Darwinia de Robert Charles Wilson

La science à l’épreuve des miracles

Prix Aurora

Après Blind Lake, Les Chronolites, Les Affinités et Mystérium, voici un cinquième roman de Robert Charles Wilson, Darwinia. Ce dernier bénéficie de retours s’échelonnant sur tout le spectre des avis. Sans doute son sujet, pourtant abordé régulièrement par l’auteur et ici de plein pied, n’a pas été du goût de tous, ou bien est-ce du à une structure en perroquet (expression dérivée du milieu militaire).

« Mars 1912, l’Europe et une partie de l’Angleterre disparaissent subitement, remplacées par un continent à la faune et à la flore non terrestres que l’on ne tarde pas à nommer la Darwinie. Pour le jeune Guilford Law, cette tragédie n’a rien d’un miracle ou d’une punition divine ; plutôt une énigme que la science pourra un jour résoudre.
Fort de cette certitude, il va tout sacrifier pour faire partie de la première grande expédition d’exploration destinée à s’enfoncer au cœur du continent inconnu ; une expédition qui, de mort violente en mort violente, le mènera plus loin qu’il ne pouvait l’imaginer… Nominé au prestigieux prix Hugo en 1999, Darwinia est une œuvre d’une singulière ambition, qui évoque l’époque glorieuse où les savants étaient aussi explorateurs et aventuriers.« 

Pas de mystère, j’annonce la couleur immédiatement : comparer aux autres romans lus jusqu’à présent, je reste sur mon quant à soi. Ce n’est pas que Darwinia soit mauvais; s’agissant de l’auteur britannique, il n’existe pas de romans déplorables ou franchement ratés, ainsi même si je juge celui-ci moyen, il reste un texte au-dessus de la production moyenne en SF.

Ma chronique aura une structure inhabituelle, d’abord les points qui m’ont séduite puis les petites choses qui m’ont laissée perplexe.

Comme toujours avec Robert Charles Wilson, les personnages prennent vie sous sa plume avec leurs réactions et leurs comportements dans la logique d’une personne commune. En effet, il aime prendre des hommes et femmes sans aptitude ou don remarquable puis les projeter dans une situation exceptionnelle, étudiant ainsi l’héroïsme des « petites gens » chez ses protagonistes principaux ou bien les mesquineries domestiques. Généralement, le soin consacré à ce naturalisme de l’âme humaine s’apparente à du travail d’orfèvre. Cette dissection est tout autant à souligner une fois encore.

Toutefois, un petit changement au programme, le spirite Vale semble doté de dons véritables, du moins est-il possédé par une créature qui lui souffle des brides du passé et de l’avenir, notamment de petites choses concernant l’expédition à destination de Darwinia, la nouvelle Europe à laquelle participe Guilford Law.

D’ailleurs, mes compliments relatifs à la construction des personnages s’adressent en premier lieu au cas de ce jeune père de famille, laissant femme et enfant derrière lui pour partir à la poursuite d’un rêve, d’une aventure, et surtout de la découverte de ce nouveau continent, tombé du ciel en 1912. Law est visiblement motivé par cette expédition mais éprouve des remords à laisser sa douce et sa petite fille dans cette nouvelle Londres boueuse et pas sans danger… Plus tard au cœur de cette jungle d’un genre nouveau, il fait preuve d’une capacité de résilience remarquable, d’initiative et d’un bon sens de la diplomatie.

Sa jeune épouse n’est pas en reste, puisque nous la suivons lors de retours réguliers sur la capitale britannique. Elle est aussi soignée que son mari, et les doutes, l’angoisse qu’elle vit son parfaitement rendus.

La thématique est un autre point fort du roman. La croyance ainsi que la place de la science sont des sujets souvent visités par RC Wilson. Dans Darwinia, il met les deux pieds dans le plat, opposant apparemment l’un à l’autre. Le Miracle reléguant Darwin et son Évolution des espèces aux corbeilles en papier, fragilisant brutalement l’édifice patiemment construit par tous les génies des sciences jusqu’alors….

