Le monde de la Mort – Harry Harrison

Quand tout un monde se ligue.

Ce n’est pas de l’archéologie livresque que je vous propose aujourd’hui. Cela y ressemble avec ce roman datant de 1960, cependant, je souhaitais réellement le lire et vous en parler en raison de ses qualités et de sa vision d’un monde. Vision plutôt lugubre. De plus, Harry Harrison ne doit  pas vous être inconnu sans doute. Vous connaissez au moins un de ses œuvres, un roman/film phare qui aura du mal a perdre de sa pertinence quelques temps encore, Soleil Vert.

Deathworld, ou Le monde de la Mort n’est certes pas aussi emblématique ni aussi glaçant, malgré cela, il parvient à saisir le lecteur à point!

« Joueur professionnel, Jason ne se sent vivre que dans le défi. Alors, quand on lui offre de gagner aux dés trois mille millions d’unités galactiques, il ne résiste pas. Qu’importe si la partie achevée – qu’elle soit gagnée ou perdue – sa vie doit être en danger…
Il gagne et relève aussitôt un nouveau défi : affronter la planète Pyrrus, appelée aussi le Monde de la Mort.
Tout sur Pyrrus est hostile à l’homme: la plus délicate des fleurs est poison, les cailloux sont meurtriers, chaque insecte est mortel. Et dès l’âge de six ans les enfants sont adultes, prêts au combat. Les autres ont été éliminés.
Pour Jason, c’est la plus formidable partie de sa carrière : il joue sa vie contre le sort de toute une planète.« 

Un monde inhospitalier, du genre méchant

C’est bien simple, sur Pyruss, planète sur laquelle débarque Jason, une seule ville survit à l’agressivité locale. Fortifiée, surveillée, elle résiste dans le sang et grâce à l’abnégation de tous. Effectivement, dès leur plus jeune âge, les enfants se trouvent enrôlés dans ce combat pour la survie. Ici, le choix n’existe pas pour ainsi dire. Il faut que tous soient autonomes et conscients que tout peut tuer, dévorer, mastiquer, engloutir, avaler, éclater, et généralement sans bruit.

Faune et flore se sont ligués pour extraire l’humain de cette planète. L’herbe, même d’aspect soyeux, cache un neurotoxique de première classe. Les animaux sont de mèche les uns avec les autres et développèrent tôt la capacité d’embusquer l’humanoïde, étranger à la planète.

Il existe même une telle synergie entre les bêtes et les plantes que les secondes servent de vecteurs aux premiers pour mieux franchir les défenses humaines. Vivre sur Pyruss relève aussi bien de la folie que de l’entêtement. Pourtant, le récit n’est ni une ode à l’écologie, ni un pamphlet contre le « cancer » que l’homme représente pour les écosystèmes.

Même si cette dimension n’est pas absente des considérations de Harry Harrison, le propos se centre comme dans Soleil Vert, sur l’être humain.

Dans le monde de la Mort, ce combat perpétuel pour la survie débute dès les premières années. Il forge la carapace de ces hommes et femmes, égaux dans cette lutte, car le temps et les moyens manquent pour faire la « fine bouche ». Surtout, les répercussions s’avèrent psychologiques. Obnubilés tels qu’ils le sont, ce peuple ne se projette dans aucun avenir. Le lendemain ne se résume qu’à survivre un jour de plus, vaincre une fois de plus. Ainsi posé, cet objectif semble louable et mérite de s’y consacrer pleinement. Il faut préciser qu’ils ont même évacué leur passé et leur histoire dans le grand vide pédagogique et culturel de leur planète.

Ce combat, cette adversité d’un monde entier est leur seule identité. Plus de passé, pas d’avenir, seul le présent compte.

A tel point qu’évoquer ou envisager demain « autrement » frise la trahison. Et quand Jason émet l’hypothèse d’une solution possible pour mettre un terme à cette guerre, les réactions sont loin d’être enthousiastes. Cela en dit long sur la psychologie et les aspirations atrophiées de ce peuple né dans le combat et pour le combat.

Une solution se profile, mais seront-ils raisonnables? Préféreront-ils une guerre éternelle ?

Un contexte particulier

Le monde de la Mort a été écrit en 1960 et apporte sa pierre à l’édifice sur l’homme dans une guerre sans fin que forment aussi La guerre éternelle de Joe Haldeman et Starship Troopers de Robert Heinlein. A cette époque, la guerre du Vietnam na pas commencé, le choc pétrolier est lointain, l’Amérique vit une période prospère, les yeux rivés sur les étoiles (de sa bannière, aussi). Nixon n’a pas connu le scandale, les Kennedy sont (encore) vivants, les soviétiques sont l’ennemi numéro 1, et les USA est Le pays béni.

