Légende – David Gemmell

Aux Armes! Sus à l’ennemi!

Une légende enfin achevée, et sans déception aucune, cela se fête!

Dros Delnoch est le dernier rempart protégeant Drenaï de la conquête et de l’occupation des troupes Nadirs menées par Ulrich. Ils sont moins de 10 000 hommes devant se tenir contre une horde d’envahisseurs comprenant plusieurs centaine de milliers de guerriers.  Les dés semblent irrémédiablement pipés, la chute certaine, et le sacrifice vain. Mais Dros Delnoch possède un atout, une Légende, Druss, le Capitaine à la Hache.

Le cycle de Drenaï est sans doute une des sagas les plus connues, au moins de nom de l’Héroïc-Fantasy. Si nous partageons une expérience commune, pendant longtemps vous aurez confondu l’HF avec le film de Conan, le Barbare. Long métrage dans lequel un Scharwzy bien bourrin tartinait à grand coups de torgnoles quelques tronches patibulaires. Mâle « testostéroné » absolu, idéal des amateurs de la force brute, il éparpillait l’engeance maléfique d’un revers d’une hache trollesque, avec une facilité toute virevoltante (ou virévoltante?…).  Un scénario à la diète filait en ligne droite, pour franchir une dernière étape courue d’avance. J’avoue que le genre tout en muscle ne me fait pas rêver, d’où ma réticence concernant les œuvres -même phares- de l’Héroïc-Fantasy.

Après la lecture de ce deuxième roman de David Gemmell, mes aprioris quant à la platitude cérébrale et l’absence de subtilités du genre se sont envolés, et je reconnais volontiers que l’HF ne se réduit pas à un Conan n’alignant pas deux mots de vocabulaire, mais des baffes à qui mieux mieux. Néanmoins, Druss lui ressemble, les neurones et le cœur en plus, comme nous allons le voir.

Une comparaison avec Fort Alamo de circonstance, mais…

Nous sommes dans un monde médiéval fantastique classique, et sans aucune surprise, une composante western peut  y être associée, comme présentée dans le résumé éditeur. En l’occurrence, les éditions Bragelonne cite Fort Alamo (1836) qui fut un siège historique célèbre (et mis sur un piédestal par nul autre que John Wayne – en Davyd Crockett, comme il se doit).  Ce siège opposait une centaine de jeunes ou moins jeunes volontaires des USA à 1500 soldats mexicains, avec l’appui de ce vieux renard politique –  Davyd Crockett – pour insuffler force et courage aux valeureux futurs sacrifiés.

Malgré les similitudes apparentes, le compte n’y est pas tant la situation numéraire entre les troupes, ressemblerait presque à une aventure de Choupi au far West. Si l’on veut faire une comparaison historique, nous pouvons penser à la bataille des Thermopyles (si,si vous connaissez. Mis en « scène » par le film Les 300).  Environ 7000 soldats grecs s’opposèrent à l’immense armée perse dans le Défilé des Thermopyles, mais notre compte n’est pas encore bon.

Si nous cherchons une comparaison avec un fait historique réel, nous évoquerons la Bataille de Cameron, où 62 légionnaires français s’opposèrent à l’avancée de l’armée mexicaine, retranchés dans une hacienda (toute une journée – 29 avril 1863). En terme, d’héroïsme ET de force surnuméraire, nous sommes bien plus proche de ce que nous propose David Gemmell avec Légende, et son affrontement à 1 pour 50 au moins, et une perspective tout aussi funeste…

Autrement, rappelez-vous tout simplement l’assaut des troupes du Mordor contre Les Deux tours, et vous aurez une image qui s’approche de Dros Delnoch s’élevant contre les guerriers d’Ulrich le Nadir.

Toujours est-il que combat, vous désirez, et vous serez ravis. Mais, pas tout de suite, car le roman ne se contente pas de vous servir des tripes et autres joyeusetés à tour de bras.

