Les 81 Frères – Romain d’Huissier

Une invitation onirique

Les chroniques de l’Étrange, tome 1

Critic/ Folio SF

 

« Sous les néons de Hong Kong rôdent démons et fantômes.
C’est le quotidien de Johnny Kwan, exorciste. Mais quand un richissime amateur d’antiquités fait appel à lui pour récupérer un manuscrit de sorcellerie volé dans de mystérieuses circonstances, il ignore que de la réussite de son enquête dépendra l’ordre de tout ce qui vit sous le Ciel.
Atteint par la perte de son mentor Eric Tse, illustre exorciste brutalement assassiné, Johnny devra naviguer entre rois-dragons avides et triades vengeresses, mais également combattre ses propres démons.« 

Une Urban Fantasy requinquée

Vous avez sans doute tous vu ou lu un film ou un roman noir un de ces jours. Dans mon éventail cinématographique, j’ai adoré les films avec un Humprey Bogard, viril, couillu et au sens froid ammoniaqué. Généralement, l’enquêteur – un détective privé – nous conte une aventure bien sombre, entortillée autour d’un sombre secret, se dévoilant au regard sombre et perçant après un jeu de lumière tout en contraste. Le tout est  forcément raconté à la première personne, avec un détachement aussi factice que le cynisme affiché par le héros. Cela vous dis quelque chose ? Le récit qui nous occupe partage quelques effets narratifs à ces œuvres identifiables.

Cependant, Les 81 Frères de Romain d’Huissier emprunte un chemin qui n’en a qu’une lointaine parenté, car le roman est bien plus pétillant, solaire et boosté aux énergies vitales que ces lointains ancêtres américains (en France, nous avons Nestror Burma….). Et, je dois dire qu’avec ce texte, il rivalise largement avec mes films tant vus et revus.

Il faut en premier lieu vous donner quelques éléments du contexte. Nous plongeons en plein ville de Hong Kong, rétrocédée à la Chine depuis quelques années, et dont la fête commémorative  se célèbre au 1° juillet de chaque année (date qui aura son importance). Contrairement à ce que le lecteur pourrait attendre, nous découvrons différents quartiers de la ville – du plus branché au plus modeste – de nuit comme de jour, déambulant aussi bien dans les avenues que sur les canaux.

L’Urban Fantasy cherche à se démarqur depuis quelques années de nos louveteaux testostéronés faussement durs à cuire, ou encore, des gentils et ténébreux vampires qui brillent de jour comme de nuit, et qui s’infligent une diète contraire à leur nature (bientôt ils nous pondront des créatures trop choupinettes et vegan). Toutes les sauces ésotériques et mystiques sont passées à l’épreuve de nos enquêteurs pudiquement cyniques, parfois à voile ou à vapeur, généralement bien pourvu question dentition – pour notre plus grande lassitude.

Un système de magie au service de l’intrigue

Avec le texte de Romain d’Huissier, nous sommes loin de ces Urban Vampasy, dans lesquelles Maya l’Abeille fait figure de nouvelle héroïne plus bad-ass que Lara Croft. Le cadre pittoresque est loin d’être le seul élément d’exotisme et de fraîcheur, le système magique se démarque notamment à la fois par la solidité mise en place mais également par la cohérence d’ensemble dégagée.

Notre héros, un fat si, ou exorciste, puise ses capacités et particularismes dans le taoïsme. (Je ne vais pas vous proposer un cours magistral, internet peut répondre à n’importe quelle question que vous pourriez vous poser.)

L’auteur utilise des concepts qui nous sommes quand même familiers – au moins de nom, comme le Yin et le Yang. Contrairement à beaucoup d’œuvres d’Urban Fantasy ou de nombreux romans de fantasy tout court, il n’y a pas une essence magique bonne et l’autre mauvaise. Que l’on puise dans le Yin ou le Yang importe finalement qu’à la marge sur l’échelle morale, mais canalisera les possibilités du pratiquant sur une série de compétences ou de sensibilités à son contraire.

