The Autumn Republic de Brian McClellan

Les Poudres-Mages, Tome 3

The Autumn Republic est le troisième et dernier tome de la trilogie des Poudres-Mages de Brian McClellan. Cette trilogie combine plusieurs aspects de la fantasy : politique, militaire, « gun and powder », historique, d’investigation sans oublier différentes magies de la discrète à la spectaculaire.

Ce troisième tome fait suite à The Crisomn Campaign et seuls quelques jours — voire semaines — se sont écoulés depuis que nous avions quitté nos compagnons de route impliqués dans des situations délicates. Cet opus débute ainsi sur des charbons ardents, le lecteur s’immergeant immédiatement au cœur de l’action. Pas de temps mort, pas chichi ou de manœuvres dilatoires, Brian McClellan ne nous prend plus par la main.

J’avoue que la sensation s’avère savoureuse et les retrouvailles jubilatoires.

Je vous invite à consulter mes chroniques sur les deux ouvrages précédents pour vous familiariser avec cet univers et ses magies (La promesse de sang et The Crisomn Campaign). Pour racourcir cette brève introduction,  l’auteur a réécrit l’Histoire de la Révolution française, zappant au passage la période de la Terreur, et confrontant un pays régicide aux monarchies environnantes en colère et craignant la propagation d’idées si dangereuses.

Quatre systèmes de magie cohabitent : Les Privilégiés pratiquent un art « classique » en puisant l’énergie nécessaire aux sorts dans l’Ailleurs (The Else). Les Poudres-Mages basent leur puissance sur la poudre noire, les doués possèdent un talent (mémoire parfaite, pas besoin de sommeil, détecteur de mensonges…) et enfin existent les tenants d’une thaumaturgie d’inspiration vaudou.

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Les premiers chapitres sont intenses alors que Taniel et Ka-Poel sont pourchassés dans un dédale de gorges par des soldats d’élite de l’Empereur Ipille de Kez. Les patrouilles quadrillent le secteur avec efficience, exigeant dès lors du duo les plus grandes prudence et concentration. Un coup du sort, une erreur ou encore une broutille provoqueraient leur perte or, les jours passants, la fatigue s’accumule et le scénario devient plus probable.

Bien que l’auteur ne soit pas un double maléfique de G. G. R. Martin, et que nul personnage d’envergure n’ait connu de sort funeste, rien ne nous dit que le duo en sortira indemne. Cette incertitude procure une tension palpable, prenante, rendant tous ces passages fort captivants.

Cette inquiétude est partagée par le Field Maréchal Tamas pour lequel l’absence de nouvelle est un poids psychique important, s’ajoutant aux épreuves et blessures traversées en territoire ennemi. Le soulagement tant espéré en rejoignant les lignes d’Ado avec les restes de ses deux brigades fut de courte durée. À la déliquescence de son armée ainsi que la position stratégique bancale des troupes, s’ajoute la trahison surprise d’un de ses hommes de confiance.

Les seuls points positifs dans cette situation résident dans le ralliement du pays voisin Deliv et son renfort de 50 000 hommes ainsi que la présence de ses Privilégiés.

Tactiquement, la bataille face aux Kez est loin d’être remportée, et il va falloir compter sur le génie de Tamas pour éviter une déroute qui s’annonce plausible…

Brian McClellan ne ménage pas ses protagonistes principaux. Si ces deux volets s’avèrent intenses et d’issue incertaine, que dire de la situation politique d’Adopest, la capitale ?

Charlemund a débarqué à la tête d’un lourd détachement de Brudarians et s’en est emparé dans la douceur. Désormais, il revendique le poste de Premier ministre d’Ado, se proposant d’éjecter de fait le conseil dont Ricard Tumblar fait partie.

Ainsi posée, cette description des diverses situations de nos personnages n’incline pas à l’espoir, le tout paraissant bien complexe et dense. Je ne peux pas infirmer ce fait, car c’est le cas. Cela dit, nous en sommes au troisième tome de la trilogie. Les protagonistes nous sont dorénavant familiers, le conflit entre Kez et Ado compris, les tenants et aboutissants restent opaques, mais les enjeux apparaissent limpides et pour finir, les systèmes de magie sont « acquis ». Quelques zones d’ombre persistent ici ou là — heureusement — mais le lecteur n’est pas perdu; il est emballé, impatient de dévorer la suite et de connaître l’épilogue de cette aventure passionnante.

Toutes les trames ne sont pas liées, mais participent à la dramaturgie d’ensemble et au souffle épique qui illumine ce dernier volume. Ainsi la position précaire de Taniel apparaît secondaire à l’histoire globale, et pourtant, le lecteur se doute que sa présence dans la résolution de l’intrigue principale sera prépondérante (le volet historique et politique d’Ado). Il en va de même avec les investigations de l’inspecteur Adamat qui semble se dérouler à la marge, charpentant surtout l’univers et enrichissant le monde construit par McClellan. C’est ce que j’ai cru tout au long des deux premiers tomes, car celui-ci se bat pour retrouver sa famille aux mains d’un maître chanteur. En fin de compte, sa trame se mêlera à l’intrigue principale avec brio.

Je peux encore citer le sort de la lavandière Nila qui cache sous ses jupes plus d’un tour et qui s’avère un personnage captivant, avec une évolution tout au long de ses trois tomes tout à fait satisfaisante. Initialement, je n’étais pas emballée par les passages de son histoire, si en retrait des intrigues principales… Diable ! Cette jeune femme ne laisse pas sa part aux lions !

L’évolution des protagonistes est un des points forts de la trilogie. Généralement (sans être rare), ce n’est pas un axe de construction des romans (sauf les quêtes initiatiques, et encore). Trop souvent, les héros sont à la fin peu ou prou ce qu’ils étaient initialement. Certes ils achèvent l’aventure avec une expérience accrue, des traits de caractères plus ou moins affirmés, mais il demeure rare d’assister à un véritable voyage, un changement profond de leur appréhension du monde.

