La Cité exsangue – Mathieu Gaborit

Le panache en déclin

Les nouveaux mystères d’Abyme, tome 1

Mnémos

La Cité exsangue est le dernier opus appartenant aux Royaumes Crépusculaires de Mathieu Gaborit. Outre ces textes, l’univers regroupe également un jeu de rôle, Angone et un Guide de la cité des ombres, consacré à Abyme. Pour tout dire, je ne connais l’ensemble que de nom, et ce premier tome de la trilogie Les nouveaux mystères d’Abyme représente ma première incursion dans cette ville à la frontière de deux mondes.

Pourtant, cette absence de référence antérieure ne m’a pas gênée, et j’ai séduite à tel point qu’il me tarde de lire l’œuvre initiale.

L’unique cité perméable aux enfers

Le texte de Mathieu Gaborit dévoile deux pépites flamboyantes, attachées l’une à l’autre comme les deux tenants d’une fusion symbiotique, l’âme souffrant de mille maux. Il s’agit de la chatoyante et voluptueuse cité des ombres, Abyme, d’une part, et d’un revenant, farfadet de son état, Maspalio.

Ce n’est qu’après dix ans d’absence que l’ex-Prince des voleurs remet les pieds dans sa ville chérie. C’est donc à travers son regard que nous découvrons les rues, la taille des quartiers et les ambiances nouvelles. Seul son jugement, comparant les deux périodes, nous donneront des indices sur l’ampleur des changements, ainsi que leur nature.

Pour les novices, et nouveaux touristes, une brève description d’Abyme s’avère nécessaire. Sachant d’avance que je ne rendrais pas grâce ni à la plume, ni à la créativité de Mathieu Gaborit car la ville en soi est un personnage attachant et haut en couleur.

Abyme est une perle, loin d’être un symbole de pureté, elle possède l’attirance d’un joyau unique, merveilleux, doux et corrosif à la fois. Tumultueuse et impétueuse, elle le fut il y a quelques années, alors que démons et autre engeance infernale circulaient librement dans ses artères. Aujourd’hui, elle conserve sa perméabilité aux forces chaotiques des enfers, mais l’Acier l’aseptise doucement mais sûrement, effaçant toute velléité démoniaque, éradiquant sa personnalité, détruisant son ADN, bref, annihilant son âme même…

Les ogres, les gros, les lutins, les farfadets et les hommes qui se côtoient habituellement dans ces rues, se retrouvent anémiés mentalement, surveillés par l’Acier qui exige une pureté aussi bien de l’esprit que du corps. Ainsi, ce qui faisait sa particularité, les excès de vitalité, la gourmandise, les chamailleries ne sont que souvenirs. Les pas feutrés ont remplacé les joutes verbales, alors la cité semble vivre au ralenti… au bord du gouffre, à moins qu’elle n’attendent que l’étincelle apte à rallumer la flamme de ses passions.

« On a souvent besoin d’un plus petit que soi »

Lorsque débarque Maspalio, confiant dans sa connaissance de la cité, il a maille à partir d’emblée avec une sénéchale peu commode. La demoiselle réclame une « patente » pour pouvoir pénétrer céans. Patente, que le sieur Maspalio ne possède pas, mais ce sont quelques monnaies sonnantes et trébuchantes qu’il propose en lieu et place. Figurez-vous que la large donzelle en prend ombrage…

Commencent alors des péripéties fort mouvementées et douloureuses pour notre farfadet. L’ancien Prince des voleurs d’Abyme, sûr de son fait et de sa cité, passe ainsi du statut de lion à rat.

Le lecteur ayant quelques souvenirs de la lecture des Royaumes Crépusculaires appréciera sans doute davantage la situation, tout comme les références et clins d’œil qui émaillent le récit. Toujours est-il que le novice en ces contrées, comme moi, n’est pas laissé de côté pour autant. Nous apprenons que Maspalio est un conjurateur. A l’aide d’un pinceau et d’encres, il peut « convoquer » un être de l’ombre, directement lié aux abysses.

