La Fleur de Dieu – JM Ré

La Fleur de Dieu, tome 1

Albin Michel Imaginaire

 

Le Fleur de Dieu annonce clairement ses références et sa « filiation » avec l’immense Dune de Herbert. Pour autant, il ne s’agit pas d’une fade resucée, d’un pompage éhonté de cette œuvre maîtresse de la SF. Le roman de Jean-Michel Ré s’en inspire certes, mais s’en démarque largement – comme nous le verrons – pour s’émanciper et se créer son propre chemin.

L’ambition de l’auteur se note déjà à la lecture du résumé qui ne dévoile pas les moments clés de l’intrigue (ouf!).

An 10996.
L’Empire s’étend sur dix-huit mille mondes habités. Au-delà de ses frontières, vit une diaspora humaine dont on ignore tout. Dans les déserts suspendus de la planète sacré, Sor’Ivanya, pousse la Fleur de Dieu. Ce remède à de nombreux maux est aussi un vecteur privilégié pour accéder au divin. Grâce à la Fleur de Dieu, l’Homme sait désormais ce qui advient de la mémoire après la mort.
Alors qu’un impitoyable seigneur de la guerre fomente un coup d’état, la formule chimique de la Fleur de Dieu est dérobée par une organisation anarchiste paradoxalement très organisée. Au même moment, l’apparition sur Sor’Ivanyia d’un enfant aux pouvoirs extraordinaires bouleverse toutes les certitudes scientifiques et religieuses de l’Empire. Qui est cet enfant ? Est-il seulement humain ? Est-il ce Messie que certaines religions ont cessé d’attendre ?

Un univers riche et élaboré

La Fleur de Dieu, outre un titre est également une formule spéciale par bien des aspects : aussi bien dans sa définition, sa « composante » que par son impact politique et religieux.

En effet, en ce 11° millénaire, la religion a pris un ascendant conséquent sur la société et ses structures politiques. Seul le Haut Moyen-Âge a connu une période de régence dogmatique similaire auparavant. La situation pourra surprendre plus d’un lecteur, qui découvrira rapidement que l’Histoire a été particulièrement agitée par le passé, et que les passions ont eu raison de … la raison. Toutefois, les différents dogmes n’ont pas annihilé toute idée de progrès scientifique et d’évolution technologique : l’homme a conquis une partie de la galaxie! ET a inventé/découvert/pénétré (rayer les mentions inutiles) le mystère de la Fleur de Dieu. Cet « artefact » permet des prouesses spirituelles assez poussées et attisent de nombreuses convoitises… D’ailleurs, les dirigeants actuels se sont fait dérobés la formule en question par un groupe de rebelles/dissidents/terroristes…

L’histoire commence avec un Enfant de quelques décennies sur une planète couverte de végétation où pousse justement La Fleur de Dieu. A l’image de la flore locale, le beau cache le traître, et le gracieux peut être mortel.

Puis nous sommes projetés sur un vaisseau spatial, où se dévoilent les protagonistes d’un complot d’ampleur galactique; avant de nous aventurer en pleine réunion politico-religieuse durant laquelle on devise sérieusement des impacts religieux d’une nouvelle avancée technologique. Dans le même temps, nous comprenons que la gouvernance tente de masquer ses véritables intentions aux autorités religieuses.

J’emploie le pluriel concernant cette branche de l’appareil étatique galactique car l’auteur ne se contente pas de brosser le portrait d’un seul courant de pensée spirituel, mais bien les principales connues à ce jour. Le temps passant, elles ont évolué vers un dogme « modernisé » et sans doute plus tolérant.

Nous pourrions penser que cette religiosité quasiment obligatoire dans la vie citoyenne n’est là que pour pointer les dérives actuelles. Pourtant, il n’en est rien ici, ou tout au moins il ne s’agit pas vraiment du cœur de la thématique de Jean-Michel Ré. Nos religieux de tout poil ne sont qu’une façade qui masque tout un appareil tyrannique à l’affût du moindre écart. La répression est d’une telle violence que la dissidence semble une option certes suicidaire, mais bienfaisante.

Des personnages en eaux fortes

Avec un univers aussi travaillé, La Fleur de Dieu exigeait un panel de protagonistes aux tempéraments bien trempés. Nos religieux semblent être en-dedans, avides et jaloux de leurs prérogatives, tout en se révélant aveugles aux habiles manœuvres et diversions des réels détenteurs du pouvoirs. Notre amiral, chef, fer de lance et bras armé de l’empire galactique, apparaît dès le début comme une diva dangereuse, déterminée et à l’assaut du pouvoir. Il m’a semblée un poil trop caricatural pour vraiment m’embarquer.

