Au champ du déshonneur – HH4 – David Weber

Un procès sous haute tension!

Honor Harrington, tome 4

L’Atalante

Ce n’est pas la première fois qu‘Honor Harrington a l’honneur de ce blog. Je ne cache pas mon plaisir à lire ses aventures militaires et sciences-fictives dans cette série qui met en avant une femme de caractère comme héroïne. La seule pour une saga d’envergure à avoir osé franchir le pas pendant de longues années. Il s’agit en outre, d’un cycle qui n’a aucune prétention autre que le divertissement de qualité, l’émerveillement « visuel », quelques poussées d’adrénaline ainsi qu’en filigrane la promotion des femmes.

« La guerre éclair de Havre a échoué. Le Royaume de Manticore dispose d’un répit. Alors les dissensions internes remontent au grand jour, qui saisissent pour enjeu le procès en cour martiale de Lord Pavel Young, accusé de désertion en présence de l’ennemi.

Le capitaine de vaisseau Honor Harrington se retrouve bien malgré elle au cœur d’une crise politique. Et, seule devant une machination diabolique fomentée pour la détruire, elle devra marcher sur le champ de bataille d’une guerre privée qui n’a que deux issues possibles : la mort ou le déshonneur.« 

Ce quatrième tome est une suite directe d’Une guerre victorieuse et brève. Autant prévenir tout de suite, ce roman ne contient pas de batailles spatiales dans lesquelles sévit notre Capitaine préférée. Pour autant, j’ai trouvé le récit nerveux et prenant, doté d’une intensité marquée.

Lors des événement précédents, la Flotte Manticoriennne a réussit un coup de maître à la station Hancock, notamment grâce à l’intervention de Harrington et la stratégie de l’Amiral Snarnow. Ce fut toutefois un combat âpre qui a dévoilé les intentions et la traîtrise de Pavel Young, ennemi déclaré d’Honor. Celui-ci fut donc placé en détention en attendant son procès en Cour Martiale pour fuite devant l’ennemi.

Au champ du déshonneur relate donc la court martiale de l’antipathique officier, fait qui ébranle profondément l’amirauté mais également le gouvernement. Forcément Pavel Young fera tout ce qui est en son pouvoir pour discréditer cette femme qu’il juge inadaptée au poste et aux responsabilités, avec en ligne de mire s’extraire de ce mauvais pas. A son actif, quelques amis et relations misogynes se feront un joie de contribuer à cet édifice cherchant à saper l’avenir d’Honor et vraisemblablement celui des femmes qui pourraient lui succéder.

De son côté, Harrington s’apercevra qu’elle bénéficie de quelques soutiens dont un de taille à travers le Comte White Haven.

J’ai trouvé ce tome passionnant et pas seulement en raison de son féminisme déclaré et de ce parti-pris fort. Ce volume a été écrit en 1994, cette date permet de se rendre compte de son côté précurseur en SF militaire, et même SF tout court – quand je pense qu’on oublie de souligner tout cela…

L’aspect procès est remarquablement bien mené, avec toutes les tractations entre les parties – et partis – la recherche de soutiens, les coups-bas, les surprises de taille, les déconvenues, les rebondissements. Les américains savent écrire des romans « judiciaires », il existe une culture ancrée dans de nombreux auteurs et cela se sent. Bien entendu, le système judiciaire s’apparente beaucoup à la culture anglo-saxonne, USA et britanniques réunis. L’avantage indéniable réside dans la familiarité qui baigne le lecteur avec la plupart des procédés et des procédures, et permet d’apporter un aspect cohérent à l’ensemble. C’est intense car les opposants d’Honor sont habiles, et de son côté, malgré ses talents et son expérience militaires, elle se trouve assez démunie.

En outre, grâce Au champ du déshonneur, David Weber enrichit son univers sur le plan militaire ET civil.

