ReNaissance de Jean-Basile Boutak

Une question d’optique.

ReNaissance de JB Boutak est presque un texte dystopique, presque car il s’agit avant tout d’une quête entêtée et impossible.

« 2154. Il reste un peu plus de vingt-cinq années à la Terre avant son autodestruction, et autant à l’humanité pour relever son plus grand défi : assurer sa survie.
Une jeune historienne férue d’ésotérisme, entraînant à sa suite un journaliste blasé, se lance en quête d’un fol espoir. Du cœur de l’Auvergne au Tibet, du Roi des Phares aux geôles d’un château, ReNaissance emmène le lecteur dans un voyage initiatique, où l’optimisme prévaut sur le fatalisme. »

Un roman de SF made in France qui promet quelques voyages en dehors du sempiternel contient américain, tentant, n’est-ce pas ?

Soyons direct : il y a guère de chance que les lecteurs de SF chevronnés s’épanouissent avec ce récit; or, un petit périple de la France à l’Asie teinté d’ésotérisme peut séduire plus d’un amateur.

La lecture du prologue m’a laissée quelque peu dubitative : la fin du monde est programmée au jour près, avec une certitude absolue en 2170. Nous pourrions penser qu’il s’agit d’un énorme astéroïde venant remettre les pendules à l’heure sur le grand échiquier de l’évolution, ce faisant, éliminant un prédateur hors du commun. Il n’en est rien, la consommation excessive d’énergie fossile vient expliquer cette absence de futur à moyen terme.

Cette entame risque de crisper certains amateurs de SF et notamment de Hard-SF tant cette hypothèse paraît légère. Malgré ce passage un peu délicat j’ai poursuivi ma lecture, surtout que le premier chapitre s’avère d’un bon tonneau. Nous y faisons la connaissance de Laura, une jeune femme passionnée d’ésotérisme et d’histoire, refusant d’abandonner tout espoir. Cette motivation à fleur de peau associée à son engouement pour l’étude de la spiritualité la conduisent sur une piste, sans doute insensée, mais pour elle tout vaut mieux que l’inaction.

Laura est certes une femme de lettres, mais aussi d’action, ou plus exactement de mouvement. Elle parvient à convaincre Thierry Brankuzi, un journaliste d’investigation de s’associer pour démêler le faux du vrai et de poser un œil impartial les révélations dont ils disposerons.

La fougue de la jeune femme et sa façon de lui tenir tête le convainc de l’accompagner; au pire il bénéficiera de congés, au mieux il espère un article insolite sur la prophétie de l’Oracle de Nechung, au Tibet.

Cette première partie, trajet compris, est agréable, bien construite et pleine d’allant. Nous avons une description d’un futur qui d’un point de vue sciences et techniques est cohérente (les smartphones ont été remplacés par les multitaskers, les moyens de transport sont plus économes,…), ainsi que la vison d’une population écartelée entre désespoir et et folles espérances,….

La relation entre Laura et Thierry fonctionne bien, surtout qu’ils possèdent des caractères assez divergents, mais complémentaires. La lecture tourne assez rapidement sur une voie ésotérique, alors qu’elle débat avec le journaliste de la crédibilité de l’oracle, et de la portée -de la vraisemblance- de la prophétie. Il faut préciser que monsieur est assez hermétique à toute forme de mysticisme, et confond allégrement ésotérisme, bouddhisme avec l’astrologie des programmes TV…. De quoi fournit des dialogues bien amenés, et l’occasion de nous immerger dans cette veine.

Toute cette partie jusqu’à la délivrance de la prophétie tient la route. Et puis, cela a fait patatras pour moi.

« Le Dalaï-Lama récita alors la prophétie :
De sa tour il descendra,
De ses livres elle sortira,
De l’Ouest ils reviendront,
Et donneront un enfant,
Un sauveur à l’humanité. »

Ce n’est pas en soi que je trouve « mauvaise » cette phase de la trame, mais le dénouement me paraît ensuite si limpide et convenu…

Cela n’aurait pu rester qu’une légère déception. Combien de fois lisons-nous des romans de SFFF avec un élu destiné à accomplir une tâche salvatrice? Nous connaissons l’issue du récit, mais qu’importe, le voyage est primordial fait toute la saveur de ce genre d’histoire.

Ce qui m’a laissée perplexe, c’est le Dalaï-Lama leur conseillant de débuter les recherches le plus à l’ouest, et notre duo s’axe sur la façade atlantique de l’Europe (France, Espagne et Portugal). En sus, ils concentrent leur enquête sur une tour physique… Il y a avait tant à faire avec ce postulat. Pourquoi s’arrêter justement en un point aussi précis, l’ouest pour moi est une direction… sans fin.

Bref, Laura et Thierry repartent en France, à la recherche d’un couple potentiellement en mesure d’enfanter le sauveur de l’humanité. S’ensuit un enlèvement, de l’action, des drames et enfin la délivrance. Bien entendu, impossible de se passer des affreux catholiques qui cherchent à empêcher cette prophétie de se réaliser.

Et pourtant, il y a des bonnes idées, une bonne dynamique des personnages, des rebondissements et des ficelles parfois attendues, mais efficaces et surtout une écriture fluide, parlante et fort agréable.

Malgré ma déception, je pense que ce roman peut séduire les lecteurs pas aussi exigeants que ma pomme question SF.