En général, les personnages sont quelques peu décalés à mon goût avec le récit et surtout un univers de ce calibre. L’ensemble m’a fait pensé à L’Algébriste de Banks, avec ses figures marquantes, soulignées avec force et le poil de décalage qui sied tant au britannique. Je pense notamment à L’archimandrite Luceférious de Lésuna 9 IV, fondateur du culte des Affamés.

La complexité n’est pas un gros mot en lecture

Oui, vous lirez çà et là que le roman est complexe avec un vocabulaire propre et de nombreux personnages. Pour preuve, le glossaire est conséquent avec ses 45 pages (OUI!!! 45 pages!!!). C’est loin d’être insurmontable surtout que l’auteur prend le soin de découper son propos avec des chapitres courts. Cette alternance dynamise le roman qui prend son temps pour installer ses personnages, son complot et ses intrigues. Le rythme est suffisamment posé pour jouir de chacun des passages. Alors oui, il y a de la densité et de la complexité, toutefois rien d’insurmontable avec un peu de concentration.

Une impression mitigée

Malgré, cet univers fouillé, des complots, des revirements de situation et des protagonistes marqués, je ressors de cette lecture pas aussi enthousiasmée que le pitch de départ me le laissait envisager. En effet, les atouts pour me plaire sont nombreux avec un univers élaboré, une intrigue à tiroir, des personnages travaillés, un sujet fort, et une complexité adéquate.

Pourtant, deux points m’ont freinés. Le premier est plutôt mineur : la dose de religiosité. Le second point me chagrine légèrement plus et explique sans doute mon avis mitigé. J’aime avec des romans ambitieux et riche me faire mon propre avis sur l’histoire, les « bons » et les « méchants », je n’apprécie que modérément que l’auteur me guide trop visiblement sur le quoi penser. Je me sens alors un peu volée sur la promesse. Aussi, votre ressenti dépendra-t-il beaucoup de votre position sur ce guidage de l’auteur.

Quant à la comparaison avec Dune, elle est assumée et détournée avec ingéniosité. La Fleur de Dieu écrit sa propre histoire.

Jen-Michel Ré nous offre un univers très chatoyant, riche et dense. Chaque coin de cet univers respire une authenticité, une empreinte « spirituelle » propre qui sied à merveille au récit. Les amateurs  de SF et d’intrigues travaillées seront ravis.

Pour ma part, une relecture est au programme.

Ce livre est pour vous si :
  • vous aimez le mélange SF et religion
  • vous aimez les univers riches et foisonnants
  • Si vous aimez la SF associant récit et fond
je vous le déconseille si :
  • Vous ne supportez pas les romans avec de nombreux termes inventés pour l’histoire
  • Vous souhaitez d’intrigue alambiquée
  • les romans un peu techniques vous soûlent….
Autres critiques :

Le maki Le chien critique Le ChroniqueurAcanielLe BibliocosmePour ma culture AcanielMon Troll au marteau Pati dévore tout

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SSW

 

 

37 réflexions sur “La Fleur de Dieu – JM Ré

  1. Je ne suis pas du tout fan de récit où ça parle de religion mais quand on me parle d’une inspiration assumée de Dune, je ne peux que craquer. Allez hop, je passe commande !
    Merci pour ta chronique qui m’a aidée à me décider 😀

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  2. Oh ben je ne m’attendais pas à ce retournement de situation, tu en disais beaucoup de bien et d’un coup paf ! Mitigée ! Bref, tes chroniques sont toujours aussi bien construites et on a même des plot twist. Je passerai mon tour pour ce roman je pense, mais j’ai adoré te lire !

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  3. Belle critique ! Je ne diffère que sur deux points : la religion est un atout et il arrive à faire lire des passages entiers sur des débats oecuméniques qui devraient être chiants à mourir en temps normal (mais Boudicca passe quand même son tour^^) ; par contre, vu la rapidité du roman et le développement du contexte et du décor, la caractérisation des personnages passe trop souvent à la trappe.

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  4. Les livres un peu techniques me soûlent et les mots inventés pareils, mais vu le nombre de bons échos sur la bébête, je vais quand même tenter le coup. Puis je dois parfois accepter de lire des livres un peu plus élaborer pour évoluer j’imagine ^^
    Belle critique !

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    • Merci!
      Oui, parfois, il faut aller un petit peu au-delà de nos habitudes pour élargir notre champ des livres appréciés.
      Je ne sais pas si c’est un bien, car il y a plusieurs conséquences. D’une : il y a beaucoup plus de livres à lire (avec les livres plus anciens) et tu apprécies de moins en moins les livres plus faciles….

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