Célestopol d’Emmanuel Chastellière

Voyage au centre de la Lune

 

Célestopol est l »histoire d’une ville et accessoirement du Duc Nikolaï. Inversement, Célestopol est l’histoire du Duc et accessoirement de sa ville. Difficile de séparer l’un de l’autre tant l’ADN de la première a imprégné les gênes du second. Célestopol est aussi un voyage dans une fin XIX° début du XX°, dans une ville établie sur la Lune.

Avant d’être un recueil de nouvelles, les textes sont une extrapolation de la vision de Jules Verne, une fois l’obus lancé en direction de notre astre Sélène.

La prouesse est à mettre au crédit des Russes, et non des français ou des anglais, si la dénomination de cette capitale lunaire n’était pas suffisamment parlante. Le fils de l’Impératrice en est le gouverneur, loin de la mère patrie, et de l’influence maternelle. Il dirige ce qui devient peu à peu son propre duché, un peu comme Bruce Wayne avec son entreprise, (avec un touche de Civil War). Fanfaron, coureur de jupon, vie légèrement dissolue, les apparences son fâcheuses et le lecteur en vient à se demander si cela n’est pas que de la poudre aux yeux. La réponse à cette interrogation se dévoilera au fur et à mesure des nouvelles et du temps qui passe.

En effet, Célestopol est au cœur de nombreuses luttes d’influence, et si ces bras de fer ne sont pas franchement exposés, ils transparaissent au détour d’un phrase, d’un événement et des personnages traversant le recueil.

N’étant pas une grande fan de ce format, l’histoire de cette cité et de son Duc en font un des attraits principaux.  La personnalité de Nikolaï se nuance grandement au fil des nouvelles qu’il faut absolument lire dans l’ordre proposé pour en découvrir les multiples facettes, et se rendre compte de la relation particulière qui lie mère et fils : un savant mélange d’amour et de mépris.

Ce voyage – à comprendre dans ses nombreuses acceptions – en compagnie plus ou moins lointaine de cet étrange personnage éveille la curiosité du lecteur.  Ainsi, cherche-t-on à découvrir de quel bois l’homme est fait, et si la mère envahissante, mordue de contrôle lui laissera les coudées franches – ou s’il parviendra à se libérer. Quelque part, c’est assez jouissif, car le bougre n’est pas un tendron de première année, et loin des clichés du noble qui fera sa mue (telle une Bête). Non, le bonhomme est culotté, déterminé et… sait naviguer en eaux troubles.

L’ambiance participe grandement à donner du caractère à Célestopol – aussi bien à la ville qu’au recueil lui-même. Nous sommes dans le rétro-futurisme; l’allusion à Jules Verne n’est pas accidentelle tant Emmanuel Chastellière nous plonge dès le voyage inaugural dans un de ses romans phares, en plaçant d’entrée le contexte.  En effet, tout commence avec ce trajet Terre-Lune en obus, et si vous avez lu De la Terre à la Lune, impossible d’échapper au parallèle. La régate qui s’ensuit ne fait que parfaire cette première impression, vite relayée dans le ton par les autres nouvelles.

C’est la Ville elle-même qui m’a vraiment séduite, avec une ambiance assez typée. Habituellement, j’imagine tout séjour sur la Lune, quelque en soit la durée, baigné d’une lumière blanche, crue et agressive, lié à l’absence de filtre atmosphérique. Célestopol m’apparaît dans une lumière plus ambrée sous sa coupole de verre. La taille de la cité est fort intéressante, et les diverses nouvelles nous font naviguer de prouesse en prodige, avec un zoo, l’université, la cathédrale, St Basile, des jardins, un vignoble, une patinoire,….  En sus, les divers personnages circulent sur des canaux emplis de sélénium et voilà pour parfaire cette Venise à l’âme Russe et un poil cosmopolite.

Ce composé est d’une importance capitale, et l’objet de bien des convoitises : le sélénium fait battre le cœur de Célestopol. Loin des lumières de la ville, des paillettes, et du strass, nous en découvrirons des coulisses pour le moins reluisantes.