Se fondant sur le taoïsme, cette « magie » repose sur l’énergie vitale, la méditation, les objets anciens et empreinte d’infusion mystique, les préparations, talismans,… En découle tout un ensemble charmant, cohérente et surtout à la saveur exotique. Alors certes, cela ne pète pas à la figure à chaque manifestation thaumaturgique, il n’y pas de sorts spectaculaires qui fracassent des quartiers entiers, des raz de marée provoqués par le claquement d’un petit doigt sur la couture du pantalon… Non, et c’est sans doute tout aussi efficace, se jouant également dans l’esprit des protagonistes, la force mentale et l’approche psychologique.

En causant d’esprit, cette culture animiste est parfaitement mise  en valeur, et le lecteur rencontrera plusieurs de ces incarnations au cours de ses pérégrinations dans le roman de Romain D’Huissier. N’oublions pas le fen shui, et les divers principes associés, et nous aurons fait un tour certes ramassé mais assez fidéle de cette culture séduisante et parfois déroutante.

Et une culture au service de l’intrigue

Forcément, les vilains qu’affrontera Johnny seront par nature essentiellement spirituels… Le combat n’en est pas moins physique et périlleux, surtout qu’une fois incarnés, les coups sont surpuissants. La menace finale qui se profile à l’horizon est assez coriace pour bouleverser l’équilibre même du monde matériel…

Notre fat si, exorciste de spécialité, devra donc rassembler ses forces pour conjurer les différents esprits rencontrés dans son périple vers la vérité. L’achalandage s’avère plutôt très varié et exotique, ce qui permet d’avoir un sentiment de découverte à chaque chapitre. J’ai adoré les petits clins d’œil et surtout été enchantée de la présence en fond de toile de l’esprit femme-renard. Pour couronner le tout, il y a même des zombies!!!

Du rythme et une jolie plume

La trame emprunte un chemin relativement classique avec deux événements qui ont vocation à s’emboiter. Cependant, l’auteur parvient à maintenir un suspens tout du long pour notre plus grand plaisir. Le rythme est excellent, et il est à parier que vous enchainerez les chapitres pour connaître la suite ce cette aventure avec frénésie.

J’ai adoré l’écriture de l’auteur, en finesse et avec de l’humour.

Ce premier tome des Chroniques de l’Etrange m’a enchantée. Sans prétention autre que le divertissement et le dépaysement, il remplit son office avec brio, proposant la découverte de Hong Kong sous une lumière onirique et séduisante. Une Urban Fantasy qui mérite l’attention.

Merci à Masse Critique pour cette bonne pioche!

PS : je vous rappelle le petit jeu en cours sur mon blog, le thème de ce mois ?

Ce livre est pour vous si :
  • vous savourez les récits nerveux et les jolies plumes
  • vous aimez lire un roman plein d’esprit(s)
  • vous voulez découvrir une Urane fantasy d’inspiration asiatique
je vous le déconseille si :
  • Vous et le mystique, ésotérisme, cela fait deux
  • Vous êtes un amateur de SF, et la Fantasy est trop fantaisiste
  • Les vampires sont beaux quoi qu’on en dise
Autres critiques :

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37 réflexions sur “Les 81 Frères – Romain d’Huissier

  1. « L’Urban Fantasy cherche à se démarquer depuis quelques années de nos louveteaux testostéronés faussement durs à cuire, ou encore, des gentils et ténébreux vampires qui brillent de jour comme de nuit, et qui s’infligent une diète contraire à leur nature (bientôt ils nous pondront des créatures trop choupinettes et vegan). Toutes les sauces ésotériques et mystiques sont passées à l’épreuve de nos enquêteurs pudiquement cyniques, parfois à voile ou à vapeur, généralement bien pourvu question dentition – pour notre plus grande lassitude. »

    Je l’imprime et je l’encadre !

