Le voyage d’Hawkwood – Paul Kearney

Le voyage d’Hawkwood de Paul Kearney

Les Monarchies divines, tome 1

 

Les Monarchies Divines, au nombre de cinq, regroupent les nations ramusiennes qui partagent une même culture et religion. Leur libération du joug fimbrien marque la naissance même  de ces Monarchies. Initialement ce peuple contrôlait l’ensemble des territoires connus quelques siècles auparavant, un peu à l’image d’une race ancienne et vénérée – ou haïe.

Le récit se concentre dans ce premier tome sur Hebrion (je subvocalise en Hébrion qui sonne bien mieux). Son jeune Roi doit contrer l’influence du prélat local qui a décidé d’asseoir la puissance de la confrérie inceptine et de renforcer ces ambitions élevées. Il mène un purge sévère contre tous les hérétiques . De retour au port, ce sont des bûchers et des arrestations au faciès qui accueillent Hawkwood et sa caravelle. D’ailleurs son second, noir de peau est exécuté sous ses yeux… Tout homme ou femme étranger aux Cinq Monarchies, tous les mages, herboristes et pratiquants des arcanes sont invités manu-militari à visiter les catacombes avant d’aller faire un tour en enfer. Bienvenus dans le plus grand port commercial des Monarchies Divines!

Nous suivons quatre trames qui ont le mérite de densifier l’univers créé par Paul Keraney.

Alors que la situation semble délicate, Hawkwood reçoit une offre qu’il ne peut refuser (et pour cause…). Un cousin du Roi, Murad lui propose un marché : récupérer son équipage enfermé et promis au bûcher contre un voyage à destination d’un continent inconnu. La traversée vise à épargner des réfugiés – tous adeptes de thaumaturgie ou cachant un secret plus noir encore. Le marin aura fort à faire, et les tempêtes ou accalmies en pleine mer s’apparenteront à une sortie en pédiluve en comparaison.

Par ailleurs, l’Est fait face à une menace nouvelle.  Aekir, une cité légendaire est assiégée par les troupes d’un Sultan Medruk. Son vénérable khédive Baraz – à la tête d’une armée impressionnante – est décidé à prendre la ville symbole de la puissance des Monarchies et siège du Pontificat Inceptine. Les remparts sont sur le point de tomber comme le constate Corfe, un des derniers défenseurs qui assiste impuissant aux viols, incendies et pillages alors qu’il s’éloigne à la recherche de son épouse disparue.

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La Chute de Aekir laisse le champ libre aux troupes du Sultan dont les rêves de grandeurs sont boostées par cet exploit. Ce facteur est important car les sultanats connaissent des dissensions internes, et surtout le sieur commence à se prendre pour un génie militaire. Corfe survit contre toute attente, et sa présence sur la Digue sera déterminante.

Les puissants et gouvernants des Monarchies Ramusiennes forment les autres intrigues avec la tenue de conclaves pour chacun des pouvoirs, séculaire et spirituel. La fantasy prend alors un tour bien plus politique, et les luttes d’influence, les petits – et grands – complots se tissent autour d’une table parfois, dans l’ombre souvent. Les enjeux y sont élevés et le lecteur dépité s’apercevra que l’ambition personnelle rend les puissants aveugles aux exigences, aux réalités et surtout aux dangers qui menacent leur nation (comme dans la vie réelle…). Finalement, c’est à se demander quel mal abattra cet occident : les dissensions royales, les querelles intestines, l’ambition d’un prélat, la purge religieuse dans les cinq nations, ou bien le sultan et son armée de 100 000 hommes ?

Quelques allusions et constructions vous sont familières ?

Ce background historique n’est pas anecdotique ou accidentel. Comme pour La promesse de sang de McClellan, Paul Kearney s’appuie sur les faits marquants de l’Histoire Européenne : la purge en Hébrion fait ressurgir le spectre de la St Barthélemy, le Voyage d’Hawkwood se pare du prestige de l’expédition de Christophe Colomb, la chute d’Aekir rappelle les combats de Jérusalem. Cette utilisation des événements du passé permet d’asseoir son univers sur des bases déjà assimilées par son lectorat, et du coup d’affiner son melting-pot culturel et historique. Ainsi, peut-il marier avec bonheur des périodes qui n’étaient pas forcément contemporaines, avec la découverte d’un autre continent, des clivages politiques et des schismes religieux, et des guerres de religions.

D’ailleurs, la prise de la cité et les personnages qui participent à cette facette du roman m’ont plongée en plein dans le film Kingdom of Heaven. Je fais ce parallèle en raison du cadre, du siège de la ville de Jérusalem à la fin des Croisades, de la violence des combats à pieds ou à base d’artillerie qui ressemblent à ce film dans mon imaginaire. Même Saladin tient en esprit du chef de l’Armée Médruk, Baraz.

