La Religion – Tim Willocks

Magnifique! 😉

Sonatine

« Mai 1565. Malte. Le conflit entre islam et chrétienté bat son plein. Soliman le Magnifique, sultan des Ottomans, a déclaré la guerre sainte à ses ennemis jurés, les chevaliers de l’ordre de Malte. Militaires aguerris, proches des templiers, ceux-ci désignent leur communauté sous le vocable de « la Religion ». Alors qu’un inquisiteur, arrive à Malte afin de restaurer le contrôle papal sur l’ordre, l’armada ottomane s’approche de l’archipel. C’est le début d’un des sièges les plus spectaculaires et les plus durs de toute l’histoire militaire. Dans ce contexte mouvementé, Matthias Tanhauser, mercenaire et marchand d’armes, d’épices et d’opium, accepte d’aider une comtesse française, Carla La Penautier, dans une quête périlleuse. Pour la mener à bien, ils devront affronter les intégrismes de tous bords, dénouer des intrigues politiques et religieuses, et percer des secrets bien gardés.

Sur fond de conflits et de mystères religieux, cet ouvrage follement romanesque et d’une érudition sans faille témoigne d’un sens de l’intrigue remarquable. En explorant la mystérieuse histoire des chevaliers de l’ordre de Malte, Tim Willocks, porté par une langue aussi intense que réaliste, évoque autant Alexandre Dumas qu’Umberto Eco. Un classique immédiat.« 

Un roman digne de l’imaginaire

Que peut donc bien faire un roman historique sur un blog dédié à l’imaginaire?

En réalité, les raisons de le chroniquer dans ces pages sont nombreuses. Outre la qualité propre du roman, La Religion véhicule à la fois une ambiance et un sentiment qui l’apparentent à notre genre tant aimé. Ce n’est pas un hasard si l’on croise le nom de Stephen King dans les différentes présentations. Les descriptions des batailles sont dignes de la plume du maître du suspens et de l’horreur. Lorsque vous vous retrouverez au centre de la mêlée, alors que les armes s’entrechoquent, vous aurez le tournis. Tous vos sens seront sollicités, et l’art de Tim Willocks consiste à vous planter là, au milieu de la fureur métallique, des cris de rage, d’angoisse et de douleur. Les odeurs nauséabondes des tripes se rependant au sol,  ou encore des vessies qui se lâchent, assaillira vos narines, et ce n’est pas les demandes de grâce étouffées par ce capharnaüm qui vous apportera une once de salut. Vraiment, La Religion tient la comparaison avec un bon King question frissons.

J’ai annoncé qu’il y avait plusieurs raisons de l’intégrer dans notre giron imaginaire. C’est ainsi que j’évoquerai à la fois Glen Cook et Steven Erikson. Ce roman présente des caractéristiques communes avec ces deux écrivains. L’ambiance y est résolument sombre, tenant sans aucun doute de la Dark Fantasy avec ses zones d’ombre, ses personnages ambivalents aux motivations équivoques, ainsi que son absence de dichotomie. De plus pour rebondir sur les batailles, épique est un qualificatif qui lui va comme un gant – ou plutôt un gantelet. Au cœur des affrontements, c’est l’ivresse de l’adrénaline qui vous attend, un souffle unique vous parcourt l’échine alors que les armes parlent, que l’acier étincelle et tonne à chaque botte. L’ampleur du siège et des combats sont tels qu’ils vous marqueront indéniablement.

Il y a également ce refus de concession vis-à-vis notre époque, d’écrire un roman où le rôle de chacun est conçu en fonction de nos standards contemporains. Le siège de Malte a eu lieu au XVI° siècle, alors ne vous attendez pas à voir une jeune et magnifique femme participer aux affrontements, leurs place et rôle sont conformes aux canons d’alors, et ce choix pourrait heurter les plus féministes d’entre vous. D’un autre côté, Tim Willocks ne revendique pas un retour en arrière avec un place de la femme cantonnée à un rôle limité. Au contraire, en soulignant ces positions, il démontre que rien n’est acquis définitivement… Même de nos jours.

Cette volonté de véracité me fait immanquablement penser aux textes de Guy Gavriel Kay. Les deux auteurs ont consenti un gros travail de recherche et de documentation pour rendre à leurs romans un parfum d’authenticité qu’il convient de souligner. La lecture est ainsi à la fois ludique et instructive.

Ainsi, pour moi, il n’y a aucun doute, La Religion de Tim Willocks mérite une belle chronique dans les pages d’Albédo, tous les amateurs de roman historiques ET de fantasy de qualité devraient s’y précipiter dessus.