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  2. C’est sans doute parce que tu n’as jamais vraiment cherché à explorer l’urban fantasy en dehors des trucs « grand public » et plein de romance qui se vendent comme des petits pains. Réduire l’urban fantasy à la bit-lit c’est comme réduire la SF au space opéra, on passe à coté de quantité d’autres choses très différentes. (que ça plaise ou pas après c’est en fonction des gouts de chacun, la n’est pas la question)

    Bon après j’aime le genre, donc voir comparer des œuvres jeunesse (ou YA, mais c’est pareil pour moi) à des séries adultes me fait grincer les dents. C’est un peu comme si on disait que toute la fantasy était cliché et ne se renouvelait jamais en citant ensuite Eragon, j’aurais envie de hurler.
    Il y a un faussé énorme entre celle ci ou Dresden (ou d’autres du même genre) et Twilight quoi. J’ai limite envie de dire : passez à autre chose, c’est frustrant de revenir toujours la dessus dés qu’on parle du genre, + de 10 ans après.

    En plus tu aurais parlé de ça il y a même encore 5 ans ça aurait pu le faire mais ça commence à faire un paquet d’années que les séries avec vampires ou les garous n’ont plus du tout la cote. D’ailleurs je n’ai pas souvenir d’une seule nouvelle série publiée depuis, même en incluant la « bit-lit » actuelle, qui ai ce genre de surnaturels la comme protagonistes principaux.

    En fait ce qui m’énerve (et ça ne te concerne pas la, je parle en plus général) c’est quand des personnes qui n’en lisent quasiment jamais se permettent de critiquer l’ensemble du genre comme si ils connaissaient tout ce qu’il y a savoir dessus (alors qu’ils n’en on vu que les clichés les plus populaire, de très loin) et qu’ils jugent ça sur un ton hautain comme si ils étaient d’un niveau tellement au dessus.
    En résumé je déteste le snobisme littéraire, et tu as réussi à ne pas tomber dans le piège.

    Aimé par 3 personnes

    • Disons, surtout que j’aime beaucoup taquiner. En fait, c’est impossible pour moi de ne pas taquiner les gens et les lecteurs autour de moi.
      Forcément, avec l’Urban Fantasy, j’ai un terrain de jeu très, très vaste, et j’en profite! LOL

      Je sais que l’Urban Fantasy ne se résume pas à des créature de bit-lit en rut continuel, enchainant coïts et tentatives de séductions.

      Si j’insiste sur une certaine Urban Fantasy qui me file de l’urticaire, c’est que je sais qu’il ya de bons trucs comme ici, ou avec encore plein d’autres auteurs. J’en ai déjà lu quelques uns…

      Mais tu as raison sur bien des plans concernant se sous-genre. 🙂

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  3. Oh la, un joli débat autour de l’Urban Fantasy se profile. Rien que pour ça je reviendrai, parce que je suis plutôt SF… 😉

    Sinon les billets s’enchaînent rapidement ces jours-ci, as tu le temps de lire au moins ?!

    Aimé par 1 personne

    • Oui, mais il n’y pas vraiment de débat, puisque je taquine par jeu.
      Ah! je sais que ce n’est pas trop ton truc, mais je devais la publier dans le cadre de Masse critique.

      Oui, les billtes s’enchaîenent car j’ai pris pas mal de retard dans la publication de mes chroniques, et j’ai un petit projet pour le 1° décembre. IL faut que tout soit en place auparavant, et j’ai aussi un jeu sur le blog en cours, il faut que les critiques associées y apparaissent – au moins les principales.

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  4. Tentant ! Par contre, je ne me souvenais pas avoir vu à sa sortie qu’il s’agissait d’un tome 1… Mais j’imagine, vu ce que tu en dis, que l’histoire présentée se conclut à la fin du livre ?

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    • Ah! Je n’ai pas lu Lord Démon, alors je ne peux pas te confirmer.
      J’ai déjà lu pas mal de truc se basant en Asie, d’inspiration asiatique, ou avec une culture asiatique, mais c’est la première fois que je ressens l’esprit animiste ainsi.

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  5. Pas mon trip l’Urban Fantasy, c’est nul, c’est pour les gosses et je comprends pas qu’on puisse parler de littérature pour ce genre de trucs. Il y a du papier bien plus utile, comme le PQ !

    Excuse moi Lianne, je suis assez taquin aussi.
    Pour ma part, je suis un peu trop terre à terre pour ce style, j’avais tenté Les rivières de Londres (j’ai un doute sur le titre) mais les éléments surnaturels me laissent perplexe et me font décrocher de l’histoire.

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