Les Perséides de Robert Charles Wilson

Toronto sous les feux de la rampe

Le Bélial

Recueil de nouvelles

« Divisé par l’infini a figuré cette année-là parmi les finalistes du prix Hugo, non, j’imagine, parce que c’est une nouvelle particulièrement originale ou réussie, mais parce que j’essayais si fort de pincer la corde fondamentale de la science-fiction qu’elle a fini par vibrer un instant. » – RC Wilson

« C’est l’histoire de deux géographies intriquées : celle des ruelles nocturnes de Toronto et celle de l’étrange librairie Finders, deux géographies qui ne sont pas ce qu’elles semblent être car non, décidément, la carte n’est pas le territoire… C’est l’histoire des abîmes vertigineux de l’espace et du temps et de ce qu’ils abritent, de l’étrange et de l’occulte, là, au coin de la rue, au détour d’un rayonnage de bibliothèque ou sur une case d’échiquier… C’est l’histoire de ce qui ne peut être vu et que l’on voit quand même, de ce qui ne peut être dit et qu’il nous faut dire, malgré tout… C’est l’histoire des Perseides, neuf récits se répondant les uns les autres pour tisser l’ébauche d’un paysage indicible, un livre à l’ombre des grands maîtres tutélaires de l’œuvre wilsonienne : Jorge Luis Borges, Howard Phillips Lovecraft et Clifford D. Simak en tête. Peut-être le livre le plus personnel de Robert Charles Wilson. »

Les Perséides sont un phénomène bien connu et très apprécié puisqu’il s’agit de la pluie de météorites survenant en août depuis bien des siècles, aussi appelée la pluie d’étoiles filantes. Au vu de la nature science-fictive des récits de Robert Charles Wilson, un tel titre n’étonne pas. En revanche, je m’interrogeais sur ce qui pouvait bien se cacher dans la queue de la comète. Des extraterrestres ? des légendes associées à ce spectacle magnifique et merveilleux ?

En fait, l’auteur nous propose d’en explorer une bonne partie avec des légendes urbaines de son cru,  des phénomènes étranges, des extra-terrestres, mais surtout l’homme sous de multiples facettes, pluie d’étoiles plus ou moins filantes en soi.

Au sommaire du recueil :

  • Les Champs d’Abraham
  • Les Perséides
  • La ville dans la ville
  • L’observatrice
  • Protocoles d’usage
  • Ulysse voit la lune par la fenêtre de sa chambre
  • Le miroir de Platon
  • Divisé par l’infini
  • Bébé perle
  • Postface

 

  • Les Champs d’Abraham

Cette nouvelle pourrait rappeler Charles Dickens, avec le jeune orphelin Jacob et sa sœur schizophrène, survivants de petits boulots et de parties d’échec.

Le seul éclat de chaleur provient de sa fréquentation d’une libraire et de son propriétaire avec lequel il partage des parties sympathiques, et qui lui offre des livres.

Nous sommes au début des années 1910, à Toronto, l’ambiance y est sombre, poignante et mélancolique. La chute emprunte au fantastique plus qu’à la SF, et les libraires une fois de plus peuvent faire froid dans le dos (Métro 2033, La bibliothèque de Mount Char,…). Je n’ai pu m’empêcher de songer à la nouvelle de GGR Martin, L’homme Poire.

  • Les Perséides

Michael travaille à la fameuse libraire Finders, mais sa véritable marotte, ce qui fait pulser le sang dans son organisme, c’est l’astronomie. C’est en cherchant à s’équiper pour prendre quelques clichés qu’il rencontre Robin. Le jeune femme connait sa profession mais éprouve une frayeur « irrationnelle » (?) à observer les étoiles, par peur d’attirer l’attention d’observateurs pas si bienveillants.

Le chien critique déconseille la lecture de cette nouvelle en cas d’angoisse cosmique. En effet, si le démarrage en douceur et sur les bases d’une histoire romanesque pourrait laisser planer le doute sur son appartenance à la SFFF, le doute est vite levé avec les angoisses – infondées ou pas – de la jeune femme. Nous basculons par son intermédiaire dans un texte à mi chemin entre le fantastique et la SF angoissante, ou les terreurs sont à fleur de peau.

Ce récit que j’ai vraiment beaucoup aimé se complète avec Le Miroir de Platon.
  • La ville dans la ville

Un nouvelle encore étrange, avec des personnages haut en couleurs qui naviguent sur ce courant SF/fantastique angoissant des premiers textes. Toronto en est le personnage central, mais présente cette fois des aspects oniriques et même ésotériques. Les portes sur d’autres facettes de la ville ne mènent pas toutes dans des avenues pétillantes ou éclatantes, l’incertitude et l’angoisse peuvent être ce qui vous attends au coin de la prochaine allée.