Non, David Gemmell est bien plus habile et intuitif que cela. Il vous fait mijoter tranquillement dans vos bottes avant d’envoyer les assauts. Il démontre combien le combat est disproportionné et sans appel, combien toute résistance est futile, vaine et illusoire. La pression monte doucement. Tout doucement, et le lecteur s’imagine parfaitement cette douce torture, un peu à la façon dont les mexicains jouent le De Guella (« pas de quartier ») à John Wayne dans Rio Bravo. Le message passe : vous serez hachés menus…

Impossible d’échapper à la sensation d’inévitable et de sentir profondément les événements à venir, l’empathie joue son plein pour ces fermiers et soldats qui vont se sacrifier de mur en mur (il y en a 6 en tout) pour barrer la route à cette invasion.

Des personnages solides

Outre, un récit poignant en raison des forces en présence, le lecteur se sent absorbé par l’histoire en raison des personnages, Druss et Ulrich, en tête. Le premier illustre le vieux guerrier en bout de course, fatigué, pour lequel la vieillesse et le délabrement physique sont pires que le sort d’un ultime combat perdu d’avance. Le second, ennemi de ces braves n’est pas un adversaire binaire, assoiffé de sang et d’ambition. De l’ambition, il en a à revendre, une vision aussi. Ulrich est avant tout soucieux du bien-être et de la grandeur de son peuple, il s’avère aussi charismatique qu’intelligent, loin de l’être maléfique assoiffé de sang.

Ainsi, le récit ne joue-t-il pas sur une dichotomie qui serait tellement facile et évidente, car il est impossible de haïr cet homme qui pourtant n’envisage pas de faire de quartier. La tragédie qui s’esquisse prend alors davantage de saveur, et quelque part, le gâchis en cours tord les boyaux de frustration.

D’ailleurs, nos deux protagonistes sont accompagnés d’un cohorte de personnages marquants, ou de phalange originale. Je pense en premier lieu à cette troupe de moines soldats (à défaut de meilleur terme), les Trente dotés de compétences martiales remarquables, d’analyses stratégiques pointues tout autant que de capacités magiques/psychiques précieuses. Et, il y a bien sût le comte et son épouse dont l’évolution apporte une touche de sensibilité supplémentaire à ce récit de bravoure.

Un style percutant

En effet, cette qualité tout à fait admirable est au cœur de cette aventure littéraire, et s’entend non seulement au sens guerrier du terme, que celui plus civil et personnel. La plume de David Gemmell, tout en instinct et sans fioriture montre une grande sensibilité pour le mot juste et l’effet maximal sur le lecteur. Ce n’est ni de l’économie, ni du simplisme, c’est un art de parvenir à parler directement au cœur et à l’imagination du lecteur.

Ainsi, j’achève Légende de David Gemmell avec le regard brillant, emportée par un récit qui se lit d’une traite. Il y a bien quelque défauts et quelques facilités narratives sur la fin, mais qu’importe ; que ce fut bon!

Ce livre est pour vous si :
  • vous savourez les fantasy épique
  • vous aimez les styles directs
  • vous êtes amateur des combats David contre Goliath
je vous le déconseille si :
  • Vous avez le cœur fragile
  • Vous n’aimez pas les baffes
  • Pour vous une belle plume est faite de circonvolution.

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70 réflexions sur “Légende – David Gemmell

  1. Aaaah, un classique, je l’ai en plusieurs éditions et je l’ai « relu » en audio récemment. Tout ce que j’aime.

    Sinon le film Conan est super profond, zn fait, c’est un des films préférés de madame ours (mais je connais pas les bouquins)

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      • Bonsoir,
        Découvrant le blog, il me faut d’urgence défendre « Conan ».
        Il faut découvrir le VRAI « Conan » de Howard.
        J’adore le film de Milius, servi par la musique fabuleuse de Poledouris.
        Mais il n’a rien à voir avec l’œuvre de Howard. Rien du tout. Ni le personnage, ni le monde… rien. Pour véritablement découvrir ce que l’on entend par « heroic fantasy », il faut lire « Conan ». C’est la référence, la base de ce genre.
        Une œuvre magistrale, aussi fondatrice que « Le Seigneur des anneaux »… et les mythes antiques, bien sûr. On oublie souvent que la fantasy n’est rien d’autre que l’héritière des aventures d’Héraclès, Thésée, Jason, Atalante, Ulysse, Sindbad et autres Siegfried.

