La machine de Lord Kelvin – James Blaylock

Quand la Terre devient folle.

Bragelonne

The Narbondo Serie

James Blaylock est un des pionniers du Steampunk, genre appartenant aux littératures de SFFF dont l’ambiance rétro-futuriste, met le cuivre et la vapeur à l’honneur. Personnellement, je lui trouve une certaine affinité avec Jules Verne et H.G. Wells, saupoudré d’un soupçon de Conan Doyle. Mais, j’y reviendrai un peu plus bas.

Précédemment, la lecture de Honomculus ne m’avait pas du tout convaincue. La Machine de Lord Kelvin avec sa magnifique couverture sera l’occasion de remédier à cette déconvenue, d’autant que le pitch de départ à de quoi émoustiller la matière grise.

« Dans les rouages mystérieux de l’incroyable machine de Lord Kelvin réside le secret du temps lui-même. L’abject docteur Ignacio Narbondo serait capable de tuer pour mettre la main dessus, et le célèbre inventeur et explorateur Langdon St. Ives ferait n’importe quoi pour l’utiliser. Pour l’un, cela revient à dominer le monde, et pour l’autre, la fantastique machine représente le moyen de sauver sa bien-aimée des portes de la mort… Qui des deux hommes obtiendra gain de cause le premier ? »

Les acteurs de ce scénario rocambolesque ne nous sont pas inconnus. Nous y retrouvons les personnages du précédent volume. Contrairement aux apparences, Homunculus ou bien La machine de Lord Kelvin ne sont pas des romans indépendants, sans que cette information soit précisée sur le livre. Il font partie d’une série intitulée The Narbondo Serie, et mettent en scène des personnages récurrents (4 romans et une douzaine de nouvelles). Certes, les textes peuvent se lire de manière dissociée, et encore, il existe une inimité entre St Ives et Narbondo qui se fait écho d’un livre à l’autre. Il serait bon que les éditeurs fassent davantage d’effort qu’une minuscule ligne en 4° de couverture : « La machine de Lord Kelvin prend place dans la même univers. » C’est très vague.

Revenons à nos personnages récurrents : Langdon St Ives, Ignacio Narbondo et Bill Kraken principalement. St Ives fait indubitablement penser au Professeur Layton ou aux héros de Jules Vernes (Cyrus Smith, Phileas Fogg,…);  le savant responsable, sans peur et sans reproche – ou presque. Le trait y est volontairement appuyé, sans aller jusqu’à la caricature. La perte de son épouse en fait un homme torturé, à la limite de l’amertume et son objectif  de sauver la Terre est surclassé par son désir de vengeance.

Bill Kraken est l’homme de main fiable et fidèle, un Passepartout plus moderne, et bien commode, surtout pour détraquer la machine de Lord Kelvin.

Enfin, Ignacio Narbondo est le vilain à l’état pur : retors, corrompu, intelligent et chanceux. Même sa chute vertigineuse dans un lac n’en vient pas à bout (hello Sherlock!). Cependant, il exerce une véritable fascination sur ses comparses et sans doute sur le lecteur. La star de la série, c’est lui.

Vient ensuite la cohorte de personnages secondaires Pearsons, Lord Kelvin,… dont les traits de caractère sont brossés en eaux fortes. Encore une fois ce parti-pris de l’auteur est volontaire, et confère un ton presque BD à ce roman.

L’inspiration prend sa source dans les Jules Verne et HG Wells ( entre autres), l’univers rendu se rapproche des romans de ces précurseurs, sans en rechercher l’exacte texture. Toutefois, l’époque victorienne – ou post-victorienne – et le merveilleux scientifique sont le dénominateur commun de l’ensemble. Il flotte d’ailleurs ce parfum que les sciences peuvent s’affranchir de toutes les barrières. Ainsi, le roman a-t-il un aura assez positive et s’engouffre dans l’horizon des possibles avec gourmandise et gloutonnerie.

De plus, entre le rythme enlevé, les réparties, les situations alternant entre le comique et l’action, l’aspect visuel, les personnages appuyés, l’univers de la bulle n’est pas loin. Il vous suffit d’imaginer les romans des précurseurs de la SFFF en bande-dessinée réalisée de nos jours, vous aurez une image assez précise de ce que propose James Blaylock.

A l’image de Homunculus, je n’ai ainsi pas du tout adhéré à l’histoire proposée. Je me considère pourtant bon public, et je suspends facilement mon incrédulité. Mais quand le projet revient à détourner la Terre de son orbite par l’intermédiaire d’une poussée obtenue par l’explosion d’une chaîne volcanique… Comment dire? Cela m’est un peu difficile à accepter. Or s’ajoute en une petite soixantaine de pages  une machine de la taille d’une voiture susceptible d’inverser le champ magnétique terrestre, une pluie d’animaux (vivants) en tout genre suite à son explosion,…

Les auteurs du XIX et début de XX° qui ont accompagné l’émergence  de la SF construisaient leurs récits sur des bases scientifiques connues et des projections dans le futur cohérentes (plus ou moins). Leurs textes ont une nuance surannée de nos jours, qu’il ne possédait pas alors, et le retro-futuriste est une conséquence et non un effet de style. Ces atmosphères sont très séduisantes et le rendu est captivant. Il manque à La Machine de Lord Kelvin cette magie très particulière et surtout une vraisemblance qui n’est certes pas le point d’ancrage du roman, mais reste un frein à l’immersion. La dérision et le comique furent choisit au détriment d’un prétexte plus solide. Cela ne fonctionne toujours pas pour moi, je ne parviens pas à y croire.