Nous y retrouvons la présence de la thématique religieuse, chère à Robert Charles Wilson. Ici, j’ai un peu goûté à la saveur qui m’avait tant plu avec le Londres de Neverwhere de Gaiman.

  • L’observatrice

Sans doute, ma nouvelle préférée du recueil qui parvient à joindre l’émotion, l’angoisse et le suspens (et une immersion dans le paradoxe de Fermi).

Une jeune fille est envoyé chez son oncle en Californie en raison de troubles mentaux. Elle est persuadée d’être visitée et même enlevée par des ET, au grand dam de ses parents. Lors de son séjour, elle rencontre Hubble qu’elle parvient à intéresser avec sa vivacité d’esprit, sa curiosité ainsi qu’avec cette angoisse sourde. Le grand homme, habituellement si impatient et distant, noue une relation amicale avec cette demoiselle.

La nouvelle joue une fois de plus sur le registre de l’angoisse, tout en étant clairement orientée SF. La délicatesse de RC Wilson transparaît à travers sa musique particulière. Une belle réussite.

  • Protocoles d’usage

Plein cap sur l’angoisse car cette nouvelle aborde une fois de plus l’esprit humain et sa vulnérabilité. Un père divorcé suit un traitement au lithium, et souffre peu à peu d’hallucinations – ou pas.

Un récit vraiment bien construit ou le doute fait place peu à peu à une tension croissante, surfant toujours sur cette veine fantastique, signature la librairie Finders.

  • Ulysse voit la lune par la fenêtre de sa chambre

Un autre détour par notre librairie préférée. Chez Finders, livres d’occasion et autres articles pour égayer vos étagères, vous trouverez de quoi combler vos petites manies, soigner vos angoisses, divertir votre curiosité. Mais un « Dieu » existe-il ?

Ce n’est pas ma préférée.

  • Le miroir de Platon

Un écrivain observe plus que son reflet dans le miroir, il observe la véritable nature des gens par son intermédiaire. A noter, qu’il fréquente lui aussi, la librairie Finders, et il possède une facette ambivalente, source de l’angoisse.

Pas mal, mais déjà lu. C’est un pendant à la nouvelle Les Perséides.

  • Divisé par l’infini

Un veuf déniche de vieux exemplaires de romans de SF à la librairie Finders où sa femme travaillait. Un hic de taille lui apparaît : les titres ne semblent pas correspondre à son souvenir. Menant sa petite « enquête », il découvre les destins plutôt inquiétants des collaborateurs du propriétaires….

Une nouvelle toujours sous le signe du fantastique à la saveur angoissante ou étrange liée à la libraire Finders, mais également un hommage à la sf de l’âge d’or. Ce texte a été finaliste du prix Hugo.

  • Bébé perle

Deidre devient la nouvelle propriétaire de Finders et va connaitre un parcours d’emblée unique et angoissant.

Robert Charles Wilson nous offre un portrait réussi de cette femme secrété, fumant de l’herbe et collectionnant quelques aventures; en revanche, l’aspect angoisse est moins bien maîtrisé s’invitant trop franchement dans le récit. Je n’ai pas vraiment accroché.

Toronto, et principalement la librairie Finders, sont mis en lumière dans ce recueil de Robert Charles Wilson, tout autant comme unité de lieu que révélateur de l’âme humaine. En effet, celle-ci, cœur et constante de l’œuvre de l’auteur canadien, bénéficie, ici, d’un bel écrin pour souligner sa complexité et sa vulnérabilité à travers des textes fantastiques parfois, angoissants toujours.

Observateurs, observés sont l’autre point commun de ce recueil permettant de relever ou de provoquer les errements de l’esprit…s’ils en sont.

Ce livre est pour vous si :
  • vous aimez le fantastique angoissant
  • vous avez apprécié Dragon de Glace de Martin
  • vous avez envie de découvrir une autre facette de RC Wilson
je vous le déconseille si :
  • vous êtes paranoïaque
  • vous n’aimez pas le format court
  • vous avez tendance à faire des crises d’angoisse
Autres critiques :

Au pays des cave-trollsLe chien critique

Challenge :

Robert je t’aime!

crcw

23 réflexions sur “Les Perséides de Robert Charles Wilson

  1. « Observateurs, observés sont l’autre point commun de ce recueil permettant de relever ou de provoquer les errements de l’esprit…s’ils en sont. »
    Très juste

    Ce recueil permet de connaitre un Wilson plus fantastique, ce qui ne peut que plaire à un fan comme moi. J’ai aimé à me faire peur avec l’immensité de l’espace, et l’angoisse qu’elle diffuse au plus profond de nos êtres. Souvent la SF traite notre petitesse de manière rationnelle, ici l’auteur donne la pleine mesure de cet infini qui ne peut que révéler nos peurs ancestrales.

