La Chose – John W. Campbell

Le Bélial, collection UHL

Je vous propose une double dose de Chose(s)

En Antarctique, une équipe de scientifiques fit une découverte incroyable. Sous une épaisse couche de glace, un vaisseau extra-terrestre patientait depuis plusieurs million d’années. A proximité de l’épave, ils trouvèrent une créature, sans doute un occupant de l’objet spatial, et décidèrent de ramener le spécimen au camp de base.

Après un court débat sur la pertinence de dégeler l’alien immédiatement, en mentionnant les dangers potentiels, bien que très hypothétiques d’une telle entreprise, la décision est prise. Plusieurs heures sont nécessaires à l’opération, Blair, le biologiste, a expliqué combien les tissus et cellules étaient délicats. En effet, l’objectif n’est pas de décongeler un morceau de bœuf que Skinner, le cuisinier, aurait en charge de cuisiner, mais de préserver l’étincelle de vie potentielle de micro-organismes.

Une surprise de taille les attend à l’issue de cette opération, les particules microscopiques ne sont les seules à avoir survécu à une période de glaciation, la bestiole aussi!

La lecture achevée d’une traite, car il est impossible de lâcher la novella une fois la première page digérée, l’impression angoissante de ce huis-clos glacial persiste, puis laisse place peu à peu à une réflexion plus élaborée.

La courte introduction de Pierre-Paul Durastanti permet de prendre aussi du recul par rapport au texte, et de l’apprécier au-delà de ces qualités littéraires propres.

Ce qui frappe en premier, c’est la modernité de La Chose. La structure, le chapitrage étudié pour être en corrélation avec la montée en tension, les choix narratifs mais surtout la base scientifique sur laquelle repose l’enchaînement des événements sont encore d’actualité.

Le récit de John W. Campbell n’utilise aucun des artifices du début du XX° siècle qui distillaient l’angoisse grâce à leur opacité, faisant une part égale au mystère qu’à la sf. Dans la novella, les sciences sont présentes dès le début, et serviront d’ailleurs dans la résolution de notre histoire, exploitant pleinement ce concept de science-fiction. Il n’y a aucun deus ex-machina, ni lapin blanc sorti d’un chapeau. De nos jours, nous n’en attendons pas moins d’un bon récit de SF à tendance horrifique… mais en 1938!!!!

Concernant la novella en elle-même, « Who Goes There » a été adapté à de nombreuses reprises, dont une fois par Carpenter dans son célèbre film The Thing. Le texte recèle en soi les ingrédients ainsi que le canevas pour raconter une bonne histoire à vous faire froid dans le dos. Les réussites diverses, et le classement en film culte atteste des qualités du matériel de base.

Les conditions météorologiques et le paysage de l’antarctique s’avèrent de précieux alliés pour installer instiller une ambiance lugubre. Le huis-clos et la promiscuité vont décupler les tensions entre les personnages, la paranoïa prenant ses quartiers avec aise et gloutonnerie, tout autant que la chose qui rampe insidieusement dans les esprits,… et les corps. La novella est fort réussie dans les impressions qu’elle dégage, palpables, sournoises; ces interactions faites de suspicions, de stress et de frictions s’avèrent tout autant perceptibles et délétères. Le choix d’une équipe scientifique composée d’hommes rationnels et ordinaire qui se voient confrontés à l’horreur et « traqués » comme des proies participent à ‘l’immersion du lecteur, et même à une certaine identification.

Le lecteur aimant ce genre de récit se régale des sensations ressenties tout en s’interrogeant sur la résolution de l’intrigue. Comment vont-ils s’en sortir? Comment peuvent-ils s’en sortir?

La Chose possède sans doute de nos jours un petit aspect pulp, non intentionnel à l’origine; liée à la description de la créature avec sa hache en pleine tronche. Ce vernis a tendance à tempérer le côté horrifique de la trame, sans rien gâcher de la lecture toutefois.

Pour vous mettre dans l’ambiance idoine, je recommande la lecture des Montagnes Hallucinées, le manga de Gou Tanabe.

Après un court échange avec Pierre-Paul Durastanti, qui nous propose encore une fois une traduction d’une fluidité toute naturelle, il n’y a pas eu de modification au texte pour qu’il paraisse moderne. Forcément, un choix est opéré pour utiliser certains termes appartenant à notre vocabulaire actuel.

La Chose de John W. Campbell est une novella incontournable dans la collection Une Heure-Lumière. En effet, ce petit trésor de la SF est sans doute un des précurseurs de la veine horrifique moderne, tout en offrant un huis-clos fort réussi plein de tensions et de paranoïa. Nonobstant l’influence potentielle de la traduction, la novella possède en soi une intemporalité qui ne la démodera pas. A posséder, indubitablement!

Ce livre est pour vous si :
  • vous aimez la SF pleine de dangers
  • vous voulez découvrir un texte majeur
  • Vous aimez faire de l’archéologie littéraire
je vous le déconseille si :
  • Je suis humain! moi!
  • Sérieux, vous envisagez de dire non?

Autres chroniques :

Orion, la galaxie de la Chose? – Apophis, origine de la Chose ?Le Troll avide de la ChoseAelinel

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La Chose de John W. Campbell, incontournable

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Cette novella est à lire en duo avec un texte tout aussi fort et réussi.

Les choses de Peter Watts

La première fois que je l’ai lue (il y a un moment), une donnée importante m’échappait : Peter Watts a écrit ce petit récit en hommage à un film dont il est fan : The Thing. C’est pourquoi il le considère comme une fanfiction… cette précision est capitale, car connaissant le film, la chose prend une tournure nouvelle.

L’entité en question découvre peu à peu la nature de ses hôtes aberrants, inhospitaliers et vengeurs. L’être de cauchemar s’humanise peu à peu à nos yeux quand il devient évident que son crédo est la survie, les conséquences de son occupation temporaire et multiple s’avérant que méconnaissance.

Petit par la taille grand par la profondeur, c’est la première chose qui me vient à l’esprit. Riche de thématiques en si peu de pages : l’opposition homme – alien, esprit centralisé – intelligences composites, la faculté d’adaptation – homme cancer, survie, instinct, … Et ce qui m’a frappée c’est la grande compassion de cette créature.

Les choses est une nouvelle de très belle envergure, émouvante et bluffante. Cela commence très, très fort.

Ce texte est issu du recueil de nouvelles de Peter Watts : Au-delà du Gouffre aux éditions Le Bélial.

Infos et prix

Pour les 2 textes, une spéciale dédicace à notre Maki.

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37 réflexions sur “La Chose – John W. Campbell

  1. J’adore les 2 versions cinématographiques,je vais me laisser tenter pour le roman originel, effectivement la nouvelle de P. Watts est sublime d’un point de vue de,la créature, je plébiscite sans retenue, si on aime ce genre bien sûr.

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  2. Le film de Carpenter reste un de mes grands souvenirs de cinéma. J’étais jeune quand je l’ai vu (peut-être trop et ça expliquerait bien des choses…). Kurt Russel est exceptionnel dans ce film tout comme la réalisation. Donc je lirai ce livre 🙂

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  3. L’article donne très envie de découvrir le roman. Comme beaucoup je ne connais que les versions ciné, celle de Nyby et bien sûr celle de Carpenter.
    Très bonne idée que d’accompagner avec la lecture du manga de Tanabe, remarquable adaptation de Lovecraft.

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