Car je suis légion – Xavier Mauméjean

Visite guidée et mouvementée des Jardins suspendus

Mnémos

 

« Babylone, 565 av. J.C., Sarban est un membre estimé de l’Ordre des accusateurs, les juges qui veillent au respect de la loi dans la cité. L’équilibre précaire qui règne entre les humains et les dieux s’effondre brutalement. Les dieux sont fatigués et la déesse du chaos risque de reprendre son pouvoir. Les prêtres annoncent la suspension du temps et des lois. Babylone sombre dans la folie et dans le sang sans que les juges aient le droit d’intervenir.
Mais Sarban découvre un crime sans lien avec les exactions commises dans la fureur ambiante, un mystère qui met en péril jusqu’à l’existence même de Babylone. Et celui de sa propre famille. »

Nous allons nous garder de tomber dans l’analyse métaphysique de cette œuvre, pour éviter de faire couler beaucoup d’encre, car le mot semble depuis une dizaine d’années avoir pris une connotation un peu particulière. 😉

Cependant, j’avoue que le titre du roman, Car je suis Légion de Xavier Mauméjean évoque pour moi, une citation de l’évangile de Marc. La couverture avec son écriture cunéiforme, et le résumé éditeur, éveillèrent donc fortement ma curiosité, me demandant dans quoi l’auteur pourrait m’embarquer…

Je vous rassure, nous restons dans le domaine du séculier, même si le texte baigne dans une ambiance fortement teinté culturellement.

Babylone comme si vous y étiez

Xavier Mauméjean choisit les terres de Gilgamesh pour nous régaler avec ce récit enlevé, ainsi, est-ce en compagnie de Sarban que nous déambulons dans une Babylone  parfumée, vivante et colorée. L’auteur nous fait découvrir aussi bien les temples, Esagil, que les Académies, les cours de justice qui tiennent parfois qu’à un fil ( 😉 ), la Tour de Babel en n’oubliant pas le joyau de son texte, les fameux Jardins Suspendus.

Cependant, ne pensez-pas à une excursion touristique, vous invitant à découvrir de beaux et grandioses monuments historiques. Car, le lecteur déambulera également dans les petites rues, les arrières cours, les estaminets; y rencontrera même parfois des Asusunamirs (travestis pour faire court) ou des gredins pas très fins.

Non seulement, cette lecture vous convie au voyage, en vous berçant sur les bords de l’Euphrate et du Tigre, mais vous vous immergerez totalement dans la reconstitution culturelle avec ses mythes, son organisation politique, juridique et un poil militaire. Je souligne cela, car ces éléments ne servent pas de décor en carton-pâte hollywoodien, mais constitue le socle de son histoire. Et surtout la substantifique moelle de la colonne vertébrale de la trame, que vous sucerez avec plaisir en vous léchant les doigts pour ne pas perdre une parcelle de cette saveur babylonienne.

En 565 avant J.C., l’Empire est gouverné par Nabuchodonosor, entouré de ses ministres et généraux (Abusi, et Zod notamment), qui veillent aux respects des traditions, et surtout à l’équilibre avec leur Dieu Tutélaire, et les hommes. Les rituels y ont une importance sensible, et rythment la vie quotidienne, allant de l’Akitu (nouvel an) avec sa cérémonie bien spécifique (une histoire de copulation entre le roi et Inanna) aux fameux procès menés par les accusateurs, dont Sarban fait partie. Certains seront assez surpris par les Istarîtu, saintes prostituées, et servantes sacrées d’Inanna…

Une fantasy historique et judiciaire

A l’origine du cosmos existent deux entités, Apsû et Tiamat qui engendrent à leur tour une ribambelle de dieux. Agacés, contestés, irrités à tel point qu’une purge est à l’ordre du jour (je vais raccourcir énormément,  c’est promis) aussi, décidèrent-ils d’occire toute leur descendance, tous. Enki apprend le complot et le dévoile aux autres; la progéniture parvient à neutraliser Apsû, mais contenir la mère, s’avère être une sacrée (^^) gageure. En effet, Tiamat est la divinité primordiale du chaos en Mésopotamie, elle représente l’océan, sa force et ses déchaînements, et nous dirons qu’elle peut être très versatile.