Les nouvelles nous exposent cette vie sous la coupole et son pourtour. Dans leur ensemble, je les ai trouvé d’un bon niveau, et certaines qui sortent du lot, d’autres un peu plus faibles. Ainsi, je n’ai pas accroché aux Jardins de la Lune et la Danse des libellules, trop bizarres pour moi. Dans la brume est trop convenue avec une histoire vue et revue de 2 frères en désaccord suite à la mort de leur père. La fin la sauve de l’anonymat.

D’autres sont sympathiques et permettent d’établir l’ambiance, je pense notamment à La Chambre d’ambre qui isolément est agréable mais qui prend une autre dimension avec l’ensemble. Dans un le registre qui peaufine l’ambiance russe et incorpore ses légendes : les nouvelles avec un duo de mercenaire, Wotjek et Arnrun, retiennent l’attention, à noter que même l’ours qui parle ne m’a pas fait faire des bonds!!

La fin d’Oderint Dum Metuant est prévisible, mais j’ai adoré (lue deux fois).

Je souligne : Face cachée,  Fly me to the moon et Tempus fugit ainsi que Les lumières de la ville qui m’a particulièrement touchée.

Le rat qui pousse la boîte dans Une note d’espoir m’a laissée de marbre, mais ce n’est lié qu’à mes limites dans le registre fantastique.

Vous aurez saisi que ce recueil m’a plu, les personnages récurrents son attachants et marquants, aussi je vous le conseille pour son ambiance particulière et son Duc ambivalent. Pour ma part je regrette que l’auteur ne nous ai pas proposé un roman dans cet univers….

Merci à au Pays des cave-trolls, et à Emmanuel Chastellière pour cette découverte.

Autres critiques :

Au pays des cave-trollsXapurBoudicca (le bibliocosme)AelinelLe Chroniqueur

Challenges :
Summer Short Stories of SFFF
challenge-s4f3-saison-3
Challenge Littérature de l’Imaginaire – 5° édition

 

 

 

 

 

62 réflexions sur “Célestopol d’Emmanuel Chastellière

  1. Le steampunk n’étant pas vraiment mon genre de prédilection, je vais passer mon tour. Je préfère découvrir la prose de l’ami Emmanuel via son roman de Flintlock à paraître l’année prochaine. Mais merci pour ta critique, comme toujours complète, nuancée et agréable 🙂

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  2. Je suis contente que tu ais apprécié ta lecture, tu vois tu peux aimé des nouvelles 😉
    Je ne sais pas si j’aurai préféré un roman, je trouve que le fait que les nouvelles soient liées entre elles comme ça donne une vision originale et la ville est vraiment le personnage de cette façon.
    Après, je ne serai pas contre un nouveau tout sur la lune c’est certain!

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  3. De partir du point de vue de la ville et d’en faire le personnage principal, c’est bigrement intrigant! Mais le format recueil de nouvelles ne m’attire pas des masses (j’en ai déjà un petit nombre dans ma bibliothèque qui végète).

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  4. Voilà qui éveille ma curiosité.
    Dans mon esprit, ce livre m’évoquait la fantasy, va savoir pourquoi, les luttes d’influances peut-être. Mais je trouve l’idée de départ assez intéressante. Et au moins le calvaire de lire De la terre à la lune aura eu une raison d’être. En outre, tu as tout à fait raison de souligner le côté « baigné d’une lumière blanche, crue et agressive, lié à l’absence de filtre atmosphérique. Célestopol m’apparaît dans une lumière plus ambrée », cela change.
    La lune revient à la mode dans la SF : Luna, Celestopol et un autre dont j’ai oublié le titre.

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  5. Ca me tente ! Et en même temps, comme d’hab, le format recueil de nouvelles me fait hésiter. Mais ça a l’air pertinent dans ce cas-là, alors ça peut valoir le coup 🙂 J’avais déjà eu une bonne surprise avec Dilvish grâce à toi, donc je note celui-ci et je te donnerai des nouvelles 😀

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  6. […] Célestopol 1922 est le quatrième titre d‘Emmanuel Chastellière auquel je me frotte. Les trois premiers furent des coups de cœur ( L’Empire du Léopard, La Piste des Cendres et Célestopol), les plaçant dans mes modestes Albédo Awards régulièrement. Inutile d’insister sur le fait que mes attentes étaient plutôt élevées, même très élevées car j’avais été particulièrement séduite par l’univers steampunk présenté dans Célestopol. […]

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