L’histoire dans l’Histoire

Quoi de mieux que de conter l’Histoire à travers l’épopée de protagonistes qui nous font vibrer ? Aussi, Tim Willocks choisit-il de nous immerger dans le siège de Malte en 1565, opposant les Hospitaliers aux troupes de Soliman le Magnifique.

Cette bataille qui va durer 4 long mois, n’est pas un fait militaire isolé. Il s’agit d’un épilogue à un conflit qui dure depuis de longues décennies. Les Chrétiens ont perdu de nombreuses terres dans le pourtour méditerranéen sous la pression Ottomane. Les Hospitaliers demeurent toutefois un caillou dans leur babouche, les poils à gratter pas totalement périlleux, mais qui ne cessent de démanger et de détourner l’attention.

Soliman1° – qui n’est pas encore Le Magnifique – accéda au pouvoir en 1520 et il entreprit derechef des conquêtes militaires d’envergure pour consolider l’emprise ottomane. Si vous observer une carte, vous constaterez qu’il imite un autre grand nom du passé : Alexandre le Grand.

Revenons à nos moutons féroces hospitaliers.

Donc, Soliman étendit avec brio l’Empire Ottoman, à tel point que Vienne fut menacée. Cependant, quelques éléments le turlupinèrent régulièrement, surtout que ces faits se déroulaient au centre de son édifice, en pleine Méditerranée. Le Magnifique dut faire face à la piraterie s’attaquant à ces lignes commerciales et à de nombreuses embuscades maritimes. Les principaux commanditaires et accessoirement exécutants n’étaient autres que les Hospitaliers.

Il va donc, les combattre une première fois à Rhodes, bataille où ses derniers prennent une petite « branlée », et se réfugient à Malte en 1522. La Méditerranée fut une zone stratégique de grande importance, Soliman arma ses propres « pirates », et vous avez sans doute entendu au moins le nom de son célèbre amiral, Barberousse!! Les Hospitaliers ne restèrent pas sur leur quant à soi et s’immiscèrent dans de nombreuses escarmouches.

De guerre lasse, Le sultan décide alors de régler leur sort, et assiège l’île de Malte, en 1565, lieu où se déroule le roman de Tim Willocks.

C’est en compagnie d’un allemand que nous allons parcourir l’île et vivre la plupart des combats. Il s’agit de Matthias Tanhauser, qui a un profil atypique puisqu’il a été élevé en Turquie après sa capture quand il était enfant, a intégré le corps des janissaires au service du sultan (les troupes de choc) avant de prendre sa retraite. Désormais mercenaire, marchand d’armes et d’épices, il vend ses services au plus offrant. Jean Valette, le grand Maître des Hospitaliers l’engage pour organiser la défense de la capitale de Malte.

En sus, une séduisante comtesse française demande son aide pour retrouver son fils, une fois l’accord scellé, les deux protagonistes vont vivre une aventure palpitante (je ne parle pas d’aventure romanesque). Il y a bien une histoire d’amour, mais c’est une histoire impossible, vouée à l’échec.

Tim Willocks n’hésite pas à inclure une intrigue de palais, qui frôle le thriller. La Papauté n’apprécie que modérément les qualités commerciales des chevaliers de Malte. Elle y voit une concurrente potentiellement dangereuse, et envoie donc un fin limier de la Sainte Inquisition,  Ludovico, histoire de mettre tout le monde sur le doit chemin…

C’est un programme alléchant, n’est-ce pas ?

Un œuvre forte

Vous aurez compris que La Religion est un roman puissant, riche, palpitant et féroce. Certes, ce texte contient nombre morceaux de bravoure d’une intensité telle  qu’ils pousseraient même une brebis corse en pleine crise de catatonie. Les âmes très sensibles seront au bord de la panique, mais savoureront ce voyage avec un peu de recul. Les autres dévoreront le roman sans demander leur compte.

Au-delà du roman historique, le texte porte la réflexion sur l’influence passée, présente et future des religions à pousser à la guerre. Et, là, Willocks est magistral.

Un petit mot sur l’édition présentée

Il s’agit de la réédition chez Sonatine. Le livre objet est magnifique, avec une double couverture travaillée, un noir intense qui met en valeur la tranche et le design. La papier utilisé est très agréable au toucher, épais; la typographie est soignée et l’impression de l’ensemble me fait me sentir comme une coccinelle rougissante à la vue d’un puceron bien dodu. Miam!

Idéal comme cadeau….. 😉

 

 

Ce livre est pour vous si :
  • vous savourez les romans sans concession
  • vous souhaitez lire une « fantasy » intense avec un fond historique solide
  • vous avez envie de frissons
je vous le déconseille si :
  • Vous êtes féministe convaincue, avérée, et sans concession…
  • Vous ne supportez pas même le mot « religion »
  • Si vous souhaitez lire quelque chose de calme
Autres critiques :

Boudicca du Bibliocosme

Il doit y en avoir quelques unes, non ?