En effet, il y a également un changement « de portage », si je puis dire, concernant la saga. Je trouve l’univers bien plus fouillé, l’aspect martial assumé et marqué dans les premiers opus est un peu plus en retrait pour laisser la place au développement des personnages – les principaux mais également les récurrents. Et si, l’influence anglo-saxonne de la justice (militaire) est évidente, David Weber n’en développe pas moins un système propre à Manticore. Les mécanismes gouvernementaux apparaissent aussi plus nettement avec un gouvernement à deux chambres, tout en conservant une petite touche vintage fort agréable.

Le point fort de ce roman réside dans l’émotion procurée. Le lecteur vibre au diapason de son héroïne, il souffre avec elle, se ravit pour elle, désespère en sa compagnie, souhaite démolir le Pavel pour elle, l’éclater façon puzzle, le réduire en charpie, le bouffer accompagné d’un verre de chianti,… Les crises d’angoisse nous attendent au prochain détour, et c’est avec rancœur et un certain soulagement que nous refermons ce chapitre. Weber réussit avec brio à remuer les tripes de son lecteur, et ce avec une belle justesse de ton et même de la délicatesse.

Bon, tout n’est pas parfait, car nous avons quelques longueurs (début un peu lent), des descriptions techniques superfétatoires, mais ce tome marque à mon sens une dynamique autre et plus complète concernant la série, pour notre plus grand bonheur.

Au champ du déshonneur est un tome franchement féministe, qui délaisse pour un temps les batailles spatiales pour se concentrer sur Honor Harrington. David Weber parvient à la rendre plus attachante encore, en jouant parfaitement sur l’empathie du lecteur avec une palette d’émotion qui va de l’amour à la haine, de l’admiration au mépris. Un excellent tome.

En aparté, j’insiste sur le fait qu’il s’agit de SF militaire. Mais quand je vois que même M. Gobillon des éditions Lunes d’Encre présente Ninefox Gambit comme de la « SF militariste mais pas que« … je sens que le combat est loin d’être gagné tant la présence d’un uniforme et du décorum l’emporte sur l’analyse du contenu. Surtout que pour le roman de Ya Hoon Lee, le terme est vraiment mal adapté aux saveurs du récit.

Ce roman est pour vous si :
  • vous êtes fan de SF militaire
  • vous avez aimé Lazare en Guerre, La Flotte Perdue
  • vous souhaitez un univers dense, riche, travaillé
En revanche, déconseillé si vous :
  • êtes anti-militariste
  • n’aimez pas les structures étatiques
  • avez un pseudo canin ou lémurien
Autres tomes :

Tome 1Tome 2Tome 3

Autres critiques :

Lianne L’Ours Inculte

Le livre :

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  • 440 pages
  • L’Atalante
  • 27 novembre 2001
  • Broché : 21€
  • e-book : 6,99€ SANS DRM

23 réflexions sur “Au champ du déshonneur – HH4 – David Weber

    • Oui! Tout à fait!
      Les chiens se réfugient dans n’importe quel recoin dès qu’ils entendent un pétard (canon, fusil ou feu d’artifice). Alors, je pense que c’est la raison principale de ce désamour! LOL

      Ah, mais il faut aimer au moins un peu la chose militaire.! 🙂

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  1. C’est le tome où le côté purement militaire est le moins présent, mais pourtant c’est un de ceux qui m’a le plus marqué. Le suivant est aussi riche en émotion (et également light côté militaire) avant un retour à l’action dans le 6. Très bonne critique, en tout cas 🙂

    Concernant la déclaration de Godbillon, elle ne me rassure pas du tout concernant les choix éditoriaux futurs de Lunes d’encre sous sa direction (ce qui est annoncé pour 2018 relève encore de l’ère Dumay en majorité, sinon en totalité). Longue vie à l’Atalante et à la lecture en anglais, seuls pourvoyeurs fiables de SF militaire (terme factuel) pour un français !

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    • Merci! 🙂
      Je comprends désormais pourquoi tu me disais que tu aimais beaucoup ce tome et que j’allais apprécier.
      Vraiment une bonne pioche et j’espère en lire d’autres au cours de mon voyage dans l’Honorverse. 🙂

      Moi, perso, j’ai bondi dans tous les sens! La future ligne de LE est du coup plutôt inquiétante, effectivement. SUrtout quand j’ai lu que Ninefox était militariste. Tu comprendras pourquoi je suis « émue » quand tu l’auras lu. Mais si c’est militariste, je n’ai plus de qualificatif pour nos séries de sf militaires…
      Je me demande ce que sera la ligne éditoriale de LE, j’aimais bien ce que faisais Gilles Dumay. Heureusement il nous a donné déjà 3 bons romans sur lesquels nous pouvons baver….

