La Reine de l’Air et des Ténèbres de Poul Anderson
Le Bélial
Prix Hugo 1972
Prix Locus 1972
Prix Nebula 1971
Entre deux activités apicoles et la préparation d’une soirée épique virtuelle, je prends enfin le temps de poster une nouvelle que j’adore et que je vous recommande chaleureusement.
« Loin de la Terre tourne la planète Roland, tout en contrastes : sur les côtes, des cités modernes, des camps de chercheurs et de techniciens; à l’intérieur des terres, des paysans qui croient encore à la toute-puissance de la Reine de l’Air et des Ténèbres, aux monstres voleurs d’enfants…
Barbro, la jeune biologiste, est sceptique…jusqu’au soir où son enfant est enlevé. Seule une créature ailée a pu commettre ce rapt ! Désespérée, elle part à la recherche de son fils, s’aventurant là où nul n’a jamais pénétré, et ses certitudes rationnelles vont subir le rude assaut des pouvoirs de la magie… »
Récit mêlant Science-fiction, lyrisme et fantasy, si la présentation éditeur ne titille pas vos neurones de la curiosité, espérons que ma critique les fassent fondre d’envie!
Poul Anderson nous propose un nouvelle aux confluents de diverses influences : un texte difficilement classable selon les standards de l’époque : une sf mâtinée de contes nordiques, une enquête sur la disparition d’un enfant épaissie par un mystère, une vision d’une société isolée et recluse sur une planète lointaine. Mais, il est vrai que l’auteur américain aime cet exercice d’équilibriste.
Le bref contact avec la planète Rolland laisse apparaître une contrée tirant du côté de l’Europe du Nord avec des centres urbains actifs et de vastes étendues très peu peuplées. Seuls quelques colons et des agriculteurs se sont aventurés sur ces terres inconnues plutôt inhospitalières. Reclus, loin de la « civilisation », ces habitants esseulés ont été prompts à fabriquer un folklore propre à leurs conditions de vie. L’âpreté du milieu alliée à l’isolement ont posé des explications de moins en moins rationnelles sur les phénomènes étranges dont ils étaient témoin. D’emblée, un ambiance étrangement fantastique accompagne cette nouvelle de SF.
La disparition d’un enfant prend une dimension inquiétante dans ces conditions. L’auteur joue alors sur le registre de l’angoisse, une angoisse renforcée d’une once de mystère liée à la Reine de l’Air et des Ténèbres. Le lecteur notera l’inertie des forces de l’ordre si loin – physiquement et moralement- de ces contingences maternelles. C’est un détective privé qui viendra à l’aide de Barbro..
Enquête, enlèvement, thriller, fantastique, science-fiction, contes et légendes, cette novella de 65 pages offre une belle densité et une thématique assez mélancolique, il n’est donc guère surprenant qu’elle fasse le grand chelem des prix littéraires de la sfff 1971/1972!
Nous retrouvons dans ce texte l’affection et la maîtrise de Poul Anderson pour les contes et légendes nordiques, j’ai pu noté une petite saveur digne de L’Épée Brisée, à la fois par l’ambiance de la contrée proche de l’Europe scandinave, la rusticité de la vie et un folklore proche des légendes et récits mythologiques. L’auteur prouve que le futur et la SF sont en capacité de développer eux aussi un merveilleux, non pas scientifique mais le genre qui berce notre âme d’enfant.
La Reine s’avère une entité paradoxale à la fois illusion et puissance imposante. Elle est un archétype des contes et légendes – ceux d’un autre Anderson – qui ont enjôlé nos jeunes années. Or, la sf s’efforce de démystifier ces faits surnaturels pour en donner une analyse rationnelle, décortiquant et déstructurant l’extraoridnaire. Ce texte nous interroge sur ces deux aspects et sur les conditions de leur conciliation. Je trouve la réponse de Poul Anderson mélancolique, douce-amère comme si un choix devait s’imposer : grandir en abandonnant l’enfance, la modernité en lieu et place des traditions, la science effaçant la spiritualité. Ou plus exactement, si nous nous imposions un choix sans forcément chercher à les concilier (pourquoi ne pas conserver une partie de nous apte à s’émerveiller ?).
Au final, Poul Anderson nous propose un texte magnifique tout en poésie sur un monde tiraillé entre l’exigence de modernité et son désir/besoin d’enracinement dans les contes et légendes. L’histoire charme le lecteur tandis que la plume tout en douceur se charge de l’envoûter assurément.
Il faut souligner la belle traduction de Jean-Daniel Bréque qui en rend toute la poésie, et cette étrangeté hors du temps.
Et c’est pour le Maki!
A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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Ça donne envie ! Merci pour la découverte, je note 🙂
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Ca a l’air très intéressant ce mélange de genres ^^
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Je n’ai pas lu la présentation éditeur, mais ta chronique donne en effet envie. Et puis c’est toujours bien de briser les catégorisations. ^^
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Merci pour ta nouvelle participation. J’ai cette nouvelle dans ma liseuse mais je ne suis pas sur qu’elle soit pour moi. Si vraiment je suis à court de nouvelle. 😉
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[…] : Mutin Lutin (Albdo!) J’ai lu début d’année un roman de Poul Anderson qui m’avait vraiment […]
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J’ai repris mes notes sur cette nouvelle, apparemment j’avais trouvé ça fascinant. Par contre j’ai tout oublié depuis mais bon c’est Poul Anderson, alors ça devait effectivement être sympa ^^
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Ca à l’air chouette, je note ! mais c’est vraiment une nouvelle ou un petit roman ? sur le site de LA c’est noté que la 1ère édition chez J’ai lu faisait 223 pages.
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Ton avis donne très envie de découvrir ce court roman 🙂 J’aime beaucoup la réflexion que tu fais sur la SF et la fantasy, abandonner les croyances mystiques ou non … 😉
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C’est joliment présenté et tentant ^^
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Tu le vends bien, y’a pas à dire !
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Je ne connaissais pas du tout, je dois l’avouer. Merci pour le coup d’œil !
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Mince, je ne l’ai pas et pourtant j’adore Poul Anderson, il faudrait que j’arrive à me la procurer. 🙂
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Plus de nouvelles depuis un mois et demi ! En espérant que tout va bien !
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