Le héros se doit d’être à l’image de cet américain lambda, fantasmé tout de même; généreux, pragmatique, sensible et futé. Mais, ces qualités ne seront pas suffisantes sur une planète telle que Pyruss. Jason est un joueur professionnel, et à bien des égards, il n’est pas sans rappeler un certain Jernau Morat Gurgeh de L’homme des Jeux de Iain Banks (tout comme Pyruss lancé sur une trajectoire auto-destructrice ressemble quelque peu à l’Empire d’Azad). Il a un petit truc, qu’il maîtrise avec difficulté, voire pas du tout. Il s’agit un petit pouvoir psionique qui lui permet de « sentir » les dés. Rien de spectaculaire, mais une sensibilité suffisante pour que Jason finisse pas ce rendre compte qu’il baigne dans un champ psionique. Et une fois cette « coloration » identifiée, notre homme cherche d’où la source émet, et son fonctionnement avec le biotope.

Nous retrouvons les thèmes emblématiques et communs à  La guerre éternelle de Joe Haldeman et Starship Troopers de Robert Heinlein, avec une humanité affrontant un danger sans commune mesure avec son passé (des aliens pour le premier, des insectes pour le second), privilégiant la lutte sans faire de zèle dans la recherche d’une solution plus diplomatique ou la compréhension (et:ou la tolérance) de l’autre. Et si vous avez lu La ferme aux animaux de Orwell, Le Monde de la Mort partage quelques traits.

Racisme, tolérance, jusqu’au boutisme, sont de la partie. Et si vous connaissez vos manuels d’Histoire contemporaine, vous parviendrez à discerner la petite analogie avec Staline….

Cette histoire a du chien, et je la recommande vivement à tous, dont MON ami canin.

Le Monde de la Mort vous propose une aventure au péril de votre vie. En effet, tout concourra à vous à faire la peau, de la plante au chien à 6 pattes, en passant par les habitants eux-mêmes, des fêlés de la gâchette. Il y a peu de chance que vous en ressortiez indemne, aussi préparez votre kit de survie (et quelques os) et des sachets d’antalgique.

Ce récit est pour vous si :
  • vous aimez les romans intenses
  • vous souhaitez lire une aventure qui a du sens
  • vous êtes séduit à l’idée que les plantes damnent le pion à des bipédes
je vous le déconseille si :
  • Vous êtes allergique à la moindre violence
  • Vous êtes un carnassier incorrigible
  • vous êtes un stalinien convaincu
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28 réflexions sur “Le monde de la Mort – Harry Harrison

  1. En fait le premier paragraphe m’a tout de suite fait pensé à L’homme des jeux de Banks, vu que c’est quasiment les même prémisses, un joueur qui relève un défi lié aux jeux qui est plus fort que lui 😛
    Mais le reste à l’air radicalement différent !

    Je le note, j’ai déjà d’autres livres de l’auteur dans ma PAL (la série Ratinox).

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  2. Je l’ai dans ma PAL depuis quelques années déjà, et j’ai toujours hésité à l’en sortir, probablement parce que je ne connaissais pas tout ce qui se cachait derrière. Me voici mieux informée grâce à ta chronique, qui me donne vraiment l’envie de ressortir ce roman de ma PAL et de le dévorer. Merci à toi !

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    • ah! j’en suis ravie.
      Les livres « anciens » de SFFF prennent assez régulièrement un coup de vieux, et c’est un peu dommage de le laisser moisir dans les tréfonds d’une PAL car c’est loin d’être le cas pour celui-ci.
      Bonne lecture.

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  3. Vieux bouquin, thématiques qui me plaisent, tu n’avais pas besoin d’insister, j’étais déjà ferré.
    Merci pour cette découverte. Je connaissais Soleil vert, mais je m’étais jamais retardé sur ce que l’auteur avait écrit d’autres.
    Milles mercis

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  4. Pour le coup j’avais été voir sur Babelio et en plus de n’avoir que peu de critiques, il a une note relativement moyenne (côté sombre qui gêne sans doute). Je ne sais pas trop dire si ce serait ma cam mais les histoires aux côtés sombres dans un univers chaotique me plaisent toujours. Comme tu connais bien mes goûts tu dois pouvoir me dire si ça serait dans mes cordes ?
    Merci pour ce retour de lecture !

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