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41 réflexions sur “La Religion – Tim Willocks

  1. Lu il y a un moment et je garde en effet le souvenir d’une reconstitution historique impressionnante et de scènes de combat hyper réalistes. Par contre je n’avais pas du tout accroché au personnage de la comtesse et à son rôle dans l’histoire. (ils ont sorti une adaptation en bd il me semble…) En tout cas ta critique rappelle des souvenirs 🙂

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    • Comme je te l’ai dit – à moins d’être réfractaire aux romans historiques et accessoirement à la fantasy puisqu’il sen rapproche – cela vaudrait le coup que tu le tentes. Je ne te certifie pas que tu tomberas absolument à la renverse, mais je crois qu’il peut l’intéresser.

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  2. J’adore ce genre de romans ! Noté dans ma WL 🙂
    Par contre je m’interroge, c’était intéressant de lire ta justification mais ressentais tu vraiment le besoin d’en écrire une ? Je ne le relève pas comme une critique hein mais ça m’a interpellée. C’est ton blog, tu parles des romans que tu veux non ? 🤔

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    • J’ai bien compris que ce n’était pas une critique, don’t worry! 😉
      Je parle des livres que je lis, et j’ai d’ailleurs pas mal d’incitations qui me demandaient ce que je lisais d’autre et d’en parler. Alors, le livre a toute sa place ici, cela ne conteste pas.
      J’ai structuré ma critique ainsi, car je voulais sortir des sentiers habituels tout en disant à quelles influences je le rattacher. Je n’ai pas voulu faire une justification mais un effet. LOL
      figure-toi que je me demandais si je n’allais pas trop loin. 😉

      En ce qui concerne le roman, il ne fait aucun doute dans mon esprit que celui-ci est fait pour toi. 🙂

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  3. Moi aussi j’ai bcp aimé « La Religion »…
    Voici ce que dit de la suite Salvek sur son blog (maintenant arrêté depuis plus de 4 ans) : http://fantasyaupetitdejeuner.blogspot.com/2014/10/les-douze-enfants-de-paris-par-tim.html
    Ce blog était super…Mais l’auteur, devenu papa, a tout arrêté …

    Il y aussi cette référence sur les 12 enfants : « Encore du noir » : http://www.encoredunoir.com/article-les-douze-enfants-de-paris-de-tim-willocks-123417991.html

    Superbe chronique, comme toujours ! Forza Albedo !

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  4. Bien, bien, bien, je ne supporte pas le mot religion, mais bon sang, t’as donné envie avec cette chronique ! J’ai connu l’histoire du siège de Malte en me rendant là-bas où ils avaient fait la projection d’un film retraçant l’Histoire de l’Île (et donc de ce fameux siège décrit dans le livre). J’étais fasciné à l’époque et je crois que ce livre, mêlé aux intrigues et aux combats qui semblent intenses, va me fasciner tout autant. Je prend très bonne note de ce bouquin. Merci pour ce retour de lecture !

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    • Justement, ce que j’aime c’est un regard acéré sur LES religions. Je crois que c’est un roman que tu trouverais prenant. Je te le conseille.

      D’ailleurs tu y retourveras un parfum connu suite à ce voyage. N’hésite pas, l’édition est superbe en plus.

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  5. Pour moi La religion est un monument, à lire pour tout amateur de littérature qui supporte quand même une certaine dose (et même une dose certaine) de violence.
    Il y a du souffle, du romanesque, du suspense, de grandes scènes, des surprises dans la façon de montrer qui, à cette époque là, était le plus intransigeant et le plus allergique au compromis (une des thématiques récurrentes de Willocks), et une écriture absolument incroyable dans sa façon de faire ressentir la violence, dans ce qu’elle a d’horrible, mais aussi, de très attirant.
    Certes, Les douze enfants de paris est moins réussi, mais j’avais quand même beaucoup aimé. A essayer, en sachant que là aussi Willocks choisit un moment de violence et de chics des religions, avec la nuit de la Saint Barthélémy.

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  6. Pffff je suis de nouveau hyper en retard dans tes chroniques !! Je lis tout, mais je n’arrive pas à tout commenter… Tu es beaucoup trop efficace 😉
    Ce livre a l’air hyper intéressant !!! Et j’aime beaucoup Sonatine, alors tu n’as pas eu besoin de grand chose pour me convaincre (mais la chronique est très alléchante)

    Aimé par 1 personne

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