L’œil du temps – Clarke & Baxter

L’odyssée du temps, tome 1

Bragelonne

Le titre de cette trilogie de science-fiction fait immanquablement penser à L’Odyssée de l’espace, un monument de la SF. Et pour cause, l’auteur principal, associé pour la circonstance à Stephen Baxter, n’est autre que le fameux écrivain Arthur C. Clarke. Aussi, nous verrons que ces choix ne sont pas anodins.

L’oeil du temps prend des chemins déjà balisés par son illustre prédécesseur 2001, puisque nous prenons pied dans cette aventure avec deux australopithèques alors que le premier volet de l’odyssée de l’espace met en scène des hommes singes. Cependant ce n’est pas un monolithe que découvre la plus âgées mais une sphère réfléchissante.

Cette entrée en matière n’est pas la seule référence à l’œuvre de AC Clarke, de nombreuses autres vont d’ailleurs émailler ce texte, pas dans une optique d’hommage, car l’ambition est autre….

L’équipage du Little Bird accomplit une mission de routine pour les Nations Unies. En 2037, l’Afghanistan demeure une zone délicate ou de nombreux intérêts divergent. A son bord, Casey, Abdikadir et Bisesa sont abattus par le tir d’une roquette alors qu’un phénomène hors norme les surprennent. Ils se crachent à proximité d’un fort qui aurait dû être en ruine, le fort Jarmund, mais qui présente une apparence des plus saine.

Ses occupants sont fort éberlués de voir cette machine volante s’écraser à proximité. De leurs côtés, ils ont noté l’apparition d’une sphère réfléchissante juste un peu avant. Cet étrange phénomène et un bond du soleil dans le ciel.

Une fois la tension et la méfiance légèrement sous contrôle les uns et les autres font connaissance. Nos trois « modernes » rencontrent ainsi des britanniques dirigés par le capitaine Grove; il leur explique que ce matin le journal affichait une date en mars 1885… Parmi eux se trouve un jeune auteur en devenir : Rudyard Kipling.

Nos naufragés du XXI° siècle parviennent à entrer en contact avec deux russes et une américaine (Zabel) en mission sur la station internationale (en 2037 également). C’est avec soulagement que ces derniers accueillent ce premier contact en provenance de la Terre alors que la station s’était évanouie brutalement. Lors de leurs rotations autour de notre planète, l’absence des signes de civilisation humaine s’est imposée, et seuls quelques maigres foyers persistent en Asie, à Chicago et en Irak. Le seul autre signal électromagnétique (artificiel) reçu provenait de ce dernier pays et plus exactement de l’antique Babylone.

Ils ne seront pas au bout de leur surprise car ils vont croiser la route de Gengis Khan et d’Alexandre le Grand tout aussi déboussolés que les autres, surtout quand tout ce beau monde réalisera qu’ils sont TOUS des naufragés du temps, projetés sur différents fragments espace/temps de la Terre!

Notre planète a été éparpillée puis réassemblée avec des morceaux provenant de diverses époques et périodes de l’année. Cet ajustement chaotique provoque une réaction en chaîne climatique violente puisqu’une plaque de l’ère glaciaire peut côtoyer une autre bien plus avancée dans le temps. Les auteurs ont cherché la vraisemblance des effets d’un tel chamboulement jusque dans le noyau terrestre.  Agencé au petit bonheur la chance, ce dernier modifie radicalement le champ magnétique de la Terre et son aptitude à dévier les vents solaires (et à indiquer un nord).

Ces réactions thermodynamiques ne sont pas les seuls éléments spectaculaires présents dans le roman puisque nos protagonistes côtoient non seulement Gegis Khan et Alexandre la Grand, mais également des mammouths, des tigres à dents de sabre, des hommes de Néandertal,…. Et partout les sphères veillent.

Nous sommes dans un roman qui fait honneur à un des thèmes précurseur dans le domaine : le voyage dans le temps. L’approche dépoussière largement le roman de HG Wells, en l’association à des portails et un assemblage hétéroclite de fragment de la planète. Ici, point de paradoxe temporel, car le futur n’existe plus. Ce n’est plus notre bonne vieille Terre. Et en cela, c’est assez bien construit et amené. Que reste-t-il donc à nos naufragés, ces Crusoés d’un genre nouveau? Est-ce entre deux grands conquérants de l’Histoire que le choix s’opérera ou existe-t-il une troisième voie ?

L’ambiance n’est pas lugubre ni trop pessimiste alors que  la situation et ses perspectives demeurent sombres. Ce manque d’optimisme n’est pas lié à la nature humaine, mais simplement à l’entropie. Un sacré coup pour notre chère vanité sur l’échelle cosmique bien que les propos soient loin d’être comiques.

Le roman a du potentiel sur le fond avec une intrigue s’appuyant sur des bases solides. D’une part, le mystère des sphères perdure jusqu’à la fin. Nous en apprenons davantage lors de la dernière trentaines  de pages, et les premiers éléments sont amenés assez brutalement par un des protagonistes qui dévoile sa théorie. J’aurai préféré que les clés soient étalées en raison de l’impression d’une fin de roman trop rapide. Les explications en tant que telles sont du coup assez denses, regroupées au sein d’un seul chapitre, et même si le concept est séduisant –  abordables aux novices grâce a des comparaisons et des métaphores judicieuses – il faut parfois relire pour tout appréhender (théorie des cordes, ondes gravitationnelles).