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  2. Je dois avouer faire partie de cette catégorie qui n’aime pas les baffes et qui a un amour des circonvolutions ^^ J’avais commencé cet ouvrage il y a quelques années, pour l’interrompre en pleine lecture, mais ton article m’a donné envie de retenter l’expérience!

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    • Les styles à circonvolution sont très agréable, je pense notamment à Jarowski qui parvient à donner à ses fantasy une ambiance très particulière.

      Je ne pense pas que cela serait très adapaté à Légende toutefois qui se veut plus « brutal », frappant aux tripes.
      C’est sûr que si tu cherches pas de baffes et des phrases poétiques….
      Oui, il te faut retenter, en sachant à quoi t’attendre désormais. 🙂

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  3. HA!…Druss et sa légendaire Snaga…

    C’est Gemmel dans toute sa puissance, épique et héroïque à souhait -et même plus-. Un plaisir qui point à chaque lecture de ses romans, même si, à mon avis, seuls quelques-uns suffisent à se faire une idée globale de toute son œuvre.

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  4. Hello Albédo.
    J’adore Légende en particulier et Gemmell en général. Il reprend un peu toujours les mêmes thématiques, au premier rang desquelles l’acceptation de ce genre de combat qu’on fait « par principe » et non pas dans l’espoir réel de le gagner, et ça me parle. Il y a une grosse dizaine de tomes dans le cycle Drenaï et ils ne sont pas aussi bien que celui-ci, voire assez oubliables pour certains, mais j’ai trouvé la trilogie sur Troie génialissime. 🙂

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    • Hello Alys/
      Je suis heureuse de lire de tels retours. Tu me donnes très envie de découvrir la troligie de Troie.
      Je compte lire le cycle Drenaï tranquillement, pour ne pas saturer trop vite. Si j’enchaîne trop vite j’ai tendance à me lasser.
      J’aime bien Gemmell.

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  5. Je ne l’ai jamais lu, mais je connais Troie de David Gemmell, tu l’as lu ? J’ai beaucoup aimé, les personnages étaient très attachants et l’histoire vraiment bien. Sinon j’ai commencé Renégats, mais j’ai moins accroché… Je pense que j’y reviendrais une autre fois 🙂

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  6. Ma lecture date d’il y a longtemps mais j’en garde un excellent souvenir (je n’ai pas le coeur fragile et j’aime bien les baffes ^^). Contente de voir que tu as aimé aussi et merci pour cette critique très détaillée 🙂

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        • Je vois ce que tu veux dire avec un roman très faible. C’est vrai que concernant l’histoire et son déroulement, il n’y a guère de surprise. Même avec le personnage de Druss qui est devenu un archétype finalement.
          Mais, car il y a un mais. La mayonnaise prend et tient le route. On se laisse emporter facilement, et ca c’était pas gagné.

          En revanche, je ne vais pas les aligner un après l’autre car je vais me lasser vite.

          J’ai beaucoup aimé Waylander.

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  7. Superbe chronique (comme toujours d’ailleurs) ! Content que tu ais apprécié la bête ^^ Nous nous rejoignons sur de nombreux points (pour fort Alamo c’était pas genre 300 cowboys contre 7000 mexicanos ? Bref), on retrouve les mêmes codes que dans Waylander (sauf que dans celui-là, on découvre l’origine des 30, l’armure de Bronze, Waylander qui dit que les Nadirs ne seront jamais unifiés,…). Je trouve que le lire dans cet ordre est plus intéressant que lire d’abord Légende et ensuite Waylander.
    Mais on aime ce que fait Gemmell, style direct et aggressif, avec ce qu’il faut de tact pour nous attacher aux personnages. Bref, on aime quoi.
    Merci pour ton retour de lecture 🙂

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  8. David Gemmell c’est une de mes récréations, quand je suis fatigué et que j’ai envie de me faire plaisir sans me fatiguer la tête. Parmi toutes les références, j’ajouterai un humour western italien, avec des répliques cultes style « et toi tu creuses ».
    On ne lit pas David Gemmell pour apprendre, se cultiver ou philosopher, mais on se fait diablement plaisir.

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