Le Baron Noir d’Olivier Gechter

Les mystères de Paris, sauce steampunk!

Mnémos

Le Baron Noir est un recueil composé de deux novellas et d’un roman court, tous centrés sur le personnage titre.

Antoine Lefort, jeune homme fortuné, est à la tête des entreprises Lefort, un mastodonte dans le paysage économique de cette France de 1864.  A cette époque, Louis-Napoléon Bonaparte dirige le pays, mais contrairement à ce que nous enseignent nos manuels scolaires, il n’est pas le premier Président de la République (ni le premier homme élu au suffrage universel), c’est honneur revient à l’habile Charles Maurice de Talleyrand.

Sans doute êtes-vous surpris par ces « contorsions » historiques, et vous me diriez de réviser mes bases sur l’Histoire de France. Mais, voilà, Le Baron Noir nous offre outre une aventure de « super-héros » steampunk, une légère uchronie qui participe grandement à son charme.

En effet, c’est au détour d’une phrase dans la première novella que nous apprenons la nouvelle surprenante de la mort de Napoléon I°, le 2 décembre 1805 à la bataille des Trois Empereurs (Austerlitz). Après un temps de régence assez bref ainsi qu’une guerre de succession finalement assez courte, la France réussit à se doter de sa deuxième République dès 1813. Par conséquent, exit les révolutions de 1830 et 1848; notre pays s’épargne les périodes d’instabilité, et savoure les bénédictions d’une énergie déployée sur l’essor national. Les sciences et les technologies en sont les principales bénéficiaires, alors que l’Hexagone connaît un demi-siècle doré où le progrès technique est fulgurant. A tel point que l’aviation basée sur le plus lourd que l’air (aéroplane) – à contrario du plus léger que l’air (dirigeable) – pourrait voir le jour avec de l’avance… de quoi révolutionner l’avenir.

Cette parenthèse uchronique et historique permet de vous situer le contexte des événements et des aventures d’Antoine et de son alter ego Le Baron Noir; aventures qui tournent autour d’objets et d’artefacts technologiques. Ainsi, Oliver Gechter s’assure-t-il de ne commettre aucun impair quant aux technologies mises en œuvre tout en patinant son cadre d’une agréable ambiance steampunk.

L’autre avantage de ce choix ingénieux consiste à se poser en héritier du roman populaire du XIX° siècle – avec un temps d’avance 😉 – et d’injecter dans le récit cette atmosphère positive et bienveillante que nous pouvons lire dans des récits de Maurice Leblanc ou de Jules Verne (mais aussi E. Rostand, E. Sue,…),  tout en la modernisant dans le rythme, le ton et le rendu. Effectivement si Le Baron Noir, s’inspire de cette veine romanesque, le livre est bien ancré dans notre « modernité ». Je ne serai pas étonnée qu’il ne prenne pas de ride les années passant.

Revenons, à notre protagoniste principal, un homme à la tête d’une entreprise florissante et innovante. La nuit, il joue au redresseur de torts, avec une panoplie à mi-chemin entre l’armure et la machine à vapeur. Un ingénieur aéronautique, Clément Ader (oui, oui, le pionnier de l’aéronautique) participera à améliorer les gadgets du Baron Noir, combattant nocturne, noctambule et nyctalope du crime. Le vieil Albert, son fidèle majordome s’avère également un compagnon et une ressource de choix. Son passé ajoute quelques cordes à son arc qui seront fort utiles pour le justicier masqué…

Quoi? Je vous fait penser à Batman ?

Le rapprochement n’est pas du tout accidentel; Olivier Gechter joue cette carte avec audace et efficacité. Son Baron Noir précède l’américain de près d’un siècle et n’a rien à lui envier à la vue du contexte. Soyons chauvin, si la chauve-souris s’oppose à de très fortes parties avec une panoplie digne de la NASA, notre chevalier servant se montre résolument entreprenant et réfléchis (enfin presque). Il ne s’agit pas d’une resucée surfant sur le succès des comics, mais d’un emprunt fort mis en valeur, avec son originalité propre et une veine purement française. Et j’ai trouvé culotté d’associer à Antoine Lefort, un majordome dénommé Albert, en référence au Alfred de Bruce Wayne.

Même les antagonistes de notre justicier entre en résonance avec les adversaires du Batman (le vautour, Catwoman,…)

Il y a quelques facilités scénaristiques (la fenêtre ouverte, la fille ligotée sur le lit, le coup de carabine, la batterie dans l’atelier,…), ficelles un peu voyantes, mais le tout fonctionne parfaitement et ne cherche pas à cacher sa filiation.

