La Lame Noire – Miles Cameron

La Lame Noire – Miles Cameron

Renégat, tome 2

Bragelonne, Milady

J’attendais ce deuxième tome de Renégat avec impatience depuis ma lecture du Chevalier Rouge de Miles Cameron, que j’avais franchement adoré. Pour rappel, il s’agit d’une adaptation plus que réussie du cycle arthurien, dans lequel le personnage principal n’est point Arthur, mais Mordred.  L’auteur canadien a modifié les noms, ainsi, ce chevalier « félon » dans la tradition arthurienne se nomme-t-il Gabriel Murien; bien des événements mythiques ont connu une mutation.

Ce qui m’avait marquée dans le premier tome était la passion de Miles Cameron pour la Chevalerie, une reconstitution minutieuse de l’époque moyenâgeuse et une très belle réécriture du cycle légendaire. Pour plus de précision, je vous invite à lire ma critique.

Nous allons éviter les effets de manche, et un suspens savamment ménagé, ce deuxième tome sans me déplaire, me laisse une impression mitigée. Le bon et l’enchanteur côtoient des passages plus réservés et des temps morts, sans rien de rédhibitoire non plus.

Cette critique contient des spoilers du tome précédent.

Le Chevalier Rouge narre la légende arthurienne de manière originale, car nous y suivions les pas de Gabriel (aka Mordred, le fils illégitime du Roi Arthur) qui se dissimule sous les traits du Capitaine, chef d’une troupe de mercenaires d’élite. Il s’illustre avec sa compagnie lors du siège de l’abbaye de Lissen- Carrak, convoitée par le puissant mage Thorn, à la tête du Monde Sauvage.

Les pertes sont lourdes de part et d’autre, mais le Roi (Arthur, jamais nommé autrement que par « le roi »), Jean de Vrilly de Galla (France), leurs alliés et le Chevalier Rouge en sortent vainqueur. Thorn s’enfuit la queue entre les jambes tandis que les diverses troupes et races qu’il avait rassemblé se disloquent dans tous les sens.

La Lame Noire débute quelques semaines après cette victoire, la troupe du Capitaine se dirigeant vers la Morée pour honorer un contrat avec son Empereur. Celui-ci se voit trahit par son commandant des Armées, le Duc de Tharke, et capturé alors que Gabriel et ses hommes sont en route. Fort de son contrat, le Capitaine cherchera à restaurer l’ordre dans une Morée au bord de la guerre civile, défaire l’armée Ducale, et survivre aux tentatives d’assassinats.

Miles Cameron s’attache à rendre le monde de la chevalerie avec force et passion. L’auteur est aussi un historien amoureux de cette époque qui participe régulièrement aux reconstitutions historiques fidèles au Moyen-Âge. Évidemment, cette implication se sent tout au long du roman à la fois dans l’ambiance et dans le soin apporté aux détails. Ainsi, à l’instar d’autres écrivains de fantasy précis dans leur restitutions historiques, tel que Guy Gavreil Kay, le lecteur découvre un roman documenté et qui se traduit par une sensation d’authenticité. Cela était vrai dans le Chevalier Rouge, dans La Lame Noire cette impression ne fait que se renforcer. Alors que le premier tome mettait en valeur les techniques militaires de l’époque, ce deuxième volume s’attarde davantage sur les visages d’une vie plus diverse.

Ainsi, le lecteur assiste à une joute amicale, un mariage, aux cours universitaires, à la gestion d’un palais, à des conseils royaux, à de nombreuses danses, aux manœuvres maritimes,… Vous avez saisi l’idée, l’univers est vaste et riche, et la fantasy déployée se classe difficilement dans le Médiéval fantastique tant l’exactitude et la recherche d’une ambiance « chevalerie authentique » imprègnent l’ensemble du roman.

