Lady Astronaute – Mary Robinette Kowal

Ces textes de SF proposent une uchronie, qui se cache dans quelques détails révélés au fil des histoires : un astéroïde tombé aux USA dont nous découvrirons la cause, un Président des USA qui n’est pas le « bon« , une exploration au-delà de la Lune en 1972,… ainsi qu’une volonté précoce de se rendre sur Mars.

L’esprit positif d’après guerre a perduré un moment, et voici la conquête de la Planète Rouge au programme; rêve consommé en quelques années, avec pour résultat l’installation de colons sur cette terre aride; une catastrophe assez sévère boostant la décision. Les sciences et techniques ont évolué vers leurs propres voies, ainsi le lecteur ne sera-t-il pas surpris de découvrir le fonctionnement de l’électronique et de l’informatique par l’intermédiaire de cartes perforées… Non! raccrochez votre mâchoire! Cette idée fonctionne, et ce choix est totalement assumé par Mary Robinette Kowal. Cela donne un petit côté suranné très agréable, tout en permettant d’achever avec la dernière nouvelle Lady Astronaute de Mars tout en beauté et en maestria.

Les 5 nouvelles de ce court recueils dirigent lectrices et lecteurs vers ce but. Avec des éléments qui pourraient paraître sans lien si vous lisez les textes de manière dissociée. Elle forme un tout, avec un rappel éclatant – ou un effet boomerang – entre le premier et dernier texte. Nous y découvrons également un fil rouge avec le nom d’Ema York…

Le voyage vers Mars n’est pas sans heurt ou complication, et comme dans toute aventure de ce genre, il faut des précurseurs, des rêveurs téméraires, des alpinistes cosmiques…. En l’occurrence, il leur a fallu une Elma York pour que Mars devienne plus qu’un point lumineux dans le ciel nocturne.

Cette femme est ainsi devenue une icône en son temps… car quelques décennies plus tard, la chanson n’est plus la même. A 63 ans, notre astronaute de choc (et de charme) espère de nouvelles missions dans l’espace. Or, son âge s’avère un frein pesant son poids dans la balance face à l’expérience et la compétence. Mais, l’espoir, cet éternel moteur refuse d’abdiquer. Que lui réserve l’avenir ?…

Nous interrompons cette émission

Fidel et Mira travaille sur une programmation mystérieuse, avec la perforation de carte en forme de mantra. Le premier est atteint de tuberculose, et souhaite assister à l’exécution de son programme informatique avant d’être trop invalide. Il travailla sur le projet Manhattan et cette expérience lui a laissé des traces morales et psychologiques. Cet homme est bien abîmé.

Les marqueurs des années soixante sont discrets (tuberculose, cartes perforées, place de la femme,…) et permettent d’aborder le texte avec subtilité. Ce ne sont que quelques touches qui amènent l’uchronie, et qui donnera le ton et les bases de ce recueil. Mira, petite « main » savante et génie inconsidéré m’a fait penser à feu Katherine Johnson.

L’expérience Phobos

En 1972, le programme martien est une réalité, mais déjà des coupes budgétaires se profilent. Un trio est missionné pour explorer Phobos, forcément, quelques surprises attendent les scientifiques.

En soi, la nouvelle est sympathique, sans révolutionner le genre. Elle propose une vision de Phobos cohérente, et possède une petite touche des romans juvénile de Heinlein, tel que Have suit, will travel (Le vagabond de l’espace). Au sein du recueil, elle s’insère parfaitement, et donne du corps à l’ensemble.

A noter, en début du texte, un extrait d’article de journal qui initie déjà les événements futurs.

La girafe d’Amara

2 pages, mignonne.

Le rouge des fusées

Proposer un feu d’artifices sur Mars est une gageure technique importante, presque impossible. Pourtant, c’est ce qui est au programme du soir, grâce à l’informatique qui pilotera le déclenchement des fusées pyrotechniques. Et, là, sa mère se prend le pied dans le tapis de Mars et éparpille les 250 cartes perforées… Catastrophe!

Une nouvelle qui participe à la cohérence et l’enrichissement de cet univers. La résolution tout en bonne humeur est fort agréable, surtout qu’il y a un nouveau clin d’œil à Ema York

Lady Astronaute de mars

Enfin, le clou du spectacle. Un mot : magnifique!

Cette nouvelle m’évoque deux autres, lues récemment dans les pages de Bifrost. Il s’agit, de Comment s’est la-haut d’Hamilton, sachant que l’impression s’estompe rapidement et ne se rapproche de The Lady Astronaute de Mars par sa narration à la première personne et l’aspect poignant qui s’en dégage.

Le parallèle est bien plus corsé avec le texte de Linda Nagata L’obélisque martien qui joue sur le thème du passage du temps, la persistance des désirs, accompagné d’une écriture toute en sensibilité.

L’approche est, ici, plus intimiste encore, alors que nous découvrons les pensées d’Elma York, partagée entre son envie de partir dans l’espace et celui de rester auprès de son époux. Ce portrait, baigné dans son uchronie martienne, est très réussi par sa complexité, des désirs inconciliables, des regrets, un sentiment de culpabilité,… Mary Robinette Kowal confronte les rêves à la réalité de l’âge et de l’ambition alors que l’espoir demeure; or l’érosion du temps fait son œuvre réduisant chaque jour les perspectives, écartant les possibilités; le cortège émotionnel ne faisant que changer de nature.

Après ces quelques lignes, vous aurez saisi combien cette nouvelle m’a séduite, et pourquoi j’encourage tous les lecteurs a franchir le pas.

Belle réussite, ce portrait très touchant a le mérite d’aborder une thématique délicate, sans amertume ou désespoir. L’uchronie présentée ajoute une touche fort intéressante et le tout possède un goût de « reviens-y » assez intense. Un Mars et ça repars!

Pas d’hésitation, c’est de l’excellente SF, alors FONCEZ!

Et pour ne rien gâcher, la traduction de Patrick Imbert est top.

Ce livre est pour vous si :
  • vous aimez la SF et l’uchronie
  • vous souhaitez aller sur Mars
je vous le déconseille si :
  • de toutes façons, vous êtes misogyne!
  • les cartes percées à notre époque c’est n’importe quoi!
Autres critiques :

ApophisOrionC’est pour ma cultureXapurMon lémurien fétiche

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Et c’est pour le Maki

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26 réflexions sur “Lady Astronaute – Mary Robinette Kowal

  1. C’est le fait de savoir que ça forme un tout avec Vers les étoiles qui doit sortir qui m’a fait franchir le cap, parce que j’avoue que ce format ultra court ne m’attirait pas, mais ta belle chronique me donne aussi furieusement envie de m’y mettre !

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  2. Je ne lis pas le détail de ta chronique car je suis en train de lire Vers les étoiles et car celui-ci m’intéresse beaucoup, j’ai juste dû y renoncer faute de temps. Mais je compte bien rattraper ça à l’occasion.

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