Un texte qui peut être une bonne porte d’entrée en matière de SF. Cette anticipation dystopique est bien rendue, la trame soutenue par un duo détonnant ( 😉 ) et de belles scènes d’action.

Ce livre est pour vous si :

  • si souhaitez une immersion en douceur dans la SF
  • si vous aimez les prophéties et les histoires qui se finissent bien
  • si adorez l’ésotérisme

Je vous le déconseille si :

  • vous êtes un lecteur aguerri en SF
  • si vous n’êtes pas l’ouest – désolée, trop facile… 😉

 

Autres critiques :

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Challenges :
Challenge Littérature de l’Imaginaire – 5° édition
Le livre :
  • 120 pages
  • Les éditions de Londres

 

 

 

 

 

36 réflexions sur “ReNaissance de Jean-Basile Boutak

  1. Ah je connais cet auteur, il était venu poster sur mon blog à un moment. J’avais gagné un ebook et c’est lui qui me l’avait envoyé :p
    Je ne savais pas qu’il avait écrit dans ce registre.

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  2. Mmmh pas totalement emballée par le postulat de départ malheureusement. Et puis j’ai lu un peu trop de bouquins qui nous rappellent que l’avenir de la planète est moisi, ça a tendance à me déprimer un peu 😅 mais ta chronique était très intéressante à lire !

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  3. Pas du tout pour moi. Sachant que je n’adhère pas à l’hypothèse de départ et que le mélange SF et ésotérisme ne m’attire pas du tout (et pourtant je suis loin d’être hostile à ce qui sort des sentiers battus en SFFF, bien au contraire), je vais sans regret passer mon tour sur ce coup là. Merci pour ta critique, en tout cas.

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  4. Je ne lis qu’assez rarement de la science-fiction et ai donc un degré d’exigence moindre par rapport aux amateurs du genre. Sans en faire une priorité, je me laisserais bien tenter par ce roman. Ton avis me donne plutôt envie de découvrir l’intrigue mais aussi les interactions entre les deux protagonistes… Par contre, je ne suis pas très branchée ésotérisme, mais si c’est bien présenté, ça devrait aller.

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  5. Rien que la quatrième couverture m’a fait lever les sourcils bien haut. Le reste de ta critique n’a fait que confirmer mes craintes : poncif, poncif et poncif (pour le guerrier de SF que je suis).
    Le duo improbable vu et revu, ton avis ne dit pas cependant s’ils vont batifoler !
    J’ai l’impression d’avoir une trame de fantasy éculée à la sauce fin du monde SF

    Tu dis dans les commentaires que tu as envie d’un roman plus solaire, je pense que ma prochaine chronique de livre devrait te plaire. Suspense.

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    • je savais déjà qu’il ne serait pas pour toi. Ce n’est vraiment pas le genre de lecture susceptible de te plaire, donc passe ton chemin sans regret.
      Je le conseille comme porte d’entrée en SF, pas pour les vieux routards comme toi, tu rongerais ton os.

      Oh! chouette, une bonne surprise à l’horizon…. 🙂

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  6. Un grand merci pour cette lecture !
    J’aurais dû en effet préciser que ce n’était pas pour les amateurs de hard-sf (comme globalement, tout ce que j’écris dans le genre), je vais en tenir compte à l’avenir. C’est une affaire de goût, la hard-sf m’ennuie souvent. J’aime écrire des histoires qui ne sont pas forcément pour les amateurs du genre, et si j’essaie que ce que je raconte soit crédible, je ne suis pas pointilleux sur le côté scientifique des choses, je l’avoue.
    Pour le reste, je prends note pour l’avenir de cette critique bien construite, argumentée, et équilibrée, malgré votre déception.
    C’est également très instructif de lire les réactions de vos lecteurs à votre critique, et les raisons pour lesquels ils ont ou pas envie de lire le livre.
    Encore merci !

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    • Oui, c’est une affaire de goûts mais aussi d’expérience dans la lecture, et la SF est sensible à notre parcours de lecteur.
      J’ai beaucoup aimé la fluidité de votre écriture.
      Pour les réactions, mon blog est axé sur la SF (FF), alors forcément le microcosme est familier, voire très familier du genre. 🙂

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      • Les genres, d’une manière générale si j’ose dire, sont sensibles à cela. Un lecteur assidu (je dirais même spécialisé) de romans policier va également avoir des attentes particulières, tiquer sur certaines choses. Et il y a en quelque sorte l’équivalent de la hard-sf, avec des récits où la procédure policière est davantage décrite et fidèle à la réalité.
        En ce qui me concerne, je suis un lecteur de SFF (très peu de fantasy), avec des influences assez classiques (certains diront peut-être d’un autre temps) : Stefan Wul et Asimov, en particulier. Mais je lis de tout, excepté de la poésie, grosso modo, sans aucune dominante. D’ailleurs, si la plupart des textes que j’ai écrits appartiennent à la SFF, je suis éditeur… de romans noirs et de policiers (mais je me suis occupé également de textes « hybrides »).

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  7. J’aime bien ces atmosphères « pré-apocalyptique », comme Robert-Charles Wilson, dit Le Grand Wilson ^^, sait d’ailleurs nous en faire. Mais là au vu de ton article, j’ai clairement peur d’être déçu.
    Estimes-tu que l’ambiance est réussie ? Se sent-on vraiment à l’orée de la fin du monde ?

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