Namathée – Florent Bainier

Le cycle des Acménes, tome 1

« Arcan a perdu la mémoire, et aurait perdu la vie s’il n’avait pas été sauvé au cœur du désert par une troupe de soldats venus de Namathée. Envoyés par la prêtresse du Temps, ils appartiennent à un peuple millénaire, protégé depuis toujours par les dieux. Mais leur roi est mort, et les signes divins désignant son successeur tardent à se manifester. Autour du royaume, les armées ennemies se font menaçantes, et convoitent les richesses de ses terres. L’empire sarthe, les tribus nomades oughares, et les mercenaires lorestiens se liguent afin de s’en emparer. Arcan devra apprendre à déchiffrer ses rêves prémonitoires pour tenter d’empêcher l’anéantissement de ceux qui l’ont aidé, et enfin découvrir qui il est. »

Un récit de fantasy antique qui détonne quelque peu dans le page d’Albédo, et pour cause, il est estampillé jeunesse!  Vous voilà sidérés, car ce n’est vraiment pas le style de lecture qui a ma préférence… Alors, pourquoi un tel choix ?

Le roman de Florent Bainier m’a été proposée il y a quelques temps déjà (et j’en profite pour m’excuser d’avoir pris tant de temps de le lire), une suggestion acceptée parce que la lecture pouvait aussi bien plaire à un public adulte, et ma curiosité étant assez indépendante, elle a poussé ma raison à accepter! Maintenant reste à savoir si la promesse a été tenue.

Un univers antique immersif

En fantasy, les récits au cadre médiéval sont légions et on tendance à me lasser de plus en plus. Les histoires dans un environnement antique ne sont pas autant exploitées et en ayant moins lu, ce point-là ne fut donc pas un frein, ou une prédisposition à la lassitude.

L’univers de Namathée est vraiment marqué dans cette veine, que ce soit au niveau des structures sociales, la technologie mise en œuvre, les armes, les tactiques de combats, les contraintes logistiques ou les égos démesurés des hommes de pouvoir. Le lecteur expérimenté trouvera un environnement familier, avec des codes propres à ce genre d’aventure. Ce classicisme est bien maîtrisé par l’auteur qui a pris un grand soin à la cohérence d’ensemble, formant un tout agréable à lire. Pour le public plus jeune, ou ne dévorant pas des kilomètres de fantasy antique, le charme sera puissant, et ce cadre antique en soi devrait les captiver.

Qui dit roman de fantasy, dit également opposition de différentes factions (du moins dans la grande majorité des cas), et cela pour le plus grand plaisir des amateurs de combats magiques ou martiaux. Évidemment, l’auteur propose une trame dans ce registre. Namathée est la plus grande puissance de la région. Cette cité-état doit sa supériorité à la qualité et la cohésion de ses phalanges; groupes de combat formés et bien armés, experts du corps à corps. Ce sont les citoyens qui participent régulièrement à la défense de leur contrée, alors qu’ils sont forgerons, paysans, ou menuisiers. Tour à tour, il se mettent à disposition pour quelques semaines de cette armée redoutée de tous.

Cette précaution est loin d’être inutile, car des bandes les titillent régulièrement, cherchant à gagner du terrain ou à voler des récoltes.

Une intrigue classique et parfaitement menée

Jusqu’à présent Namathée a largement contenu ce genre de piques, jusqu’au jour où les groupes s’unissent sous l’impulsion de l’empire Sarthe, véritable tête pensante de cette manœuvre perfide. Les hostilités débutent de manière assez routinières dans ce conflit en pointillé ( ou « perlé » qui est à la mode en ce moment), avec une attaque d’une des bandes lors d’une des grandes récoltes estivales. La réaction de la cité est prévisible puisqu’elle dépêche généralement ses phalanges, affaiblissant son cœur. Pendant ce temps, les Sarthes se placent pour frapper en douce les hommes de Namathée.

Mais voilà, un homme vient perturber le dispositif ; Arcan qui participait à la récolte. Il sauve une petite fille et parvient à s’enfuir pour prévenir les conseillers, avant qu’une catastrophe se produise. En chemin, il croise la route d’un messager de l’empire Sarthes, qu’il tue récupérant de précieuses informations susceptibles de contrecarrer les plans des ennemis.

Forcément, forts de ces données militaires, les namathéens changent leur plan et s’opposent aux envahisseurs…. Malheureusement, leur général et potentiel souverain,  n’est pas forcément à la hauteur contrairement au génie tactique du camp adverse.

Parallèlement, nous avons une trame plus personnelle avec Arcan. Amnésique, il fut sauvé, soigné et accueilli par la cité-état. Se sentant redevable, il souhaite ardemment participer à la défense de la ville et de ses habitants. Mais auparavant, il doit accomplir une quête initiatique : ramener un œuf d’aigle des montagnes. Au-delà de ce rite, l’auteur nous propose de découvrir sa véritable identité….

Tout ce que je viens d’exposer peut paraître classique, et guère original. Je ne peux contredire cette impression. Je peux toutefois souligner que l’intrique est rondement menée par Florent Bainier, ajoutant la bonne touche d’émotion pour s’attacher aux personnages, et d’affrontements d’armée ou au corps à corps qui tiennent en haleine.

Nul doute qu’un public autre que les vieux routards de la fantasy sera conquis par cette histoire pleine de rebondissements, de combats et de danger. Le mystère proposé autour d’Arcan ajoute une petite touche d’intérêt supplémentaire.

Les lecteurs plus matures remarqueront les détails qui balisent l’histoire, comme le messager attaqué à bon escient, le tigre blanc, la nièce de la prêtresse sauvée par Arcan, la prophétie plutôt évidente… En cela, le récit reste dans la catégorie jeunesse, non par le ton, la sémantique ou les personnages stéréotypés (nous y reviendrons), simplement les articulations de l’histoire sont soulignées pour faciliter le suivi des événements.

Des personnages bien en chair

Contrairement à de nombreux récits estampillés « jeunesse », les personnages ont du corps et de la substance. Il y a même de l’ambiguïté dans certaines relations entre les protagonistes.

Au premier rang d’entre eux,  le joli travail sur Arcan se remarque. Certes, le cas de l’amnésique a déjà été maintes fois traités, mais quand c’est bien fait, c’est toujours plaisant. Même les quelques facilités sont pardonnables car le protagoniste est charismatique et attachant.

La prêtresse du Temps s’avère tout aussi intéressante, avec une certaine attirance pour le bel étranger. Elle est à la tête d’un culte divin quasiment magique qui lui permet d’être en contact avec une divinité à travers des visions épuisantes. Elle bénéficie de la faculté de « s’incorporer » dans l’aigle divin pour guider des troupes, ou simplement sauver un homme dans une barque mal…. embarquée!

Outre ce récit dans une contrée imaginaire, c’est cette dimension spirituelle, prophétique et magique qui rattache Namathée à la Fantasy et qui démarque le roman de beaucoup d’œuvres ciblant ce public. Ainsi, les amateurs de sorts spectaculaires sont-ils prévenus, la magie est plus de nature « chamanique » que martiale.

Une plume plaisante

La plume de Florent Bainier participe à cette sensation de très bon roman jeunesse. En effet, l’auteur ne traite pas le lecteur comme un inculte et sa plume qui pourrait paraître parfois exigeante, est très bien achalandée question sémantique. Nous avons donc le plaisir de découvrir un univers étoffé aussi bien dans l’écriture que dans son histoire. J’avoue que c’est fort agréable et a permis à la lectrice tatilonne que je suis d’aller au bout du roman avec grand plaisir.

Le rythme est tout aussi bon, les chapitres sont suffisamment courts pour soutenir cette sensation de progression et d’action.

Au final, cette aventure fut positive et je ne regrette pas d’avoir accorder sa chance à ce roman « jeunesse » destiné finalement à tous. La trame est solide, les personnages attachants et le tout est soutenu par une plume agréable.

Ce livre est pour vous si :
  • vous êtes fan d’univers antiques
  • vous cherchez un système de magie moins classique
  • vous voulez lire un bon roman jeunesse – ou l’offrir
Je vous le déconseille si :
  • vous faites partie des vieux routard qui ont dévorer des kilomètres de romans de fantasy antique
  • de toute façons vous êtes opposés aux roman jeunesse.

19 réflexions sur “Namathée – Florent Bainier

  1. Il n’y a pas tant que ça de fantasy antique au final, même en étant un vieux routard :p (j’avais cherché à faire une liste quand j’ai commencé à relire le Codex Alera pour voir et je n’en avais pas trouvé beaucoup).
    Je note toujours, même si je doute d’avoir l’occasion d’offrir un roman fantasy jeunesse avant de longues années ^^;

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    • c’est peut-être une impression toute personnelle, car j’en ai lu quelques unes sur la fantasy antique. Moins que médiéval.

      Note le, car c’est vraiment plaisant et tout indiqué comme lecture de chois pour un jeune public, ou pour attirer des nouveaux lecteurs.

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  2. Je ne suis pas (encore) une vieille routarde, tu sais 😉
    Je me tourne rarement vers la littérature jeunesse, sans y être réfractaire pour autant ^^
    Surtout après une approbation lutinesque aussi bien argumentée, cela ne se refuse pas !
    Merci 🙂

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  3. De base, je ne suis pas lecture jeunesse. Mais lorsque c’est dans la veine de la Fantasy et que la lecture est accès « tout public », ma foi pourquoi pas. Je pourrai un jour me laisser tenter par celui-ci. Merci pour ta chronique 🙂

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  4. Bravo d’avoir osé sortir de ta zone de confort, et c’est encore mieux si le résultat a été agréable 🙂 j’ai surtout bouffé des kilomètres de fantasy jeunesse pendant l’adolescence, aujourd’hui j’admire la complexité et la finesse de la SFFF adulte, qui me comble bien plus 🙂 mais une petite lecture facile de temps en temps, entre deux tomes d’hypérion, pourquoi pas !

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