D’ailleurs, l’aspect politique et gouvernance prend le pas sur les batailles et les combats; sans aucun regret, sachant que la magie sera au-rendez-vous. Cependant, ce choix narratif me rend parfois perplexe, surtout lorsque le roman tourne au docu-fiction avec cette volonté de reconstitution historique. L’historien devance l’auteur de fantasy, et brouille les cartes, casse le rythme avec le risque de noyer son lecteur. J’avoue avoir lu la troisième séance de danse en diagonale, ainsi que d’autres scènes de ce genre.

Je vous rassure, ces passages s’éparpillent dans les 720/960 pages, et ne sont pas représentatives de l’ensemble du texte. Par ailleurs ce soucis du détail et cette envie de créer un monde vivant quasiment palpable s’avèrent bénéfiques dans la restitution du Monde Sauvage. Nous retrouvons les tribus et protagonistes rencontrés dans le tomes précédents, que ce soit Les Jacks de Bill Redmene, les Sossags de Peter, les boguelins, des Ours Dorés, les Gardiens, les Trolls, les irques, les hurans et même Thorn. Dans le Chevaliers Rouge, ces factions n’avaient finalement qu’un rôle d’alliés de Thorn. L’auteur réussissait à leur donner du caractères et des particularismes, mais, ils n’étaient que des outils au service de sa trame (et du magicien ivre de puissance).

Avec la Lame Noire, les interactions entre tribus et espèces sont nettement travaillées, le background est solide et les particularités initiales se  transforment en culture propre. Je vise surtout les anecdotiques Jacks du tome 1, et les Irques. Ces derniers (ce sont des elfes) nous réservent une immersion dans un monde proche du féérique, mais un merveilleux corsé, presque gritty qui a des  arguments « déstabilisants ». Les incursions dans le Monde Sauvage sont envoûtantes, sanglantes et souvent angoissantes.

Cependant, il n’y pas de relation directe entre ces événements au sein du Monde sauvage et le Chevalier Rouge partie en Morée. Ce ne sont que des étapes préparant un pan de l’histoire avec une menace grandissante. Elle ne sera pas résolue dans ce tome ci….

D’ailleurs, la trame consacrée au Monde Sauvage n’est pas la seule dont le dénouement se voit promis à plus tard. Il y a un redoutable Chevalier Noir qui avance ses poins sous l’égide du roi de France Galla. Les manœuvres de Jean de Vrilly pour le compte de ce même souverain visant à discréditer Désiderata (Guenièvre) lors d’un jeu d’influences politiques qui se rapproche de la légende arthurienne. Des dragons, Cendres,… Au final, j’ai la sensation que nous avons la première partie d’un diptyque… Certes, les aventures de Gabriel en Morée trouvent leur résolution lors d’une bataille épique, or c’est sans doute la seule chose qui est close à la fin du roman.

Les personnages sont une fois encore une des forces du présent tome. Le lecteur doit  suivre des protagonistes multiples (POV), et des têtes familières : Ghause, Le Roi, Désidérata, Jean de Vrilly, Gauwin, Gabriel,  Meg, John, Thorn, Peter,… Heureusement, car le nombre est assez conséquent et j’émets des réserves concernant l’introduction des nouveaux. Par exemple, nous faisons connaissance avec Morgan Mortimir dans le prologue, pour le retrouver quelques 200 pages plus tard… Se souvenir de qui il s’agit est une gageure sur le moment. Les personnages féminins sont nombreux sans être cantonné à des rôles de figurantes – un bravo pour les chevaliers féminins qui peuvent être assez viriles ou féminines.

Je n’oublie par la magie. L’auteur exploite le même système que précédemment, avec une source sauvage, la Verte, et la blanche, nommée l’Hermétisme. La conception n’est pas sans rappeler Ursula Le Guin, ou plus récemment Brandon SandersonMiles Cameron nous offre quelques moments mémorables, visuels et spectaculaires  – sur le coup, il n’y a rien à envier à Mage de Guerre de Aryan et avoisine les combats magiques des Jardins de la Lune d’Erikson.