L’autre tenant de l’intrigue réside dans le sort des protagonistes principaux et leur comportement face à cette situation unique. Les auteurs parviennent à maintenir l’intérêt et le suspens, ils nous offrent par ailleurs de belles scènes d’action et même des morceaux de bravoure. Je n’ai qu’un reproche sur la fin qui coïncide avec ma réserve exprimée au-dessus. Bisesa qui détient une « solution » un peu trop comme par magie, et qui agit en conséquence renforce cette sensation de fin un peu précipitée.

Les personnages sont globalement réussit et même pour certain très soignés tels que Bisesa, Abdikadir, Josh et Kippling. En revanche, je n’ai pas adhéré à celui de Zabel une  astronaute qui vire démente rapidement (psychologiquement, ce sont des gens censés être sensés) – What the frak ,!!!

La fin est un écho de 2001, l’Odyssée de l’espace : « À présent qu’il était maître du monde il n’était pas sûr de ce qu’il devait faire » (au sujet du singe). Dans L’œil du temps, notre australopithèque se pose moins de question!

Je fais ce parallèle volontairement car pour apprécier entièrement ce roman, je recommande de lire ou voir 2001, l’odyssée de l’espace (auparavant ou après). Les deux œuvres sont connectées,  tout comme les thématiques  ou plus exactement « observées » d’un angle différent. L’Odyssée du temps s’inscrit dans un effet de résonance, par rapport à L’odyssée de l’espace pour qu’ils se complètent. Le titre n’est pas anodin.

Au final, il s’agit d’un très bon roman de SF, pas  tout à fait la claque que j’attendais avec deux pointures de la SF aux manettes. Il prend de l’ampleur avec la lecture ou le visionnage de son illustre prédécesseur auquel il est connecté – mais peut parfaitement se lire seul. Le voyage dans le temps est abordé d’une manière différente, captivante avec une nuance uchronique sans son pendant du paradoxe temporel.  Il offre une vison spectaculaire de notre planète malmenée par les éléments. Je regrette simplement une mise en place un tantinet longuette ainsi qu’une fin  un poil précipitée.

Autres critiques :

Le Maki

Challenges :
Challenge Littérature de l’Imaginaire – 5° édition
Le livre :
  • 381 pages
  • Broché 20 €
  • E-bbok : 1 sans DRM aux Ops B.

 

 

 

 

33 réflexions sur “L’œil du temps – Clarke & Baxter

  1. Je suis surpris par l’absence de réaction sur cette bonne chronique. Je n’ai pas lu 2001 mais j’ai vu le film et j’hésitais à lire ce roman. Maintenant je n’ai plus qu’une question, y-a-t-il une fin à ce livre ou faut-il obligatoirement lire la trilogie ?

    Merci

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    • Cela arrive et nous sommes en plein août avec un grand pont… Rien de surprenant.
      Le livre peut se lire comme un stand-alone, mais le mystère de l’œil et des premiers nés n’est pas éclairci. C’est donc à toi de voir.

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  2. Quel hasard, je voulais lire « Lumière des jours enfuis » des deux mêmes auteurs. Mais celui ci faisait référence à un autre roman de Clarke « Les enfants d’Icare » que je viens donc de lire.
    On dirait que Baxter fait la maison d’édition de Clarke fait la promo de son oeuvre. Et quel brio : à vouloir lire un livre, on en achète deux !
    Je vois si « Les lumières des jours enfouis » me plaisent et si c’est le cas, j’irais m’attarder sur cet oeil, ce patchwork d’époques sur une seul et même terre titille ma curiosité.

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    • ET bien j’ai hâte de lire ton avis sur cette collaboration, ici c’est pas mal même si cela aurait été perfectible.

      C’est bien vu de la maison d’édition car ils peuvent ainsi écouler l’œuvre antérieure! 🙂

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      • J’avais bien Lumière des jours enfuis et je pense qu’il devrait te plaire.

        Quant à cette Odyssée du temps, il faut lire les 3 tomes pour prendre toute la mesure du duo. Le second tome plaira plus aux inconditionnels de Baxter 😉

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        • Je compte bein continuer, c’est vrai que les perspectives sont alléchantes, et ton avis à compter dans mon acquisition de la trilogie.

          Je regarde Lumière des jours enfuis. Merci! 🙂

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  3. Il est prévu en lecture dans quelques mois chez moi aussi. Etant un grand fan des deux co-auteurs, je ne pouvais pas passer à côté de ce roman, que j’ai acheté (ainsi que ses suites) lors d’une des promos Bragelonne. Et du coup, après cette critique comme d’habitude précise, pertinente et habilement argumentée, j’ai encore plus hâte de le lire. Merci pour cet avis 🙂

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    • Je pensais que tu l’avais déjà lu celui-ci. Je pense qu’il va bien te plaire et que tu vas y trouver beaucoup d’intérêt surtout sur la construction de cette Terre et de l’approche voyage dans le temps. 😉
      J’ai également les suites acquises lors de la même opération. 🙂

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  4. J’ai lu ce livre, j’ai beaucoup aimé mais je ne savais pas qu’il y avait un lien avec L’odyssée de l’espace, je note pour une prochaine lecture.

    Je compte aussi poursuivre cette trilogie !

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