellement dangereuse pour ton équilibre! 😉
      Sorry, je sors!

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  5. Je suis contente de lire ton avis, car ce roman me faisait de l’oeil mais je ne savais pas quoi en penser (je ne suis pas très SF militaire, sauf pour BSG).
    Du coup, j’ai bien envie de le lire, maintenant, tu m’as convaincue même avec ton avis nuancé 🙂

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    • Chouette!!! J’en suis heureuse. Nous sommes davantage dans la veine de BSG que dans un truc purement violent.

      J’ai été plus d’une fois convaincue par des avis nuancés, car les points positifs dépassaient largement les points négatifs et du coup les attentes sont moindres. 😉

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  6. Pour la traduction de « Old Man », difficile de mettre « pacha » quand le bonhomme n’appartient pas à la marine… Cole est un général de l’armée, pas le commandant d’un vaisseau.

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    • C’est une question que je me suis posée, mais Cole est à la tête des forces expéditionnaire dans le secteur, et l’expression américaine est employée telle quelle.
      Il faudrait que je vois la VO.

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  7. L’idée de combat à distances via des hôtes fait vraiment envie ! Par contre, je suis très attaché à la qualité des personnages, de leurs sentiments, et de leur crédibilité. Vu ce que tu dis sur le personnage principal, ça me fait donc hésiter, surtout avec un bouquin de 430 pages. L’histoire est-elle close à la fin, ou est-on obligé de lire les tomes suivants ? (désolé si tu as répondu à cette dernière question, je n’ai pas lu les 32 commentaires ci-dessus ^^)

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