La Lame Noire, roman de fantasy arthurienne, reprend le mythe et ses codes pour mieux les déformer et nous offrir une légende autre, vivante, envoûtante et angoissante. Miles Cameron exploite l’aspect merveilleux et féérique qui émerge du cycle, tout en lui donnant une aura plus sombre et plus âpre. L’univers créé est dense, complexe et recherché avec parfois tant d’énergie et de soin que le texte s’éloigne du roman, cassant le rythme du récit. Les amoureux du cycle arthurien devraient adoré, ainsi que les amateurs d’une fantasy riche, documentée et soignée. En revanche, le lecteur en recherche d’un roman court très typique de la légende ou très rythmé passera son chemin.

****

Le Roi -> le Roi Arthur; Désiderata -> Guenièvre; Harmodius->Merlin; Gauwin Murien -> Gauvain; Gabriel-> Mordred (le fils d’Arthur et de Morgause); Gaston -> Bors; Jean de Vrilly  (la tête à claque) -> Lancelot; Ranald -> Perceval; Anna -> Morgause… et bien d’autres

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  • Date de parution : 21/04/2017
  • 720 pages Bragelonne
  • 960 pages Milady

33 réflexions sur “La Lame Noire – Miles Cameron

  1. « Jean de Vrilly (la tête à claque) -> Lancelot ! » Excellent !
    Déjà dans les romans arthuriens, c’est une tête de n…….(cf Le chevalier de la charrette : je me souviens d’un gros bide avec des 5ème sur ce titre, alors que Le chevalier au lion passe bien…)
    Cameron est un fan de reconstitutions médiévales et de combats de chevaliers (eh oui, des adultes jouent à ça…) d’où le nombre de références…
    J’ai bien aimé le 1er tome, mais le 2nd a été plus difficile et je crois que je n’irai pas plus loin…

    En revanche, j’espère que tu te régales avec « Luna » : pour moi, c’est l’équivalent d’Ellroy en polars…Un ton, un souffle, une ambiance qui régénèrent le genre…

    Bon dimanche !

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    • Une véritable tête à claque ce jean de Vrilly, et c’est encore pire qu’au premier tome.
      Je pense lire le troisième tome, surtout pour l’ouverture sur le Monde sauvage, et Cendres.

      Pour Luna, je l’avais commencé mais oublié sur la table lorsque nous sommes partis, et j’ai poursuivis avec les lectures programmée pour le challenge 1000 pages.

      Bon dimanche, à toi aussi!

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    • C’est aussi un peu le cas du premier tome, mais de manière plus légère. La il y a un virage vers la dark fantasy, j’espère que cela continuera au prochain tome.
      Je suis heureuse que cela te tente et de te faire découvrir (enfin) un roman. 😉

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  2. J’ai l’impression qu’il est moins enthousiasmant que le premier, non ?

    Cette série reste dans ma liste d’envie (mais son achat ne sera sans doute pas pour tout de suite : ma PàL est un poil trop remplie, faut que je me calme ^^), mais j’ai deux ‘tites questions :
    – le tome 1 se suffit-il +/- à lui-même, où doit-on forcément lire la suite ?
    – vu que ça a l’air assez dense et complexe, je suppose qu’il ne faut pas trop attendre entre la lecture de deux tomes, non ? Ou l’histoire revient-elle facilement en mémoire ?

    Bon dimanche 🙂

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    • Oui, il y a du très bon, des passages vraiment très prenants, et parfois le souffle tombe. Mais il demeure très sympa.

      Le tome 1 se suffit à lui-même bien qu’il y ait 2 ou 3 petites ouvertures qui permettent de conserver une continuité.

      Oui, il vaut mieux éviter de lire les tomes avec une année d’écart, le temps de tout remettre en place, ne permet pas de de s’immerger facilement autrement.

      Bon dimanche!

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  3. « Les amoureux du cycle arthurien devraient adoré, ainsi que les amateurs d’une fantasy riche, documentée et soignée. » Ah ba là tu m’intrigues ! Je n’en avais pas entendu parler mais j’ai fouiné un peu suite à ta critique et ça me tente bien (je te dis merci mais ma PAL n’est pas du même avis^^)

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