Que ce soit la croyance ou la science, élevée au niveau de religion pour les uns ET les autres, elles s’avèrent être des géants aux pieds d’argile, vacillant dangereusement sous les coups de boutoir de l’autre.

Finalement, les deux ne sont pas si inconciliables avec Darwinia.

Passons aux points qui ne m’ont pas totalement convaincue, il y en a deux qui sont liés.

Le rythme, bien que généralement posé chez l’auteur, est ici un peu trop irrégulier, avec de très bons passages, et d’autres qui souffrent non pas de longueurs mais d’une sensation décalée, comme quelqu’un chantant faux.

La structure choisie n’est pas étrangère à cette impression. Nous suivons trois trames : celle de Vale le spirite, celle de Guilford et celle de sa famille à Londres qui tient davantage de la description de l’absence d’un être cher que d’un véritable verrou de l’histoire. Le tout est assez labyrinthique, le lecteur se demandant où tout cela nous conduit. L’expédition à laquelle participe Law dans le nouveau continent Darwinia est à elle seule un argument solide pour suivre cette aventure, car elle est prenante, avec un parfum exotique acidulée de danger tout à fait délectable.

L’auteur ayant choisi de décliner son récit sur deux époques, pour délivrer les clés de son récit, et les causes du Miracle, joue un peu au poker. La mise est élevée, et je ne suis pas certaine que ce procédé subjuguera tous les lecteurs.

Au final, c’est comme un tour de magie. Le prestidigitateur prépare son tour avec force d’artifice, effets théâtraux, musiques, assistantes canons… Et le clou du spectacle se déroule alors devant nos yeux attentifs, s’attendant à être ébahi devant l’habileté et la magie déployée. Abracadabra, chazam ! Le tour est bon, mais n’atteint pas les attentes provoquée par une telle mise en scène. Darwinia, c’est ce bon tour de magie souffrant d’un trop grand train de vie.

Ce livre est pour vous si :
  • vous êtes un amateur  de RC Wilson
  • vous adorez les romans d’aventure
  • vous participez au challenge Robert, je t’aime!
En revanche, déconseillé si vous :
  • vous êtes effrayés par les petites bébettes
  • vous recherchez un roman haletant
  • si vous la perfide Albion vous reste encore en travers de la gorge

 

Autres critiques :

 

Challenges :
Challenge Littérature de l’Imaginaire – 5° édition

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Le livre :
  • 444 pages
  • 8 octobre 2003
  • broché : 8,80€
  • e-book : 8,49€ LA BONNE BLAGUE

 

30 réflexions sur “Darwinia de Robert Charles Wilson

  1. L’un de mes premiers Wilson et pas un bon souvenir non plus. Je pense que je n’ai pas tout compris dans le cheminement de l’histoire. Avec Julian (d’un registre tout autre !), Darwinia est le second roman de l’auteur que je ne conseillerais pas. Mais les goûts et les couleurs…

    Sinon la chronique est habile… 😉 et j’attends celle du chien avec impatience. lol

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  2. Bon, je ne crois pas que mon 5ème RCW sera celui-là ^_^
    J’ai fait une bourde avec cet auteur : j’ai tapé trop haut dès le départ avec la trilogie Spin !
    Après il y a eu Les Chronolithes… et depuis je tergiverse sans arrêt sur le prochain à découvrir, celui qui ne souffrira pas trop cruellement de la comparaison… Et en même temps, je suis prête à tellement lui pardonner ^_^
    Merci pour ce chouette retour de lecture !!!

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  3. Il s’agit peut-être du Wilson que j’ai le moins aimé. Ma lecture remonte à plusieurs années, donc ça commence à devenir flou, mais j’ai le souvenir d’un dernier tiers du bouquin beaucoup trop en décalage avec le reste. Il change de registre, et ça m’a donné l’impression que les deux premiers tiers perdaient de leur sens. J’aurais préféré qu’il reste jusqu’au bout dans cette ambiance d’Europe revisitée, et qu’il me surprenne par de belles découvertes wilsoniennes.
    C’est dommage, car l’idée de départ est vraiment fabuleuse, comme d’habitude avec Wilson.

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