Les « enfants » décident de lutter contre Tiamat, la mère de tous. Or Cette dernière a mis au monde une créature (dragon) quasiment invincible, Kingu qui terrasse tous ses ennemis en protecteur farouche qu’il est.  Finalement, c’est Marduk (le dieu tutélaire de Babylone) qui accepte de combattre en échange de la place la plus élevée dans la hiérarchie des dieux. Il parvient à neutraliser Kingu et ‘tuer‘ Tiamat, la mer primordiale. Avec sa dépouille, il crée la voûte céleste, la Terre et les corps astronomiques. Mais voilà, Tiamat n’est pas une menace réellement écartée, et la cité a besoin que Marduk vieille constamment. ET que ce passe -t-il s’il s’octroie un petit somme ?

Le chaos.

Tous les « officiels » de Nabuchodonosor sont affectés à la protection de la cité, et en premier lieu de l’Esagil, le temps que la vague destructrice passe. Sarban comme les autres. Lors d’un de ses tours de gardes, il assiste à un meurtre, lui juge dont le métier est de rendre la justice. Sauf que cette dernière étant suspendue pendant le temps de la sieste de Marduk, il doit bâillonner son instinct et assister impuissant aux multiples crimes qui secouent la cité. Or, sur ce pont enjambant l’Euphrate, il y a un truc qui fait tilt…

Outre le fait que notre bonhomme tend à se transformer en juge Dred et qu’il se met à distribuer baffes et bottes vicieuses, il entreprend une enquête périlleuse à plus d’un titre. Cher lecteur, n’oubliez pas le chaos à peine descriptible qui règne à Babylone et vous comprendrez que mon rapprochement avec cette figure SF d’une justice expéditive n’est pas si osée ou olé!olé!

La thème initial centré sur la justice -toute séculaire- semble s’effacer au fur et à mesure de la lecture, non pas devant une quelconque justice divine – mais celle plus simple du regard de l’autre. Cette fantasy historique rejoint la cousine science-fictive, dans la plus pure tradition.

Quant au titre, Car je suis légion, est une phrase que prononcent les accusateurs. Un clin d’œil, parmi d’autres que vous pourrez savourer ou pas à la lecture du roman.

Quelques imperfections

Xavier Mauméjean nous met les pieds à l’étrier, en relatant les jeunes années de Sarban, depuis son arrivée à l’Académie des accusateurs jusqu’à une scène de procès mémorable. Nous découvrons un homme animé d’une véritable foi dans l’utilité et l’équité de sa fonction, un mari et père aimant mais pas si attentionné, ainsi qu’un ami fidéle et loyal. Si Sarban est un accusateur dans le style Dred, vous adorerez son plus proche compagnon, Cadsim, accusateur également, mais d’un ordre spécifique. Il fait partie des Sâ’ilu, qui enquêtent par intuition, en poursuivant les rêves et les pensées.

La partie apprentissage est courte (heureusement), et sert également à construire le cadre de l’histoire tout en instillant l’ambiance particulière au roman. L’auteur profite de l’occasion pour peaufiner notre propre apprentissage avec l’inclusion de nombreux termes, tout à fait compréhensibles dans le contexte, souvent précisés (et il y a un glossaire à la fin).

Ma réserve tient essentiellement à cette première partie qui peut être ressentie comme assez dense en terme d’informations. Mais ce qui m’a un chiffonnée ce sont les dialogues entre Cadsim (7 ans) et Sarban, lors de leur première rencontre.

Exemple avec Cadsim 7 ans : « Un esclave s’est réfugié sur les terres de sa famille. L’homme fuyait un maître brutal. Haraïm lui a donné asile, puis il a fait prévenir son propriétaire. S’il l’avait protégé, son geste aurait été assimilable à un vol de bien, et son propre père aurait eu en à pâtir. Sans connaître le droit, Haraïm a agi en respectant la loi. Il est malin. »

Quel génie à 7 ans! (j’encadre pas mal de gamin en tant qu’initiateur bénévole, mais aucun ne me parle avec un champ sémantique si développé…). Bref, cela m’a un peu refroidie pendant un bout de temps, avant que l’action batte son plein, et que la tension de l’enquête soit accouplée à un danger omniprésent!

Car je suis légion est un roman de fantasy historique très bien documenté, rythmé et violent.  L’exotisme de Babylone ne cède le pas que devant une histoire charpentée et captivante. Une très bonne pioche.

Ce livre est pour vous si :
  • vous savourez les romans aux ambiances « exotiques »
  • vous souhaitez une fantasy historique
  • vous êtes droit comme la justice
je vous le déconseille si :
  • Vous êtes prude
  • Vous tournez de l’œil à la vue du sang
  • Vous êtes en conditionnelle
Autres critiques :

Boudicca

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