    Comme toi, j’ai aimé Les perséides et L’observatrice qui restent en mémoire très longtemps. Divisé par l’infini m’a beaucoup plus aussi, et je ne résiste pas à la tentation de mettre le mot magnifique et poétique de l’auteur sur cette nouvelle :
     » Divisé par l’infini a figuré cette année-là parmi les finalistes du prix Hugo, non, j’imagine, parce que c’est une nouvelle particulièrement originale ou réussie, mais parce que j’essayais si fort de pincer la corde fondamentale de la science-fiction qu’elle a fini par vibrer un instant. »
    Pour la nouvelle La ville dans la ville, c’est à mettre en relation avec le concept de psychogéographie (Wilson utilise un autre terme) inventé par les situationnistes. Mais dans cette nouvelle, le fantastique prend le pas sur la politique.

    Février risque d’être un mois très wilsonnien chez le lutin.

    Aimé par 2 personnes

    • J’ai beaucoup aimé la nouvelle Une ville dans la ville, très étrange et psychédélique de mon point de vue. Je ne connais pas la psycho-géographie…
      L’observatrice est un coup de coeur, et Les Perséides sont super aussi, la nouvelle fait honneur au titre du recueil. Cette facette fantastique m’avait un peu échappée initialement, mais en prenant un peu de recul, nous la retrouvons avec des textes comme Blind Lake, Mystérium, Les chronolithes qui ont à la fois cette étrangeté initiale et ce côté angoissant.

      Février est wilsonnien en effet! 🙂

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    • Il y a pas mal de personnages qui éprouvent ces difficultés, notamment dans le recueil, oui.
      Je surveillerai cela d’un eil plus attentif, mais des romans lus, il est vrai que le couple évolue (changement de partenaire) ou tourne mal.

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    • Tu es alors un cas de lecteur qui me ressemble beaucoup. Je n’aime pas particulièrement le format court, même si je lis des trucs qui me plaisent beaucoup. Je préfére largement la taille roman.

      Habituellement, je n’accroche pas au fantastique et souvent mes virés dans ce genre ne sont guère concluantes.

      J’ai beaucoup aimé certaines de ces nouvelles – avec un coup de cœur pour l’Observatrice – Les perséides, La ville dans la ville, Divisé par l’infini.

      Cela était OK avec Les Champs d’Abraham, Protocoles d’usage, Le miroir de Platon.

      Je n’ai pas accroché du tout à Bébé ni Ulysse.

      Donc, la moitié m’a bottée, et pour un recueil me connaissant c’est vraiment pas mal (Habituellement je suis à 1/3 1/3 1/3)….

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  2. Bonjour !

    Tu m’as rendu curieux ! J’apprécie le fantastique et les nouvelles : j’en lis très peu, mais ce que je lis, c’est du recommandé, du connu, du solide.
    Je vais donner sa chance à notre petit Wilson, mais pas tout de suite : ma PAL doit diminuer avant cela. Et ma liste d’achat aussi.
    La vie de lecteur est compliquée, n’est-ce pas? 😀

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    • Ah! Mais, c’est le but!
      Je lis davantage de nouvelles depuis deux ans, mais ce n’est toujours pas mon format préféré. Ici, il y a des nouvelles vraiment très chouettes et l’ensemble du recueil est d’un excellent niveau.

      Je suis heureuse que tu lui donne sa chance à Wilson. Je dis la même chose que toi, et peu à peu je vois que j’achéte et lis ce que j’ai repéré. Je l’ai constater en faisant le point de l’année dernière.

      La vie de lecteur est très compliquée : pas assez de temps, pas assez de place, pas assez d’argent. Toujours obliger de faire des choix! 🙂

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  3. – J’ai beaucoup aimé Dragon de Glace, et encore plus Neverwhere (les deux lus très récemment d’ailleurs ^^).
    – Je suis résolument très friande de fantastique angoissant.
    – Et je veux connaître R.C. Wilson sous toutes ses facettes !!!
    Alors, j’ai tout bon n’est-ce pas ? 😉 Je peux foncer dessus avec ton assentiment ?
    Je te vois hocher la tête, ok… merci 😉

    Aimé par 1 personne

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