Passons au contenu du recueil :

  • L’ombre du maître-espion

Un première aventure qui permet de découvrir notre héros, lors de cette « mission » de contre-espionnage mâtinée de magie. L’oiseleur est un adversaire à la griffe acérée, surtout accompagné d’un bataillon ailé. Une mise en selle agréable et menée tambour battant.

  • Bel Ange

A la suite de l’effraction de l’Oiseleur dans l’Hôtel des industries Lefort, le déménagement des bureaux d’études et de l’ingénierie sensible était incontournable. Le plateau de Satory (que je connaîs bien 😉 ) accueille leurs nouveaux locaux. Malgré cette précaution, Antoine n’est pas serein car une nouvelle venue s’invite dans la danse, la mystérieuse et insaisissable Bel Ange.

La situation dans la capitale est devenue moins souriante avec des révolutionnaires qui comptent supprimer Bonaparte de la carte. D’ailleurs, leur dernier coup d’éclat a bien failli réussir lors de la première représentation Des Misérables du Maître (pas Federer) Victor Hugo. Le Président s’en est certes sorti indemne, mais le bilan du théâtre reste lourd et traumatisant.

A cela s’ajoute, le défi lancé par Louis-Napoléon : doter  Paris d’un réseau de transport rivalisant avec le métro de Londres.

L’espionnage industriel est un danger, tout autant que les pulsations politiques violentes, il est donc temps pour le Baron noir de chausser ses bottes et son armure et d’écarter la menace Bel Ange.

Un récit palpitant qui ne se résume pas à une opposition entre un justicier et son adversaire. Les divers développements politiques, techniques, et sociétaux enrichissent agréablement cette novella.

  • La bataille de Cherbourg

Ce court roman m’a ravie car l’histoire uchronique rejoint les événements de l’époque outre -atlantique. L’action est toujours au rendez-vous, tout comme l’espionnage industriel et les développements organisés auparavant. Une petite pépite. Bref difficile d’en dire davantage sans dévoiler de trop.

La promesse d’aventure, du divertissement intelligent et de l’humour est tenue. L’uchronie est un plus conséquent pour le lecteur qui s’attache au cadre ainsi qu’ à l’intrigue, et se régale de déceler tous les petits changements. L’objet-livre en lui-même est réussi et particulièrement séduisant, il n’y a aucune raison de s’en priver.

Ce livre est pour vous si :
  • vous aimez les romans d’aventure
  • vous êtes cuireux de découvrir un justicier masqué
  • vous êtes fan de Verne, Sue, Rostand, Leblanc
je vous le déconseille si
  • vous êtes allergique à l’uchronie ou au steampunk
  • vous n’aimez pas Batman
  • vous n’avez pas d’affinité avec le romanesque du XIX°.

 

Autres critiques :

Chez mon Troll de cœurLe chroniqueur

Le livre :
  • 20 avril 2017
  • 386 pages
  • 24,50€

47 réflexions sur “Le Baron Noir d’Olivier Gechter

  1. Batman ? Une fille attachée sur un lit ? Ah ben ça me parle déjà un peu plus, ça ! (c’est marrant, on a fait la blague sur le Maître -non, pas Federer- en même temps dans nos critiques respectives de ce soir 😀 ). Merci pour ta critique !

    (par contre, le Vautour c’est chez Marvel, pas DC, et c’est l’adversaire de Spiderman, pas Batman 😉 ).

    Aimé par 2 personnes

  2. Cela a l’air raffraichissant mais mes connaissances historiques vont me faire passer à côté du côté uchronique.
    Je garde néanmoins le titre dans un coin de ma tête au cas où.

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  3. Whaou, tu es productive ces derniers temps ! 🙂 Ca me fait plein de chroniques à lire, ce qui est une excellente nouvelle 😉
    Je n’ai jamais vraiment le réflexe de lire du format novella, en réalité… Je ne sais pas vraiment à quoi ça tient. Mais il faudrait que je tente un jour !

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    • J’ai quelques chroniques en retard alors j’essaie de suivre mon « actualité » et de le combler… 🙂

      Le format nouvelle n’est pas ce que je préfère, et dans ce numéro, je trouve que nous avons un panel assez représentatif. Avec très courte et percutante. Une qui est centrée sur un sujet intellectuel, une autre qui réussit à procurer des remous,…
      Oui, il faut tenter un jour! 🙂

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  4. J’ai considéré le court roman comme une novella, pour simplifier la classification sur mon blog. Après tout, à présent certains considèrent que c’est à partir de 200 pages… Mais mon esprit de précision qui me dit que la limite d’une novella est à 40 000 mots n’arrête pas de me faire hésiter depuis sur si j’ai bien fait. Et puis, simplifier la classification, ça a jamais été vraiment le propre de mon site…

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