Black Bottom – Philippe Curval

Sur le Cul!

La Volte

« Beth Raven est en train de perdre la boule. Professeur réac et amoureux cocufié, il profite de sa grève-maladie illimitée pour s’implanter une puce iCortex et écrire un blog vengeur dans lequel il rage avec génie. Le succès est fulgurant, mais lui-même ne se doute pas qu’il sera bientôt happé par un tourbillon d’événements en plein cœur d’une Venise schizophrène, devenue Sérénissime de cauchemar. En proie à ses angoisses, c’est en compagnie d’une créature artistique vivante, Avaro, que Beth entame une lutte afin de recouvrer son équilibre mental.

Au rythme du black bottom, danse des années vingt aux accents vaudous, Philippe Curval nous entraîne dans un autre espace du temps, prédit par Einstein : l’aréel. Traversant avec un humour féroce le monde international de l’art, de Paris à Venise, il nous livre ici une comédie dramatique exubérante, dans une écriture réinventée, dont l’énergie et l’originalité nous bringuebalent avec euphorie. »

Dire que ce fut une lecture éprouvante est un euphémisme.

Ceci est une tentative de chronique équilibrée.

L’ambiance, l’histoire et le concept

Le Black Bottom est une musique des années vingt, et vous avez sans doute entendu et aperçu de quoi il s’agit sans le savoir, du moins pour la plupart d’entre vous.

Le rythme y est endiablé, les danseur se tortillent et sautillent, seuls ou en couple, c’est vitaminé, et même, survitaminé. Le son et le concept ont fait fureur aux USA, avant de tomber en désuétude. De cette époque, restent une musique identifiable et le nom de nombreux clubs privés (et boîtes de nuit).

Outre, le titre du roman de Philippe Curval, la danse et le texte partagent des points communs, et se marient parfaitement ensemble.  Leur période de prédilection navigue dans les eaux troubles entre chien et loup jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Les événements s’enchaînent sur un déhanché frénétique ou des pirouettes acrobatiques avant de retomber sur les pieds, essoufflés, exténués par cette allure rocambolesque. (Le rock acrobatique peut remercier son ancêtre sur ce point). Et enfin, c’est au pieu, les corps languides, que les participants s’écroulent, pré- ou post-coït nocturne, accessoirement.

Voici l’ambiance qui attend le lecteur de Black Bottom de Philippe Curval.

Nous suivons dans ce blog les aventures mouvementées de Beth Raven, fou amoureux de Irène. Cette dernière a disparue, s’est volatilisée; s’ensuit une course sur les traces qu’elle et son ravisseur ont laissé derrière eux. La traque passe de Paris à Venise, toutes deux très vivantes et pétillantes. Je pense que vous ne vous auriez jamais imaginé la célèbre ville italienne sous un tel jour. Chemin faisant, Beth Raven croise du monde, dont un énergumène sortant du lot : Festen, un artiste non-conventionnel à plus d’un titre.

Initialement, la lecture peut interloquer, car il est délicat d’établir qui est le protagoniste et qui le narrateur. Il est évident que certains passages de ce « blog » sont rédigés par Beth Raven, mais d’autres occurrences mettent en scène un autre personnage, plus vindicatif ? Est-ce Beth Raven, rêvant ? Est-ce la puce iCortex qui débloque ? Est-ce un symptôme d’une maladie mentale ou l’expression d’un stress intense ? Est-ce un piratage de Festen? Est-ce un concept génial d’un personnage imaginaire qui prend vie sous la plume de l’auteur du blog ?

Et, j’avoue avoir ressenti un léger agacement de ne pas pouvoir identifier qui est qui dans ce récit et qui fait quoi assez rapidement. Et, vous savez que la complexité des histoires, ou le nombre de protagonistes ne me font pas peur. Mais, j’aime pouvoir mettre les choses en place, même si cela exige une participation active des neurones, j’aime avoir le palpitant qui trépigne d’impatience, les papilles qui tressautent, quitte à ce que l’auteur me mène en bateau.

Sur ce dernier point, l’auteur nous mène réellement en bateau, et il faut un temps certain pour y voir clair.

Toutefois, au final, ces effets narratifs s’éclaircissent et peu à peu, le lecteur finit pas comprendre  – ou éventuellement – croire comprendre de quoi il retourne. Au final, j’ai bien aimé ce jeu avec les personnages.

Un style pour une histoire

Le principal point bloquant (pour moi) réside dans l’utilisation d’un langage qui tient autant du français que ma tentative de sculpture à la glaise se rapproche du Penseur de Rodin. L’image évoque également ma position prisée à la lecture de ce roman : entre réflexion et perplexité.