Brian McClellan nous offre ces progressions personnelles si bienvenus.

Tamas était déjà un héros charismatique et nuancé, avec un background solide et une construction élaborée. Nous avons suivi cet homme sûr de lui, talentueux avec un rêve et des aspirations. Il s’est mué au fil des chapitres en un guerrier fatigué, rongé par les doutes, épuisé par les combats, faillible et bien plus attachant.

Taniel, son enfant unique, vivait dans l’ombre écrasante de son père. Il s’affiche comme un personnage dans la lignée des fils à papa : arrogant, habitué à user de certaines prérogatives (indues), doué, cachant une véritable vulnérabilité, mais agaçant. Il atteint un niveau suffisance telle qu’il passe en cour martiale pour insubordination dans le tome 2. Et à partir de là, un homme va prendre la place de ce rejeton, plus amer certes, mais plus ouvert aussi, plus mature et clairvoyant.

Comme je l’ai signalé plus haut, Nila est celle qui bénéficie le plus de cette aventure, et à tous points de vue. La lavandière découvre un potentiel de Privilégié hors du commun, et sa basse extraction va la conduire à considérer ses pouvoirs avec des devoirs ainsi qu’une réserve certaine. Elle a toujours possédé une force de caractère mais peu à peu celle-ci s’affirme. J’ai particulièrement apprécié la façon dont l’auteur parvenait à renforcer ce trait tout en nuançant une vulnérabilité nouvelle. Nila s’approprie ses pouvoirs avec incertitude et même répugnance, alors qu’elle éprouve de la peur et de l’appréhension devant son changement de statut et de stature.

Adamat, Ricard Tumblar, Fell, Bobadord, Vlora, Olem, Cheris, Adom… mériteraient un paragraphe.

Le rythme est tout aussi bon que lors des deux premiers, de rares temps morts permettent une respiration bienvenue. La plume est toujours aussi efficace et prenante. Et surtout, Brian McClellan parvient à boucler toutes ses trames dans une intrigue historique tout à fait passionnante. La fin tout en douce amertume est parfaite.

The Autumn Republic est une conclusion en feux d’artifice à cette trilogie captivante qui réécrit avec brio la Révolution française dans une veine Flintlock. Cela sent la poudre à canon, les rebondissements, les heures de bravoure tout autant que les sombres complots politiques et les pots de vin distribués sous le manteau. Impossible de s’ennuyer en compagnie de mages de tout poil, de divinités acariâtres et de ces personnages plus ou moins subtils, humains surtout. Et faillibles.

Conquise, je fus. Au revoir Ado !

Cette trilogie est pour vous si :
  • vous souhaitez lire une histoire épique
  • vous adorez les univers fouillés et les personnages soignés
  • vous adorez Les Jardins de la Lune
En revanche, déconseillé si vous :
  • êtes royaliste
  • n’aimez pas suivre plusieurs trames parallèles
  • n’aimez pas la dark fantasy
Autres critiques :

Le culte d’Apophis –  L’ours inculte

Challenges :
Challenge Littérature de l’Imaginaire – 5° édition

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Le livre :

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  • 624 pages
  • 7 janvier 2016
  • broché : 11,98€
  • e-book : 7,49€

12 réflexions sur “The Autumn Republic de Brian McClellan

  1. Tout à fait d’accord avec cette (excellente) critique ! Tout à fait en phase aussi avec ta réflexion sur l’évolution des personnages comme axe de construction, d’autant plus que j’en parle dans ma critique du tome 4 de The shadow campaigns publiée en même temps que la tienne (les grands esprits se rencontrent !). On peut d’ailleurs remarquer deux choses : d’abord que cet axe plutôt inusité semble récurrent en Flintlock, et que même s’ils partent sur des bases relativement similaires, ces deux cycles phares de ce sous-genre ont toutefois des différences. Si McClellan fait l’impasse sur la Révolution et (en partie) la Terreur pour se concentrer sur leurs conséquences, en revanche Wexler suit (au moins des tomes 1 à 3) un plan minutieux : campagne d’Égypte –> Révolution –> Terreur, avec une minutieuse description de chacune de ces phases.

    Pour ma part, j’attaque le second cycle de McClellan dès janvier, il est réputé encore meilleur que celui des Poudremages ! (par contre, sniff, le tome 2 a été repoussé de mars à mai).

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    • Cette évolution/construction des personnages et vraiment sensible dans ce tome 3. Ils n’ont pas une personnalité bien travaillée mais figée, l’auteur les marque dans leur psyché.
      C’est un des aspects qui m’a vraiment convaincue dans ce roman, et que je trouve finalement meilleur que les deux autres, car cela a été pensé en amont, se répecutant surtout là. Et c’est logique tout en restant humain.
      Du beau travail.

      Pour les Wexler, non seulement l’aspect fidélité historique me convainc mais l’évolution des personnage aussi.

      Je ne dirai pas (encore) qu’il s’agit d’un trait propre à la Flintlock, car j’attends de voir ce que nous propose Jemisin. Mais il s’agit clairement d’un trait majeur dans cette fantasy outre-atlantique si dynamique et créative.

      Oui, j’ai vu que Sin of Empire est jugé meilleur encore.

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      • Malheureusement non :-s Je n’ai jamais tenté et j’avoue que je n’ose pas trop me lancer : j’ai peur de passer à côté d’une bonne histoire juste parce que je n’ai pas un niveau suffisant pour me détacher du texte… Il faudrait pourtant, je me rends compte que je passe à coté de beaucoup de romans supers. Il faut juste que je me motive un peu ^^

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