Mage de Bataille – Peter Flannery

Un Nouvel Espoir

Mage de Bataille, tome 1

Albin Michel Imaginaire

 

Il y a bien longtemps, dans une contrée lointaine, très lointaine,… Les terres d’Ire ploient sous les attaques des impitoyables Possédés. Le Mal est presque partout. Au cours d’une retraite désespérée, les habitants de Caer Dour ont remporté leur première victoire sur l’Empire maléfique.

Poursuivis par les sbires d’un démon surpuissant, l’envoyé de la Reine et les survivants filent vers le port le plus proche, porteur d’un nouvel espoir qui pourra sauver le peuple et restaurer la liberté dans les Sept Royaume de Ire.

Ce refrain vous semble familier ? Déjà lu quelque part ? Votre intuition ne vous trompe pas, je me suis inspirée d’une célèbre saga pour brosser un mini résumé de ce que nous propose Mage de Bataille de Peter Flannery. Les ingrédients ne sont pas d’une nouveauté révolutionnaire dans un cas comme dans l’autre, mais cela ne nous empêche pas de se laisser prendre au jeu.

Un univers et une proposition classique

Entendons-nous bien, quand un univers, monde, trame ou tutti-frutti est qualifié de classique, nous sommes mais alors trèèèès loin d’un quelconque synonyme péjoratif ou d’un sous-entendu cachant nul, moche, sans consistance, ou tutti quanti. Classique, ben, signifie classique. La trame ou l’univers ne déroge pas à des règles ou des habitudes – plus ou moins tacites- connues et reconnues.  Le lecteur expérimenté dans la SFFF comprendra dans ce terme qu’il s’aventure en territoire familier. A l’image du photographe ou de l’astronaute amateur, qui connaissent tous les deux un sentier ou un ciel, mais s’émerveillent des petits détails que la nature leur dévoilent à chaque sortie.

Ainsi, Mage de Bataille se range du côté de la Fantasy classique. L’univers est d’inspiration médiéval fantastique et l’auteur n’hésite pas à reprendre les fondamentaux des jeux de rôle – style dungeons & dragons – pour créer son Empire d’Ire.

Pour être plus précise, il s’agit de High Fantasy, avec la lutte de la lumière contre les ténèbres, ainsi que des créatures dignes du Seigneurs des anneaux de Tolkien. Les humains luttent contre une engeance dégueulée des entrailles de la terre; un monstre composite de glaise et de noirceur, qui mène des milliers d’hères convertis aux mouches, asticots et odeurs putrides. L’aura nauséabonde (et psychique) qui précède ces cohortes de désolation pille les bonnes volontés, laissant les hommes les plus valeureux aussi combatifs et pugnaces qu’une chèvre asthmatique en pleine crise d’urticaire.

Il est aisé de comprendre combien le soutien magique devient crucial dans un affrontement entre hommes et Possédés. Le plus précieux aussi bien en raison de leur petit nombre (ce qui est rare est cher, n’oubliez pas ce sophisme) que de leur aptitude à donner force et courage (en sus de leur compétences purement martiales), est le Mage de Bataille. Si vous reconnaissez les sorts « bénédiction » du paladin, c’est tout à fait dans cette veine-là.

En effet, le système de magie proposé est tout aussi familier que l’univers médiéval fantastique avec ses écoles de magie identifiées : conjuration, altération, guérison,… à tel point que je me suis imaginée un instant dans le monde de The Elder Scrolls, et je me demandais comment je répartirais mes points de compétences. 😉

Nous avons la bonne surprise de découvrir deux sortes de magiciens. D’un côté les mages de bataille, particulièrement affutés physiquement et psychiquement au combat, avec des réflexes conditionnés par une utilisation presque instinctive – ou innée – de la ressource magique. De l’autre, nous avons les thaumaturges, qui manient également cette matière mais de manière plus laborieuse et lente. Produire un sortilège leur demande du temps et des invocations précises, tout en étant limité par le réceptacle humain qu’ils représentent. Oui, il y a le génie, le talentueux et le laborieux… Un peu comme au tennis 😉 .

Comment dire,… une telle situation attise quelques jalousies… C’est un peu comme si notre chèvre asthmatique cherchait à rivaliser avec un cheval de course lors du meeting de Long-champs. Il y en a qui sont fait pour, et d’autres… un peu moins. La chèvre, elle, finit avec les boules.

Inventorions nos ingrédients.

Donc, un affrontement jour/nuit classique dans la Fantasy, qui contient des petites touches inhabituelles.

Un bestiaire très raisonnable et limité aux hommes, convertis ou pas, aux démons et dragons (nous y reviendrons).

7 Royaumes d’Ire sont composés – ô surprise !- de 7 …. royaumes (sisi, mais pas l’Impératrice) : Clémonce Valentia, Beltane, Illicia,…(CF carte). Ces contrées sont inspirées de l’Europe médiévale, ou plus précisément dans ce premier tome, les noms sont issus des divers pays du Vieux Continent, car l’influence des dits pays semblent assez limitée sur les mœurs des habitants (pour l’instant, dans ce tome 1).

Il faut faire attention car Ire se réfère aussi bien au nom d’un Port, capitale de Clémonce (au Nord Ouest) qu’au continent lui-même, les 7 Royaumes d’Ire. Cette homonymie prête à confusion dans les premiers chapitres.

Des personnages tout aussi classiques

Les divers personnages imaginés par Peter Flannery sont à l’image de l’univers des 7 royaumes d’Ire. J’avoue être encore dans l’expectative quant à ce casting, car il y a du potentiel, mais pour l’instant la chrysalide n’est qu’un simple cocon.

Mes attentes seront un peu plus élevées dans le tome 2, pour l’instant c’est le seul point qui attire quelques réserves. Notre troupe n’est pas mauvaise, ennuyeuse, ou ratée. Elle est presque interchangeable avec d’autres :

  • le héros un peu à la ramasse, affrontant des difficultés familiales – orphelin de préférence. Ce n’est pas non plus un génie scolaire, mais il ou elle parvient à palier à cet écueil grâce à son ingéniosité – Checked √
  • Le génie scolaire, potentiellement souffre-douleur – Checked √
  • Le pote un peu benêt – Checked √
  • Une famille de substitution – Checked √
  • Le ou les camarades de classe harcelant le héros – Checked √
  • Les adultes paternalistes – Checked √

 

Toujours est-il que ce n’est pas dans ce registre qu’il faudra attendre une fulgurance révolutionnaire. Cependant, la mayonnaise prend bien, la recette est connue. Peter Flannery n’étant pas un lapin de six semaines, a un bon tour de main, pour que cette dernière soit en prise avec le lectorat. Il y a de la consistance derrière ces différents gamins, et il parvient à jouer sur notre empathie pour nous les attacher. Impossible de ne pas compatir et vibrer avec Falco, fils de Danté, le mage de bataille déchu et honnis, ou encore d’exulter avec Malaki, fils de forgeron, qui étripe les possédés  – comme un apiculteur décapite les frelons asiatiques-  et les réduit en cafards phytoxés.

Une trame classique mais…

Au niveau de la trame nous sommes de nouveau dans un récit somme toute assez classique qui m’a évoquée Le Sorcier de Terremer de Ursula Le Guin. Un jeune homme fuit son village lors d’une attaque, rejoint une école de magie et devient un grand sorcier. Nous pouvons même penser à la saga Harry Potter sans trop se fourvoyer avec la bande qui entoure le héros à lunettes, et l’opposition assez titanesque… Il y a même quelques accents du roman Le Nom du Vent, avec notre Falco, dévoré de curiosité qui fait des gaffes XXL.

Malgré ce tableau, Mage de bataille nous réserve des surprises et même des morceaux de bravoure. Certes, nombre d’éléments sont familiers et s’inspirent (ou nous évoquent) des œuvres déjà lues, mais ce serait réducteur de ne le considérer que comme un simple zeste de citron ou un ersatz de Terremer. Et si le chemin semble déjà bien balisé, certains passages apportent une grande satisfaction.

Outre des personnages attachants, la structure proposée varie des nombreuses productions lues ici et là. Dans sa version anglo-saxonne, le roman est un stand-alone, certes de taille, mais il se suffit à lui-même alors que tant d’autres proposent des trilogies (voire plus) pour un récit façonné dans la même argile. Par conséquent, les passages de roman d’apprentissage qui me saoulent au plus haut point sont ramassés dans le cas présent.

Ensuite, la prise de contact initiale qui ne fait que présenter les protagonistes principaux emprunte une voie qui ressemble davantage à une chèvre asthmatique s’essayant au VTT dans la descente du Mont blanc qu’à la douce dérive d’une péniche sur le canal de Garonne.

Cela commence fort, et les torgnoles, les énucléations, ou les éviscération sont vite de sorties. Pourtant, il n’y a pas de boucher dans le lot. Nous avons lors d’une première scène, l’occasion d’une belle bataille qui présente les différents tenants de la magie et surtout les mages de batailles en pleine action. Et les dragons.

Déjà, le lecteur ressent un certain trouble, s’accentuant en malaise de plus en plus profond au fur et à mesure de la lecture. Jusqu’à la certitude qui annonce un récit à tiroir, et ça, c’est alléchant!

Forcément dans ce genre de récit, les choses tournent mal, sinon, l’histoire tourne court.

Donc, les choses tournent mal, et TOUT le village doit fuir devant l’écrasante horde des Possédés. Femmes, enfants, vieillards et malades sont du voyage, mais ralentissent considérablement la marche. La seule alternative à l’affrontement est l’abandon de tous ces voisins, amis, membres de la famille; elle n’est pas envisageable.  La bataille est inévitable et donne lieu à un passage prenant, intense, et plein de suspens. Avec cette seule première partie (qui doit faire un gros tiers de ce premier tome), je ne regrette pas ma lecture…

Enfin, la partie consacrée à l’Académie, bien qu’attendue dans certains domaines (Falco souffre douleur, enseignement chaotique,…), nous offre justement de la nouveauté dans le roman d’apprentissage. Peter Flannery a choisi de nous présenter nos héros lors de leur entrainement martial, et là cela secoue dans les chaumières. Oubliez les bancs d’école, les paillasses couvertes d’ingrédients, les bibliothèques ou les salles d’études. Place aux courses, aux chocs, aux esquives et crocs en jambe. C’est physique et technique, les fillettes n’ont pas leur place à l’Académie. L’aspect militaire avec ses différents corps, leur articulation sur un champ de bataille est à l’ordre du jour, et j’avoue que cela m’a vraiment beaucoup plu. (L’auteur ne nous sature pas non plus la tête avec des termes purement militaires, c’est largement compréhensible et accessible à TOUS les lecteurs).

De plus, il s’attarde sur les différents protagonistes, leur tourments, réussites ou échecs, et nous les rend dès lors plus proche encore.

Pour Falco, l’entrainement matinal est complété par un enseignement plus spécifique….

Les dragons

J’ai été également très intriguée par les dragons, et surtout par les dragons noirs. L’auteur navigue sur les terrains d’Eragon de Christopher Paolini en la matière. Il y a une relation pseudo-télépathique entre le dragonnier et sa monture qui se passe de dialogue. Les mots commandent un effet ou un autre, et la relation entre homme et bête est forte, l’un donnera sa vie pour l’autre. Jusqu’à ce que le dragon devienne noir, et se retourne contre l’homme. Mais, là aussi, les apparences sont en réalité bien plus complexes qu’au premier regard. Le mystère sous-jacent aiguillonne son seulement notre jeune ami, mais aussi le lecteur…

Ainsi, en vous aventurant dans les 7 royaumes d’Ire, vous avancez sur des chemins familiers, ponctués de quelques pentes plus abruptes qui raviront même les lecteurs rompus à la Fantasy. La trame relativement classique de Mage de Bataille se double de quelques mystères qu’il nous tarde de voir s’éclaircir. Un roman parfait pour découvrir la fantasy, un roman parfait pour divertir même un lectorat exigeant. Je l’ai dévoré!

Ce livre est pour vous si :
  • vous savourez les fantasy qui ont du cœur
  • vous aimez les personnages qui donnent de l’émotion
  • vous êtes amateur de dragons
je vous le déconseille si :
  • Vous avez l’odorat fragile
  • Vous n’aimez pas la High Fantasy
  • Pour vous une belle plume est faite de circonvolution.
Autres critiques :

Apophis – LorhkanXapurLe chroniqueurLorkhan – Au pays des cavetrolls, le Troll et son chevalierLe bibliocosme DyonisosJohn

Merci à Gilles Dumay et aux éditions Albin Michel Imaginaire de m’avoir offert la possibilité de le lire en avant-première.

Chronique dédiée à notre ami Patrick, parti combattre les Possédés de tout poil. Adeu!

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64 réflexions sur “Mage de Bataille – Peter Flannery

  1. Ça a l’air très classique c’est vrai.
    Après contrairement à certains je n’ai rien contre la high fantasy classique du moment que c’est bien fait. J’en lis pourtant depuis des années mais vu que j’en garde encore de très bon souvenirs ça ne me lasse toujours pas.

    J’ai gagné celui ci lors d’un concours donc je finirais bien par le lire, mais surement quand le second sera sorti, histoire de les lire d’un coup. Je n’aime pas trop attendre entre deux demi tomes, surtout quand ça n’a été fait que pour l’édition française.

    Par contre j’avoue qu’en lisant juste les quelques premières lignes ou tu donne le résumé ça n’a rien rappelé que j’ai déjà lu. Mais vu que tu as cité ensuite Terremer (dont je n’ai pas réussi à terminer le premier tome parce que je n’aimais pas) et Eragon que je ne lirais pas (faut pas abuser non plus, j’aurais surement pu le lire étant ado mais pour un adulte il a tellement mauvaise réputation que je ne m’y risquerait pas xD), sans doute je suis passé totalement à coté de la référence 😛

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    • C’est très classique et plaisant à lire. Je ne m’y suis pas ennuyée et je l’ai lu en quoi 2/3 jours à peine.
      Je regrette que le tome 2 ne sorte pas le mois prochain, j’aurais bien lu le tout d’une traitre.

      Ah, j’aurais du écrire vu au lieu de lu. SI je te propose cela, est-ce que tu vois à quoi je fais référence ?

      Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine…

      A bord de vaisseaux spatiaux opérant à partir d’une base cachée, les Rebelles ont emporté leur première victoire sur le maléfique Empire Galactique.

      Au cours de la bataille, des espions rebelles ont réussi à dérober les plans secrets de l’arme absolue de l’Empire : l’Etoile de la Mort, une station spatiale blindée dotée d’un équipement assez puissant pour annihiler une planète tout entière. Poursuivie par des sbires sinistres de l’Empire, la princesse Leia file vers sa base dans son vaisseau cosmique, porteuse des plans volés à l’ennemi qui pourront sauver son peuple et restaurer la liberté dans la galaxie…

      hé!hé!hé!

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      • C’est sur que dit comme ça ça semble évident xD
        mais c’est que qu’en cherchant en fantasy et parmi ce que j’ai lu je ne risquais pas de tomber dessus :p

        Et même je ne pense pas que j’aurais pu trouver, je ne me souvient que très très vaguement des trois premiers films, je ne les ai vu qu’une fois il y a quasiment 25 ans (oui j’avais 10-11 ans) donc en dehors du visuel du marais, du désert, de l’étoile de la mort et de la planète de glace je ne me souviens plus de grand chose, et encore moins de l’histoire x)

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  2. Moi ça m’intéresse quand même, le classicisme me dérange pas tant qu’il y a quelque chose qui me touche dans l’histoire, ça dépendra du traitement des personnages.

    Et j’ai envie de l’appeler « Mage de bagarre » depuis son annonce…

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    • Le classicisme ne me dérange pas non plus, sinon, il y a plein de romans qui me feraient fuir. Cela dépend de ce que l’auteur y met dedans. Parfois c’est classique ET nul, d’autres fois, c’est classique et très bon.

      Les personnages sont pas du genre nouveaux, mais ils touchent le lecteur, alors sur cette partie, je trouve que Flannery s’en sort très bien.

      Il y a de la bagarre et tu es plutôt dans le vrai. 🙂

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  3. J’ai apprécié que tu relativises l’utilisation du mot « classique » qui porte désormais souvent une connotation péjorative quand il qualifie un nouveau roman mais garde sa noblesse quand il qualifie un livre des siècles passés.
    Je ne vais quand même pas me précipiter sur ce roman. Je suis noyé sous les bouquins (tel que tu me lis, j’ai une bouteille d’oxygène)

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    • Oui, il est nécessaire de le préciser pour que nous soyons d’accord sur ce que j’entends exprimer. C’est dommage que cette dissociation existe en littérature.

      LOL, tu m’as fait rire, j’ai l’impression d’être sous assistance livresque depuis un bon bout de temps, avec ma PAL qui elle est florissante. 🙂

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  4. Comme je disais à Apo, parfois ça fait du bien de lire du classique. Lire quelque chose qui ne cherche pas forcément à exploser d’inventivité jusqu’à se perdre dans son propre jus, qui reste efficace et plaisant à lire, c’est une option intéressante et je crois que je me laisserai bien tenter.
    Merci pour ce retour de lecture précis et précieux.

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    • Je pense que ce roman est tout à fait dans tes goûts. ET je suis en accord avec toi, j’aime bien lire des choses qui n’ont pas la prétention de vouloir tout chambouler, de montrer créativité et inventivité en explorant systématiquement des thématiques lourdes.
      Cela fait du bien de lire ce roman. 🙂

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    • En temps normal, de la High Fantasy classique a tendance à me faire fuir, surtout quand elle est doublée d’une histoire d’apprentissage.
      Ce qui a aiguisé ma curiosité, c’était que je voyais mal Gilles Dumay se lancer dans un roman d’une platitude navrante et sans étincelle pour allumer – au moins – mon intérêt.
      Ici, comme je l’écris dans ma chronique, les ingrédient HF et roman d’apprentissage sont bien présents, mais il y a du petit plus qui fait que je le trouve assez captivant.

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