Cette forme de magie noire nécessite talent et observation, et prend sa source dans les ombres. Un bon conjurateur sait tirer partie de l’ensemble des contrastes pour appeler le démon idoine. Bien entendu, comme tout homme d’art, la qualité du matériel a une part prépondérante dans le résultat obtenu. Quelques poils du dos d’un géant ne sont guère recommandés quand le conjurateur cherche à s’évader fissa. A moins d’être particulièrement doué…

Une intrigue savoureuse…

Ainsi, Maspalio a-t-il fort à faire dès ses premiers pas dans Abyme. En premier lieu, échapper à la vigilance de la sénéchale, puis retrouver Cyre, sa bien aimée qui l’a contacté pour une urgence. Si le premier obstacle est effacé avec quelques savantes contorsions et une pincé de poils, le deuxième objectif tombe à l’eau : la lutine a trouvé le trépas, et c’est Mèche, sa fille, qu’il finit par retrouver. Le danger est omniprésent, la mission change radicalement de nature, le conflit prend des proportions abyssales, et notre farfadet se met l’Acier à dos.

C’est haletant d’un bout à l’autre, les rebondissements font place aux courses poursuites, et seules les pertes de connaissance altèrent le tempo d’enfer. L’émotion et le cœur participent à l’affaire pour accentuer le vertige du lecteur, qui achève ce premier tome sur un final en apothéose avec un goût de reviens-y.

….Servie par une plume captivante

Il faut souligner que le style de Mathieu Gaborit n’est pas étranger à mon engouement. Le verbe est chamarré, la griffe tout aussi chatoyante que fut Abyme; les termes grivois et quelques argotiques relèvent le tout d’une touche épicée, et notre palais mental pétille devant une telle débauche.

L’humour est également présent pour notre plus grand bonheur, et si vous en doutiez encore, cette expérience fut un pur régal!

Maspalio vous invite à visiter Abyme, un cité unique où le danger n’a d’égal que la fascination pour les lieux. Entre deux coups de pinceaux, une cavalcade, un moment d’empathie, vous passerez par de multiples émotions. La plume de Mathieu Gaborit est à la hauteur de cette magnifique cité, menacée de déclin par les adeptes de l’eau de javel. Qui gagnera, la passion ou le conformisme ?

Ce livre est pour vous si :
  • vous aimez les aventures pétillantes
  • vous êtes amateurs de plumes séduisantes et de héros haut en couleurs
  • vous voulez découvrir une fantasy créative
Je vous le déconseille si :
  • vous n’aimez pas la fantasy quelque soit sa forme
  • vous êtes adepte de la lessive qui lave plus blanc que blanc
  • Vous êtes psycho-rigide
Autres critiques :

Le bibliocosmeOmbre Bones

 

33 réflexions sur “La Cité exsangue – Mathieu Gaborit

  1. Hum, j’ai lu Abyme et je n’en garde pas un souvenir si bon que ça.
    J’avais apprécié ma lecture sur le moment, sans plus, mais je l’avais très vite oublié et malgré le fait que je l’ai lu il n’y a pas si longtemps je suis incapable de dire de quoi ça parle 😛

    Du coup je ne sais pas encore si je lirais un jour celui ci malgré ton bon avis dessus, peut être ! Si il est pris à la médiathèque surement, ou si il sors en poche xD (mais dans tous les cas pas pour tout de suite)

    Aimé par 1 personne

    • Ah!
      J’avoue que je ne suis pas surprise. cela sur un registre qui ne te conviens pas forcément. J’ai déjà remarqué que ce style là, n’est pas ta came.

      Ne te force pas, il y a tant à lire!

      J’aime

  2. J’avais ressenti un goût de trop peu avec sa « Chronique du soupir ».
    Mais le potentiel pressenti pour d’autres titres se trouve heureusement confirmé par ton billet, preuve que mes antennes étaient fiables 😉 Je le lirai donc avec enthousiasme, merci !!!

    Aimé par 1 personne

  3. Vu la liste des caractéristiques que tu mets pour ceux qui ne vont pas aimer, on n’a pas envie de rentrer dans cette catégorie haha
    Tu le vends bien, ça c’est sûr !! Je continue dhésiter à entamer de nouvelles sagas, mais l’envie est là 🙂

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire