Binti : The Nigth Maquerade – Nnedi Okorafor

Binti, tome 3.

Lecture VO

Je vous présente le dernier tome de la trilogie Binti de Nnedi Okorafor, un auteur découvert un peu par hasard, à la plume enchanteresse et la créativité pleine de tonus.

Nnedi Okorafor est une américaine d’origine africaine ayant remporté un prix Hugo (2016) et un prix Nebula (2015) pour le roman court : Binti.

Si dans le premier tome, la résolution de la trame restait assez classique et même simple, la créativité de l’écrivain, la place des maths et la thématique du racisme traité avec nuances m’avait enchantée. Home, le deuxième volume m’avait épatée en raison d’un virage bien plus mature, conservant toujours un petit quelque chose de subtil et positif dans le traitement de ses thématiques.

Il va de soi que la lecture de The Night Masquerade s’imposait…

Précédemment dans Binti…

A ce stade, quelques éléments de l’intrigue sont obligatoirement dévoilés.

Binti est une Master Harmoniser. Ce terme se comprend aussi bien dans le sens du réglage que celui plus scientifique lié aux harmoniques. Pour ces talents, elle a été reçu à la prestigieuse université de Oozma située sur une autre planète.

Lors du voyage, leur fish-vaisseau est abordé par une troupe de Méduses belliqueuses qui tue tous les passagers (futurs élèves) et membres d’équipage, sauf Binti, protégée par son edan, un artefact ancien avec lequel elle entretient une forme de symbiose (mathématique). Elle s’en sort et devient un émissaire de ces belligérants – le chaînon manquant entre Méduse et humain. Les aliens lui ont offert un présent ; une manipulation qui à insérer de l’ADN ET dans ses gènes.

La première année au sein d’Oozma s’écoule paisiblement, en compagnie d’Okwu; le représentant du peuple Méduse ayant intégrer les rangs étudiants en signe de bonne foi. Mais si la jeune femme est physiquement remise; psychologiquement, l’histoire est tout autre. Elle souffre d’un stress post-traumatique important et souhaite rentrer chez elle, sur Terre pour se reprendre.

L’accueil sur place est à la fois chaleureux et réservé, en raison de son rôle, d’une part et de sa fuite en pleine nuit, d’autre part. Sa famille penche vers une attitude mitigée, car, ayant abandonné son peuple, elle est devenue une paria aux yeux des us locaux.

C’est alors qu’en pleine nuit un personnage de légende dans la culture Himba lui rend visite, signe fort d’un destin en marche, The Night Masquerade. Ce jour même le peuple du désert l’invite à cueillir son héritage culturel en plein désert. Malgré l’opposition – ou en raison de la réprobation de des sœurs aînées – Binti se joint à eux. Elle découvre les origines de son affinité avec les maths et de son étrange artefact edan. Elle est une descendante de cette même tribu par son père dont la particularité réside dans un sang contenant des nano-organismes…

A partir de cet instant, les événements se précipitent et les haines ressurgissent. Les Koush s’en prenne à Okwu et à la famille de Binti.

Une SF solaire, créative mais un traitement un peu trop dans la facilité

Dans le second tome Home, la justesse de traitement m’avait franchement séduite par la sensibilité de la plume, les nuances profondes affichées sur une thématique difficile, le racisme, l’exclusion et le stress post-traumatique. Pour ce dernier volume, je ne peux louer autant la réalisation.

The Night Masquerade affiche les mêmes qualités et limites que le premier tome.

L’approche choisie au niveau des mathématiques flirte avec de l’ésotérisme. Binti développe une relation avec la matière assez unique, une faculté d’entrer en transe mathématique durant laquelle tout est fluide, paisible, limpide. Nous avons une explication rationnelle à ce phénomène qui tient en la nanotechnologie. Jusque là, tout va bien.

La créativité est au rendez-vous et se rencontre à travers de petites touches exposées ici ou là. La Culture Himba est vraiment travaillée, même si nous ne pouvons pas prétendre à une étude anthropologique sur la question. Mais, beaucoup d’aspects du quotidien sont pris en compte, et il y a une réelle cohérence dans le relationnel des personnage, leur affect ou leurs réactions liés à ces coutumes.

Malgré tout, certaines situations sont résolues avec une facilité décalée, surtout par rapport à la richesse de l’environnement. Certes, Binti est un être d’exception autant par ses talents que par son ouverture d’esprit, mais les prouesses diplomatiques me semblent un peu incongrues. C’est dommage, car après un second tome très réussi, le lecteur retombe sur un opus qui tend presque vers le Young Adult.

Des thématiques abordées avec toujours autant d’habileté et de nuances

J’ai beaucoup aimé la créativité de l’auteur, et la façon dont elle parvient à insérer une part de son héritage africain dans cette culture himba, tout comme sa façon délicate et sans tabou d’aborder le racisme.

Dépasser les clivages demande un effort certain et de bonnes volontés, nous le savons tous, Nnedi okorafor le met parfaitement en lumière. Deux peuples s’opposent depuis une éternité. Cette guerre plonge ses racines dans des temps si obscurs que les défaillances de la mémoire collective n’en trace plus les raisons exactes. Elle répond donc à une habitude de la haine et en cela la paix devient plus délicate à rétablir. Les mécanismes en jeu sont parfaitement analysés, décrits et exploités. En relation avec ce que j’évoquais au-dessus, la résolution de cet antagonisme profond pêche un peu par une facilité -toute relative -. Nous sommes quand même dans de la SF de qualité.

Bref, la tâche échoie à un Maître Harmoniseur, et seul un de grande envergure peut faire régner l’équilibre.

Un personnage attachant

Enfin, Binti est un personnage qui marque d’entrée, la narration à la première personne renforce cet attachement. Nous découvrons une jeune femme qui a la tête sur les épaules, des frayeurs, de l’ambition, du courage et une foi en son destin telle qu’elle brave les interdits familiaux et culturels. Au fil des tomes, l’auteur lui a donné davnatge de nuance et de saveur, surtout avec cette difficile gestion du SPT, la perte de certains espoirs et de quelques désillusions. Jamais, elle ne sombre dans l’amertume.

Binti est une trilogie de SF courte (le tout fait à peine plus de 400 pages) solaire et créative. Le personnage titre ainsi que l’utilisation des mathématiques lui donne beaucoup de fraîcheur malgré les thèmes sérieux et parfois lourd qui y sont abordé. La plume tout en finesse de Okorafor participe grandement au plaisir de la lecture, seule une saveur penchant vers le Young Adult tempére mon enthousiasme.

 

Ce livre est pour vous si :
  • vous aimez les personnages féminins haut en couleurs
  • vous est fan de maths
  • vous êtes prêt à pardonner un ou deux ressorts évidents
  • voulez vous mettre à la lecture VO, c’est PARFAIT
je vous le déconseille si :
  • vous êtes allergique au format novella
  • vous ne voulez pas tomber sur des passages YA
  • les méduses vous font faire des cauchemars
Autres tomes :
Niveau de langue et traduction :

Niveau d’anglais très abordable, avec une belle langue. Idéal pour ceux qui veulent se mettre à la lecture VO (surtout avec liseuse). Les 3 tomes font respectivement 100 pages, puis 170.

L’édition française publie davantage Nnedi Okorafor en ce moment, alors pourquoi pas.

 

13 réflexions sur “Binti : The Nigth Maquerade – Nnedi Okorafor

  1. Je viens de relire toutes tes critiques sur les trois tomes. C’est dommage quand même. Elle m’attirait bien cette série. Déjà elle parle des Himbas, ce peuple de Namibie avec lequel j’ai fait connaissance à travers le film de Solenn Bardet. Et puis ça parle de maths. Et la SF africaine est rare. Et….mais bon. Je sais que l’aspect YA me doucherait complètement.

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