« Même si je sais que cela ressemble à rien, encore plus bidon que le langage contemporain, je dois aller jusqu’au bout. »

Sans être une férue du style ampoulée de certains auteurs, j’aime lire un texte dans ma langue natale qui chante à mes oreilles, j’apprécie également les plumes directes et pétulantes qui véhiculent de la sève dans les nervures de leurs intrigues, j’adhère aussi aux proses sans génie qui assume leur style vitaminé – ou pas. Dans Black Bottom, nous sommes loin de cela; le texte – assumé-  est plutôt expérimental. Il y manque pléthore de sujets, il y a des phrases longues comme une nuit polaire, et nombre de langages vulgaires et phalliques. En outre, le narrateur est prof, alors il est d’autant plus surprenant de lire un français aussi torturé.

« je dicte mon texte comme j’imagine qui z’écrivaient si z’en faisaient l’effort, ce que je leur souhaite même plus. Pour démontrer qu’en maltraitant la prose, on peut jouir bien plus qu’eux en masturbant les phrases jusqu’à l’éjaculation. »

De plus, « écrit dans un style blogueur mâtiné de picard », c’est loin de ce j’aurai imaginé. De Picard, je ne connais que le capitaine de l’Enterprise, et aucune expression locale ne me vient à l’esprit : impossible de dire si l’absence de sujet, les « j’y » les « y ont » (y, pour ils) les « qui » qui contractent la conjonction et le pronom de la 3° personne sont liés à ce territoire, ou pas.

Toujours est-il qu’il vous faudra signaler en commentaire les blogs qui rédigent dans un français déstructuré.

Au sujet d’un concept qu’il convient encore d’inventer, et que Beth et son pote cherche à trouver. Mais on ne sait pas de quoi il s’agit puisqu’il faut au préalable le trouver.

-Et le surréel ? demande-t-elle

-Ce n’est qu’un facteur natif qui sert de défouloir à l’inconscient, dont la valeur est proportionnelle à la qualité du client, souvent zéro.

Iréne s’insurge :

-Tu ne vas tout de même pas condamner l’écriture automatique?

-Non, mais comme elle est automatique, il lui manque un point de vue. Quant à l’immatériel, le paranormal, ils servent de tartine de beurre aux religions, de récompense aux esprits faibles. Tandis que ce qui flotte au-dessous de la surface des choses n’a sa place nulle part. On travaillait pour qu’il apparaisse.

Bref, c’est bien trop « expérimental » pour les lutins au cœur si romantique.

L’art dans tous ces états

Ce dernier point s’avère paradoxal dans mon appréciation du récit de Philippe Curval. La thématique artistique y est abordée avec force détails. Elle s’affiche à plusieurs niveaux, la première n’est pas des moindre, puisque Venise y est exposée dans toute sa splendeur. L’architecture particulière et si séduisante de la ville italienne occupe une place de choix dans Black Bottom, et a participé à ma poursuite de la lecture.

Cependant, l’art mis en scène par Philippe Curval ne se résume pas à un guide touristique et coloré de la cité italienne, il exploite une veine à la quelle je suis moins bien sensible. Festen, qui semble incarner le côté obscur de l’artiste, exprime sa créativité dans un domaine plutôt inusité : le macchabée. Ce ne sont donc pas des tranches de vie que l’initié dégustera (des yeux) mais un morceau bien réel d’un cadavre détourné plus ou moins légalement.  C’est le body-art.

Certes, il s’occupe aussi des vivants pour « peindre  » des tableaux vivants, mais c’est moins marquant. La caractéristique principale de Festen, outre sa vénalité, s’illustre par cette propension à toujours aller plus loin, à vouloir choquer. Et, là, il peut réussir.

Vous aurez saisi que Beth Raven sévit dans un autre registre artistique : la littérature, à travers ce procédé futur de l’iCortex.

Ce roman fait penser au cinéma français actuel, si vous adorez l’un, vous adorerez l’autre.

Visiblement, Black Bottom de Philippe Curval n’est pas un roman qui m’était destiné, la recherche littéraire déployée par l’auteur m’a laissée sur le carreau, et j’ai été très peu sensible aux arts humains. Seules la visite de Venise, le rythme et le jeu de piste entre Beth Raven et Festen ont maintenu mon intérêt.

Roman lu dans le cadre du Prix littéraire Sirius SF

Ce livre est pour vous si :
  • vous aimez les labyrinthes mentaux
  • vous souhaitez lire un roman « zarbie »
  • vous êtes VEGAN
je vous le déconseille si :
  • Vous avez planifié un voyage à Venise
  • Vous êtes un amoureux de la langue française
  • Si vous souhaitez lire un roman clair et sans ambiguïté
Autres critiques :

Le ChroniqueurLe Bibliocosme

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34 réflexions sur “Black Bottom – Philippe Curval

  1. *enfile un gilet jaune*
    *fait un feu de cagettes (désolé, hein, j’suis pas une entreprise, j’ai pas de palettes)*
    *branche le mégaphone piqué à sa sœur, qui est à la CGT*

    LUTIN, DÉMISSION, ON VEUT LA CRITIQUE DE PRADOR MOON !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    😉

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