Les meurtres de Molly Southbourne – Tade Thompson

Lé Bélial – UHL

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Outre une superbe couverture signée Aurélien Police, Les meurtres de Molly Thompson présente un résumé éditeur  à la fois cryptique et intrigant. Les ingrédients de la parfaite bombette littéraire sont réunis et font largement saliver d’envie le lutin que je suis.

« Molly est frappée par la pire des malédictions. Aussi les règles sont-elles simples, et ses parents les lui assènent depuis son plus jeune âge.
Si tu vois une fille qui te ressemble, cours et bas-toi.
Ne saigne pas.
Si tu saignes, une compresse, le feu, du détergent.
Si tu trouves un trou, va chercher tes parents.

Molly se les récite souvent. Quand elle s’ennuie, elle se surprend à les répéter sans l’avoir voulu… Et si elle ignore d’où lui vient cette terrible affliction, elle n’en connaît en revanche que trop le prix. Celui du sang. »

Pourtant, nous sommes à la limite de mes goûts en matière SFFF, ce constat associé aux retours dithyrambiques sur ce dix-huitième volume de la collection explique sans aucun doute une certaine frilosité de ma part à me jeter à corps perdu (et il ne faudrait pas, vu ce qu’il arrive…) dans cette lecture. J’avoue une certaine appréhension à l’idée de passer à côté.

Pour être honnête, les ingrédients pour me déplaire sont également réunis pour me faire fuir le bouquin telle la chèvre asthmatique devant une épreuve de pentathlon moderne… (sang, glauque, sexe, violence sur enfant)

Et pourtant, je n’ai pas pu décrocher de ce court roman une fois la première ligne entamée.

Une ambiance soignée : gore, glauque et giclant

Cette novella appartient franchement au domaine horrifique, et l’auteur ne fait pas dans la dentelle en catimini. Certaines scènes pourront d’ailleurs heurter la sensibilité des jeunes licornes en mal de sensations fortes. Le récit navigue de l’explosion de cervelles façon feux d’artifice, en passant par la vivisection, aux bastons vermillons qui teintent l’environnement en carmin.

L’écriture, dynamique, est un plaisir pour les yeux et l’imagination; aussi les descriptions ci-dessus s’affranchissent-elles des mots pour « poper » dans votre esprit de manière très visuelle. Et c’est parfois assez violent! Mais quel plaisir de vivre intensément le récit!

Pour autant, ce court roman ne se contente pas d’établir une ambiance en jouant uniquement sur le registre visuel. Tade Thompson partage une vision de l’horrifique avec Stephen King. Tous deux s’appuient sur des situations particulières et la psychologie des personnages pour renforcer les sensations. Je pense à Salem, même si le registre et l’histoire n’a rien en commun avec Les Meurtres de Molly Thompson.

Les deux auteurs placent leur récit dans une zone solitaire, éloignée des grands centres urbains, presque bucolique. Les événements qui vont s’y dérouler sortent de l’ordinaire, sans toutefois exploser à la face du lecteur, sans tâcher son confortable moment de lecture à grandes giclées sanguinolentes. Enfin, pas dans l’immédiat.

Certes, le prologue de Molly donne déjà un aperçu corsé en matière de distribution de baffes, histoire de nous mettre très vite le pied à l’étrier pour une cavalcade vitaminée. Or nous enchainons très vite sur une période plus… tempérée.

Donc, initialement, le lecteur n’est confronté qu’à des accidents de l’histoire qui associés à l’entame du roman confère déjà une aura glaçante à ces petits facteurs dérangeants. Puis viennent les pseudo-cauchemars qui trempent carrément dans le glauque, ou ce n’est pas que le sang qui gicle mais aussi dents et cervelle. Le mystère entourant la nature des faits et leur origine ajoute une bonne dose d’incertitude pour ce parfait cocktail horrifique.

Pourtant, malgré une recette diablement maîtrisée, ces facteurs ne sont pas le principal ingrédient de ce récit fleurant bon le sang, la castagne et l’horreur. Comme bien souvent, dans ces textes réussis, l’humain en est le levier phare.

Une novelle horrifique profonde, très profonde

En effet, l’horrifique des Meutres de Molly Southbourne fonctionne ET résonne par son « esthétique », mais surtout par sa source toute humaine. L’histoire de cette famille est déchirante. Les rapports qu’ils partagent présentent une cohésion et un amour bouleversants alors que le sang n’engendre qu’une violence sans issue véritable. L’abnégation parentale est poignante, tout en glaçant par son extrémité.

