Voyageurs de Neal Asher

Tic tac…

Le roman fut entamé du bout des dents, une bouchée après l’autre car la thématique du voyage dans le temps m’a bien souvent laissée perplexe et déçue après ma lecture de La Suprématie de McAllister. Tout parût fade et sans saveur en comparaison. Or malgré un début sans grand enthousiasme, j’ai aimé Voyageurs de Neal Asher et j’ai fini par le dévorer tel un T-Rex avalant sa proie.

Il est certain que La machine à remonter le temps de Wells vient à l’esprit dès que le voyage temporel est abordé. Voyageurs emprunte à ce classique pour mieux le distordre dans ses boucles temporelles, à l’image, hé bien, de La Suprématie

Tout débute au 22° siècle, Tack (sans tic) est un super-tueur chargé par l’U-Gouv de récupérer une IA  des mains d’un (super-)mercenaire, Nandru. Ce dernier n’est pas né de la dernière pluie et se sert d’une intermédiaire peu consentante, pour opérer la transaction. Pour se faire, il a intégré l’intelligence artificielle directement sur Polly; pour le coup, leur tête ne tient qu’à un fil…

Tout dérape alors que l’opération semble se conclure : une monstruosité émerge du néant et fait un carnage. Lors de cette violente incursion la bête-tor perd un fragment, une sorte d’écaille, en d’absorbant quelques bipèdes avant de s’en retourner séant. Lors de cette brève boucherie, sans beaucoup de tactique (Tack est dépourvu de tic..), la confusion la plus absolue règne, notamment pour le lecteur.

Polly reprend conscience avec l’étrange tor (symbiote) incrusté sur son avant-bras. La programmation de Tack lui impose d’éliminer la demoiselle en détresse, mais c’est avec une grande surprise qu’il voit l’objet de sa mission s’évanouir dans un repli du temps. Un temps qui lui est d’ailleurs compter (tic,…): le voilà « enlevé » par d’étranges humains visiblement modifiés et améliorés. Il faut préciser que ce tueur se retrouve en possession d’un éclat du tor logé dans la demoiselle….

Nandru fait partie des victimes et a été absorbé par l’IA portée par Polly, il s’avèrera un compagnon précieux pour la suite de ses péripéties.

Cela peut paraître brouillon, surtout que nous n’en sommes qu’au début. Et il faut bien avouer que cette confusion est recherchée par l’auteur qui refuse de nous prendre la main, histoire de bien nous décoiffer avec son roman. Vous connaissez l’attraction des montagnes russes ? Bienvenu à bord! Nous sommes branchés sur des boucles temporelles dopées à l’adrénaline et aux amphétamines.

Initialement, le lecteur se sent effectivement bousculé par les événements, les changements de références, les divers acteurs aux motivations nébuleuses, et par ses incessants voyages et Voyageurs.

Polly va parcourir l’histoire de la Terre à rebours, plongeant dans les méandres de l’ humanité depuis le guerre mondiale jusqu’à l’âge de pierre en passant par le Moyen-Âge et l’occupation romaine. Notre touriste temporelle ira bien plus loin et c’est avec une certaine délectation et quelques frayeurs que nous ferons des incursions à Jurassic Park en compagnie de nombreux dinosaures affamés. Tout comme le train fantôme, cette remontée de l’histoire ne ménage pas le palpitant tant les descriptions et ces passages sont haut en couleurs et en danger!

De son côté, Tack n’est pas mieux loti. Il découvre une guerre future qui se déroule dans le passé de la Terre. Le titre du roman ne fait pas référence qu’à nos seuls compères séparés par leur saut respectif. Deux factions s’opposent dont les partisans de Cowl. Cet extrahumain crée à partir de multiples modifications génétiques veut modifier l’avenir de l’humanité.  Ces adversaires sont les Voyageurs qui utilisent des tunnels dans le temps afin de préserver -semble-t-il -l’Histoire telle que nous la connaissons.

En effet, rien n’est simple avec Neal Asher; les enjeux et motivations sont bien plus complexes qu’une guerre fratricide pour la domination du temps. Tout comme sa narration qui alterne entre les deux principaux protagonistes et des sauts toujours plus lointain dans le passé. L’action et le danger donnent presque le tournis, cette débauche d’énergie est tempérée par le récit de la création de Cowl, mis en exergue à chaque chapitre. Du coup, le puzzle s’assemble peu à peu, la confusion initiale laissant alors la place à la curiosité puis à la trépidation.