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Le genre est aussi un melting-pot en soi. Nous sommes avant tout dans une gunpowder fantasy où le sabre côtoie l’arquebuse; la catapulte, le mortier. L’aspect militaire est bien présent, non seulement avec le siège de la cité d’Aekir, les combats d’arrière-garde et les promesses à venir. A ce sujet, la terminologie employée appuie la veine martiale autant que la violence des affrontements. Cela sent la poudre, la braise et d’autres parfums pas très agréables.

Paul Kearney développe également une fantasy maritime qui distingue sa saga de ce que j’ai lu dernièrement que ce soit Les jardins de la Lune, ou La Promesse de sang.  C’est une bonne chose car il s’éloigne de ces romans dans l’ambiance qu’il communique et ne cherche pas à rivaliser sur le même terrain. J’avais même la sensation de lire un roman de Horatio Hornblower de Cecil Forester, dans ces parties maritimes. Cette trame s’agrémente d’une touche iodée, surtout grâce à une sémantqiue spécifique sans qu’elle soit trop appuyée au point de noyer le lecteur. Ce choix est judicieux car, la comparaison avec Erikson ou McCellan n’irait pas forcément dans son sens.

Les luttent d’influences et les enjeux qui se dessinent dans le roman et surtout à la fin de ce premier tome sont prometteurs pour la suite. Cette partie toute politique densifie un peu plus le récit proposé en lui conférant plusieurs niveaux. (de lecture aussi). Certes nous sommes loin d’un monde aussi complexe et noir que le GoT, mais la comparaison n’a pas lieu d’être car ce n’est pas l’ambition des Monarchies divines.

La magie est proscrite dans les nations ramusiennes, du coup nous ne les voyons que très peu à l’œuvre sur terre ferme. Cela scinde artificiellement le récit en deux parties avec le voyage d’Hawkwood d’un côte, et les monarchies de l’autre. Heureusement que les medruks ne sont pas aussi frileux, or comme il n’y a aucun combat à base de thaumaturgie, le lecteur reste sur l’attente en ce domaine.

Cette forme reste classique et m’a fait fortement penser à l’Épervier de Terremer d’Ursula Le Guin, avec des glyphes, une magie à base de connaissances, d’observations et de philosophie.

Les personnages sont bien campés, même si certains restent encore trop stéréotypés (tel que le prélat d’Hebrion). Un très bon point, un lutin est présent et c’est un petit bonheur en soi, une bestiole timide et facétieuse à la fois. Vous rencontrerez également des Homoncules et des lycanthropes. Pour l’instant.

Les protagonistes à améliorer sont un petit  bémol, mais l’entrée en matière est assez brouillonne et il faut attendre une bonne soixantaine de pages pour que la mayonnaise fonctionne. En outre, La traduction n’est pas loin d’être pitoyable, au minimum pourrie. Oui désolée d’être si sévère. Mais franchement entre fautes d’accord, répétitions à gogo du même mot, anglicismes, faute grammaticales, constructions bizarres, cela ne rend pas la lecture agréable et renforce l’aspect lourd de début de roman.

C’est un premier tome prometteur qu’il ne faut pas chercher à comparer avec GoT, ni les plus épiques romans de gunpowder fantasy. Les racines du récit s’inspirent fortement de l’histoire européenne, tout en les assemblant pour donner un cocktail sympathique, haut en couleur et centré sur l’action. Le ton est donné d’emblée, ce n’est pas une histoire pour fillette sensible ou toute personne aux yeux chastes.  En revanche, la traduction coupable alourdit une plume difficile à discerner pour cela.

Le roman n’est pas dans la thématique du mois d’avril, je l’ai lu dan le cadre de mon mois anniversaire.

Je rappelle que mon petit jeu est toujours en cours. Participez, c’est un ordre!

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35 réflexions sur “Le voyage d’Hawkwood – Paul Kearney

  1. Ah ben j’ai peut-être bien fait de le prendre en VO du coup 😀
    Il est dans ma PAL hypertrophiée, mais je sais pas quand je le lirai, sûrement dans 25 ans au train où vont les choses…

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  2. Pas trop mon style, mais le roman à l’air foisonnant et riche, cela à l’air de changer du tout-venant fantasy.

    Concernant la traduction, c’est incompréhensible. D »autant que c’est une série ! L’éditeur achète les droits et fais des économies de bout de chandelle sur la matière brute. Après il pleurera sur une mauvaise réception française.
    J’ajoute à mon billet anti-éditeur, cela peut servir…

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    • Non, je sais que ce n’est pas ton style. Et cela change du tout venant fantasy.

      La traduction est criminelle! je mettrais des extraits, il y a des pépites. Oui, met sur ton article, il faut se faire entendre.

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  3. Voilà une très bonne critique, qui cerne très bien les limites, intérêts et ressemblances de ce roman. Ton avertissement sur la qualité de la traduction est très pertinent, je vais le basculer sur la VO dans mon programme, du coup. Et vu ce que tu décris, c’est 1/ totalement pour moi et 2/ ça correspond aux très bons échos que j’avais eu sur ce tome 1. Je vais essayer de l’avancer dans l’ordre de lecture, du coup. Merci !