Les situations sont ainsi très farfelues et cassent de beaucoup l’immersion du lecteur en recherche d’un roman steampunk scientifiquement plus tenu. C’est d’autant plus dommage que l’ambiance est prometteuse, et le rythme excellent.  Les personnages un poil trop forcés et comiques, demeurent agréables et le tout est soutenu par un humour qui alterne entre la dérision et le loufoque.

Les amateurs de Homunculus ne seront pas déçus, c’est exactement dans la même veine.

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Le livre:
  • Traducteur : Stéphane SALVETTI
  • Date de parution : 15/02/2017
  • Prix : 25.00 €
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31 réflexions sur “La machine de Lord Kelvin – James Blaylock

  1. Excellente critique ! Pour avoir lu un Blaylock récemment, et tes critiques sur deux autres, j’ai l’impression que l’humour loufoque et les machines improbables sont une constante de son oeuvre, seul le dosage variant selon le bouquin. On aime ou on déteste, mais cela laisse en effet rarement indifférent.

    Sinon, attention, le terme « rétrofuturisme » recouvre plusieurs notions, mais tel que tu l’emploies dans ton avant-dernier paragraphe, j’ai plus l’impression que tu veux parler d’une uchronie a posteriori que d’autre chose (= la description d’un futur écrit au temps T, futur qui est devenu le passé au temps T+n, et qui, étant donné qu’il ne s’est pas déroulé tel que prévu par l’auteur d’anticipation concerné, devient une uchronie -a posetriori- telle que lue par un lecteur de l’époque T+n).

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    • Merci 🙂 !
      Je finis par penser la même chose que toi. L’humour ici me convenait, cela va du jeu de mot au cocasse, rarement burlesque donc cela le fait. Mais les machines gadgets et autres sont trop grotesques pour moi.
      Après avoir lu ta critique sur Oriel, et ces 2 romans steampunk, j’en conclus que c’est sa marque de fabrique.
      Du moins en fantasy. Je tenterai un 3° roman, mais en SF. J’espère que cela me plaira.

      Oui, c’est tout à fait cela : une uchronie a posteriori!! Merci de cette précision, je le garde en tête! 🙂

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  2. Je passe mon tour aussi.
    Je te rejoins complètement sur l’epoque du merveilleux scientifique. Que l’on veuille rendre hommage aux précurseurs est bien, mais si c’est pour jouer a la surenchère , je ne vois pas l’intérêt. Comme tu dis,ils n’ont pas compris ces livres et ne jouent que le pastiche.

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    • Je pense que Blaylock tente de retrouver la même alchimie qu’avec un Verne. Pour moi, cela ne fonctionne pas et oui, c’est à la limite du pastiche.
      Et je ne pense pas que ce soit vraiment dans ton registre.

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  3. Effectivement, ça fait penser à du Verne : le truc de la poussée pour changer l’orbite de la Terre me fait penser à un roman que j’ai audio-lu… *recherche*… Ah voilà : « Sans dessus-dessous », où le projet est de tirer un gigantesque coup pour redresser l’axe de la Terre par rapport à l’écliptique, afin de modifier le climat et pouvoir accéder aux gisements de charbon des pôles (et accessoirement, ça noierait la moité de la planète et assécherait l’autre moitié ^^)
    (c’est par ici http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/verne-jules-sans-dessus-dessous.html, si ça intéresse quelqu’un)

    Malgré ta critique, je reste tentée par Blaylock tout de même 🙂

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    • Oh, merci pour le lien. Je vais écouter la nouvelle!
      Je ne cherche pas à dissuader. Je ne dis pas que c’est mauvais d’ailleurs, c’est que je ne crois pas à l’histoire dès le début et que la lecture finit par être pénible.
      J’encourage d’ailleurs à lire d’autres avis.

      Vas-y tente le surtout si tu as aimé Blaylock auparavant, ou si tu aimes Tim Powers.

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      • Non, je n’ai pas encore lu de Blaylock (mais j’ai un Powers dans ma PàL) ^^.

        Ne t’en fais pas, on comprend bien que tu descends pas le livre, que c’est juste une incompatibilité entre toi et lui. J’espère que le prochain essai de l’auteur avec son roman de SF sera plus positif 🙂

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        • Ah! Merci, tu me rassures sur ce point car je ne veux pas descendre gratuitement.
          J’espère également que cela sera plus positif avec un roman de SF.
          Tente le Powers puisque tu l’as dans ta PAL. Blaylock c’est dans une veine similaire.

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    • Non, je l’ai trouvé plus simple de ce côté-là. Mais, il faut dire que j’étais déjà familiarisée avec une poignée d’entre eux, du coup, je n’ai pas ressenti un trop plein. Mais, ce style de roman n’est visiblement pas ma tasse de thé.

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    • Merci du compliment! 🙂
      J’essaie quand je vois bien que l’univers colle pas à mes « aspirations » de ne pas descendre inutilement le bouquin. J’essaie de montrer ce qui freine mon enthousiasme.
      Regarde d’autres critiques pour te faire une idée plus précise.

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