Et le paradoxe du temps dans tout cela?

Ma foi, même si rationnellement il y aurait à redire, et quelques éléments sont (volontairement ?) incompréhensibles, le tout conserve une « authenticité » à la première lecture. J’ai apprécié son traitement à base de probabilités et son illustration des conséquences (pente de probabilités). Cela semble très ardu au premier abord, mais nul besoin de maîtriser les mathématiques pour comprendre les tic tac inhérents à la manipulation du temps.

Quant à la plume et au style de l’auteur, le lecteur aura lu plus agréable et efficace, mais il faut dire que la traduction est sans doute bien perfectible (au temps au lieu d’autant, lourdeur de phrases, …).

La thématique du voyage dans le temps est traitée avec sérieux, tout en tordant le cou aux clichés. D’ailleurs, l’auteur en profite pour utiliser et s’approprier (ou détourner) de nombreux concepts tel que le transhumanisme (Cowl en est la représentation parfaite), les IA (avec humour et personnalité), le planet opera centré sur notre Terre (nous remontons jusqu’à son origine). Un roman dans la lignée de Carbone modifié de Richard Morgan.

Ainsi après un début un peu rêche et confus, le lecteur se laisse embarquer à bord de surprenantes machines à remonter le temps pour quelques voyages dignes des meilleures montagnes russes. Les passages dans le jurassique sont somptueux, et la rencontre finale avec Cowl laisse des séquelles. Certes, nous pourrions reprocher une maîtrise à parfaire, mais cette traversée du temps permet au lecteur d’apprécier au final, un véritable sense of Wonder.

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Le livre :
  • 476 pages
  • Pocket
  • 14 octobre 2010
  • occaz: 3€

 

27 réflexions sur “Voyageurs de Neal Asher

  1. Super critique, merci !

    J’ai adoré ce roman très ambitieux, effectivement (tu le soulignes avec justesse) impacté par une traduction sans doute perfectible. Que ce soit la naissance et l’anatomie de Cowl, la notion de courbes de probabilité pour chaque variante d’univers possible ou les révélations finales liées aux sondes spatiales et à l’origine de la vie, j’ai souvent pris un pied pas possible. Même s’il est vrai que c’est un livre très exigeant, pas taillé pour plaire à tout le monde. Je suis content qu’il t’ait plu, même si j’avais assez peu de doutes à ce sujet.

    (j’adore l’image d’en-tête et les jeux de mots avec Tic et Tac 😀 ).

    Aimé par 1 personne

    • Merci! 🙂

      Trés ambitieux, et un pari réussi pour moi. Il y aura toujours quelques fâcheux, mais difficile de faire la fine bouche quand même!

      J’ai adoré les courbes de probabilité, les chutes dans leur pente pour le « nouvel » avenir, les révélations et même Cowl.

      Il ne plaira pas à tous les lecteurs, car exigeant et il surfe avec des concepts qui ne font pas rêver tout le monde.

      Oui, il m’a vraiment beaucoup plu, surtout toute la deuxième partie. Il est même parvenu à me surprendre.

      L’image parlera à tous les lecteurs de Voyageurs, et je me sui amusée avec le jeux de mots (et encore je me suis freinée…)

      Merci APo! 😉

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  2. J’ai certains tics, comme celui d’aimer les voyages temporels. Mais comme du dis, avec tact, que c’est une lecture exigeante et que la période est plus à la légèreté (même si c’est aussi celle des tiques !), il y a de fortes probabilités que Voyageurs attendent avant que j’entame sa lecture. Et j’ai carbone modifié sur ma liseuse qui patiente depuis quelques temps. Ma tac-tic est de lire en premier celui qui attend depuis longtemps

    Aimé par 1 personne

    • Excellent!!!
      Merci de cet super commentaire, je n’avais pas pensé aux tiques – la malédiction de nos amis à 4 pattes (d’ialleurs le mien à eu une pyro en février…).
      Lis Carbone modifié, et si tu aimes tu peux enchaîner avec Voyageurs. C’est un style similaire.

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