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    • Merci! 🙂
      Il a matière à te plaire, même s’il n’est pas aussi percutant et novateur que les poudres-mages ou aussi épique et léché qu’Erikson.
      Pour la traduction, il faut vérifier s’il y a eu un travail complémentaire dans les éditions suivantes, autrement oui, tourne toi vers la VO.

      Oui, je confirme que c’est totalement pour toi! 😉

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  4. Cette série était dans ma « séries à tenter un jour » et elle vient de prendre un coup de boost pour remonter dans ma Wish 😛
    Mais du coup je la prendrais aussi en VO tant qu’a faire, autant aller directement à la source si la traduction n’est pas bonne ^^

    Merci pour ton avis, ça me correspond tout à fait aussi, je sens que je peux aimer, ça rallonge juste ma liste d’envie encore une fois 😛 (elle n’en fini plus !)

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    • Oui, elle a des arguments pour figurer dans une wish-list, surtout pour les amateurs de fantasy aux trames un peu plus complexes que la moyenne, et nettement plus sombre.
      Si la VO ne te fais pas peur, c’est mieux, effectivement! C’est bien d’avoir une wish-list conséquente. 🙂

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  5. Même si je ne connais pas toutes les références que tu énumères (à part GoT, et le film Kingdom of Heaven que j’ai beaucoup aimé), je suis très tentée ! En même temps, comment pourrait-il en être autrement après une si bonne chronique ? ^_^
    Il était déjà dans ma wish-list… Je pressens une entrée en PAL imminente, merci 🙂

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  6. J’ai adoré cette série ! 😀 Le premier tome est à mon sens le plus faible des cinq, la suite est beaucoup mieux rythmée et les personnages beaucoup plus développés (je garde un très bon souvenir de Corfe, notamment). Par contre je ne me rappelle pas que la traduction m’ait particulièrement embêtée (mais c’était il y a un moment maintenant…)

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  7. J’avais beaucoup ce cycle quand je l’ai lu, c’était épique à souhait et c’était la première fois que je tombais sur un tel mélange des genres. J’avais même terminé la lecture en VO je crois (avec difficulté d’ailleurs dans les passages maritimes). Je ne me rappelle pas de problème de traduction mais j’étais pas très regardante à l’époque.
    Ce n’est pas un cycle parfait (tu pointes du doigt des intrigues déconnectées, c’est un problème récurrent de mémoire) mais il contient quelques belles trouvailles et quelques belles batailles accessoirement.

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    • Ce premier tome annonce un cycle fort sympathique et prometteur. En VO, les termes maritime doivent être effectivement costaud, car Kearney détaille les manœuvres et le matériel.

      Belles trouvailles et bonnes batailles, je confirme!

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  8. Encore une série qui m’intéresse. J’ai failli l’acheter il y a quelques années lors de sa ressortie au Livre de Poche je crois, mais ce qui m’avait freiné c’est que ce n’était pas l’édition « retouchée » par l’auteur qui n’était pas satisfait de la fin du cinquième tome, trop rapide à son goût.
    Du coup, j’ai laissé l’achat de côté. Ceci dit, en l’état, c’est une série qui est de grande qualité d’après les nombreux lecteurs francophones, donc pas de raison de s’arrêter pour ça hein ! 😉

    Par contre, je n’avais pas entendu parler d’une traduction de mauvaise qualité, c’est dommage ça…

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  9. […] Le voyage d’Hawkwood est le premier tome d’une pentalogie (où, pour une fois, tous les romans sont 1/ disponibles et 2/ en français mais hélas 3/ pas en version électronique -sauf en VO, évidemment-). A ce stade de découverte des sous-genres auxquels est consacré cet article, c’est un très bon exemple pour se rendre compte que toute Gunpowder n’est pas de la Flintlock (ou inversement), bref que toute fantasy à poudre ne prend pas les périodes de la Révolution ou du règne de Napoléon comme modèles. En effet, ce cycle, Les monarchies divines, est certes post-médiéval mais s’inspire plus de la Renaissance que de la fin du XVIIIe / du début du XIXe siècle. Et évidemment, les armes à feu ou canons utilisés sont moins perfectionnés que ceux employés en Flintlock. Cela prouve donc que la Fantasy à poudre peut s’inscrire dans d’autres territoires temporels et technologiques que ceux qu’ont choisi les McClellan, Wexler et Evans. Cette saga a, de plus, l’avantage de donner une large place a quelque chose qui, à mon goût, est beaucoup trop négligé en Fantasy à mousquets, à savoir l’aspect maritime (ce qui est un comble lorsqu’on connaît la popularité des Horatio Hornblower et autre Jack Aubrey !). Et ce n’est pas la moindre de ses qualités, comme vous le prouvera l’excellente critique écrite par l’ami Lutin. […]

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