Quant à Molly… Quel personnage! Alors, rien de plus logique finalement à ce que les épreuves traversées, et les traumatismes surmontés soient le moteur principal de ce conte horrifique.

La thématique de l’enfance est finement exploitée, et le récit d’horreur se double d’une belle fenêtre sur les difficultés de l’adolescence et de l’acceptation de soi en général.

Rien ne me destiner à aimer cette nouvelle, et pourtant, je l’ai adoré au point de la placer sur mon podium de la collection UHL.

Tade Thompson fait preuve d’une belle virtuosité en jonglant entre l’action, les frissons et l’émotion. Il réussit à maintenir un équilibre parfait entre les sensations fortes, les giclées d’hémoglobine, la sensibilité et la subtilité nécessaires à ses thématqiues pour ne jamais sombrer dans le trop ou le trop peu. Ainsi, nous offre-t-il un récit horrifique magistral.

Illustration en entête : Peter Polach

Ce livre est pour vous si :
  • vous souhaitez livre un récit horrifique de belle facture
  • vous voulez découvrir Tade Thompson à son meilleur
  • Vous avez envie de sensations fortes sans débrancher le cerveau
je vous le déconseille si :
  • Vous n’aimez pas les textes de veine horrifique
  • Vous souhaitez lire un récit vraiment bucolique
  • Du Sang!!!???? au secours!!!
Autres critiques :

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51 réflexions sur “Les meurtres de Molly Southbourne – Tade Thompson

  1. Ravie que tu aies aimé ce récit toi aussi.
    Je trouve que Tade Thompson a fait une histoire qui sort de l’ordinaire et en même temps qui nous parle. J’avais quelques appréhensions aussi au départ, étant une grande froussarde, mais c’est passé tout seul. Du coup, j’ai très envie de lire sa saga en cours chez J’ai lu ^^

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  2. Bouh, ce texte n’a pas du tout fonctionné avec moi. L’ennui est resté présent du début à la fin. En fait je comptais les pages restantes en désespérant que ça n’aille pas vite (ce qui n’est pas un bon signe dans un livre xD)

    Après je sais que les texte qui font peur ou frissonner ne me touchent en général pas. Dans le sens ou ça ne me fait pas peur mais ça m’ennuie, ce qui est exactement ce qui c’est passé ici xD (et pourquoi je ne lis jamais de thriller)

    Bref, j’espérais que vu tout les avis positifs celui ci serait l’exception mais en fait non, ça ne marche décidément pas.

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    • Je dois préciser que les textes « horrifique » me laisse généralement de marbre car je partage avec toi ce détachement vis à vis de l’histoire.
      Ce n’est pas la même chose que lorsque c’est sanglant à tout va.

      Le texte ne reposerait que sur le ressort carmin, je ne serai pas aussi enthousiaste. Or, j’ai beaucoup aimé cette famille ainsi que Molly.

      Donc, c’est un des rares textes horreur qui fonctionne avec moi. J’ai été surprise d’aimer autant. 🙂

      Bref, je ne t’envoie pas celui-ci pour le concours! 😉

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    • C’est vrai que c’est un peu prévisible, et j’avoue ne pas avoir été surprise pas la chute. Mais pour une fois j’ai bien aimé.

      je trouve rassurant que les livres aient des retours pas totalement unanimes. La sensiblité de chacun varie. Je me souviens que pour les Attracteurs de Rose Street, les avis étaient essentiellement tr!s bons, et je n’étais pas entrée dans l’histoire.

      Bref, je suis heureuse de ton commentaire. 🙂

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  3. J’ai aussi beaucoup aimé cette novella avec laquelle je découvrais la collection UHL. Même si l’histoire se devine vite et que sa chute ne surprend pas, comme toi, j’ai été charmée par cette ambiance si particulière du livre, cette manière d’écrire, la façon dont est traitée Molly aussi. A la fois scientifique et distante, mais en même temps, elle en a tellement vécu qu’on ne peut que comprendre sa personnalité, et espérer qu’elle ait une vie plus apaisée, en vain. J’ai aimé le côté horrifique, cette nouvelle façon de parler des doubles maléfiques, mais aussi cette manière dont le récit est sur comment se connaître soi, par le corps, par la chair, en s’étudiant et en se regardant sans filtre, avec les horreurs que cela engendre.

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