      Oui, vive l’Atalante!

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    • Le tome 3 n’était pas mal. j’avais bien aimé surtout la fin. Celui-ci est vraiment un peu différent et creuse les personnages.
      Les plaisirs sont variés et corsent un peu les choses! 🙂

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  2. J’ai eu le même ressenti que toi à la lecture de ce tome, dont le ton bien différent des précédents arrive au moment parfait, car après quelques batailles spatiales et manigances des méchants, je me demandais bien ce que Weber allait nous pondre! Je suis en train de lire le premier tome de l’encyclopédie concernant l’Honorverse, la Maison d’acier, une masse d’informations hallucinante et pour un rôliste, une sorte de manne céleste!

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  3. J’ai l’impression que la rubrique « En revanche, déconseillé si vous » a été écrite en partie pour moi !

    Je ne pensais pas que cette saga était si vieille, donc c’est tout à l’honneur de David Weber d’avoir choisi une héroïne pour de la SF militaire. A l’époque, cela a du faire grincer quelques dents.

    Sur le terme de SF militaire ou de SF militariste, je ne peux dire n’ayant pas lu les romans, mais au final, cela reste la même merde ! (je sais, je sors)
    Ma liseuse est toujours autant anti militariste, même si ce roman se rapporterait plus à de la SF judiciaire.

    Et maintenant, je ne sais plus si je suis anti militaire ou anti militariste. Bien que j’aie la nette impression que les deux termes pourraient me convenir…

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    • Tiens, tu as eu cette impression?….. LOL

      Si cette saga a débuté il ya un quart de siécle est est souvent jugée en fonction de notre monde d’aujourd’hui. On oublie souvent que lantagonisme URSS/USA était encore tr§s fort, et que le changement de paradigme avec la Russie n’était pas encore opéré.

      Dans les premiers tomes, David Weber est encore influencé par ce conflit de guerre froide. Et les deux camps de son univers s’opposent sur un modèle URSS/occident. Aujourd’hui le cycle est jugé -bien souvent- sans prendre en compte ce contexte et fausse évidemment toute l’appréciation car on peu lire une prose politique qui est sans doute existence PAR DEFAUT, mais pas rechercher pour délivrer un message politique.

      Dès 1994, il commence à changer d’orientation, et si les premiers tomes étaient inspirer par Révolution française+ URSS, là on voit clairement qu’il s’oriente vers la période de la Terreur française. Après, on pourra penser ce que l’on voudra du soit, mais je ne crois pas que ce fut une période très glorieuse et très juste.
      C’est une saga que je trouve de plus en plus féministe, et oui, les dents on du grincer un paquet de fois.

      Oui, sors!!! 😉

      Disons que ce qui me déplaît avec le terme militariste c’est sa connotation péjorative, avec une tendance fasciste au mieux… Et je n’oublie pas qu’au minimum il s’agit d’une façon de glorifier la chose militaire et de le présenter comme la panacée. Or, je n’adhère pas à ce courant. Ici, c’est de la SF militaire, une héroïne dans un milieu militaire qui justement est misogyne, parfois court de vue,…. Difficile de dire que l’on glorifie le comportement militaire et l’uniforme sous toutes ses coutures… Donc, non HH n’est pas militariste.

      Oui, tu es anti-militariste, pas anti-militaire. Tu n’as pas envie de me sauter au coup, tu ne me fermes pas la porte de ton blog, tu es ouvert à la discussion alors que je fus militaire pendant un bon bout de temps. Les deux ne te conviennes pas. Mais inutile de torturer avec ce genre que de toutes manières tu n’aimeras pas! 😉

      Le roman reste de la SF militaire malgré sa grosse nuance judiciaire.

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